CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-Lars Larsen
(chant)
-Kristian Larsen
(guitare)
-Martin Arendal
(guitare)
-Jeppe Eg
(claviers)
-Kasper Gram
(basse)
-Mads Wolf
(batterie)
TRACKLIST
1)A Gathering of Pilgrims
2)Filaments of Armageddon
3)The Old Barge
4)Keeper of Time - Eternal Champion
5)Cantos
6)On a Sea of Grass - Night
7)Reversed
8)On a Sea of Grass - Day
9)A Long Farewell
10)At the Keep
11)Swarm Attack
12)Loveternaloveternal...
DISCOGRAPHIE
On dit que le troisième album est souvent celui de la maturité. Adage tout à fait vérifié pour le cas Manticora, dont les deux premiers albums, s’ils montraient un groupe qui en voulait et qui en promettait, ne proposait pas non plus de quoi grimper au rideau. Et puis Hyperion déboule, inspiré, superbement écrit et interprété. Sans aucune velléité de révolution, Manticora a posé cette année-là un des meilleurs albums de speed metal mélodique de tous les temps. Ouais, rien que ça.
Et c’est à peine exagéré. Hyperion fait partie de ces albums que l’on écoute sans se lasser et vers lequel on finit toujours par revenir, comme un papillon attiré par la lumière d’une lampe à incandescence destinée à griller les mouches et autres moustiques venus jouer les trouble-fêtes lors d’un barbecue nocturne. Hyperion, en plus d’être un album, c’est un livre de Dan Simmons – que nous ne pouvons que vous conseiller - dont l’histoire est reprise dans le concept du disque. Sept pèlerins qui partent rencontrer le Gritch sur la planète Hyperion, ou assurément l’une des œuvres majeures et incontournables de la science-fiction, bardée de prix (dont le prix Hugo et le prix Locus du meilleur roman de SF). Restait maintenant à parvenir à en faire une œuvre musicale du niveau de son inspiration, ce qui n’était pas gagné, tant les concepts futuristes sont rarement adaptés dans ce genre de musique, et encore moins souvent réussis (citons le très bon The Mission de Royal Hunt, inspiré de Bradbury).
Manticora s’appuie donc sur le livre de Dan Simmons pour construire ses douze titres et proposer cet album de speed metal de haute volée. La réussite musicale d’Hyperion vient de plusieurs facteurs qui se scindent et rentrent en résonance, permettant à l’album de se hisser du statut de « réussite » à celui « d’album culte ». D’abord, le chant. La voix si caractéristique du grand Lars Larsen a gagné en ampleur, et son timbre un peu grandiloquent se pose de manière parfaitement naturelle sur la musique du groupe. Les lignes vocales sont superbement écrites, que ça soit les refrains, les couplets ou les breaks, elles parviennent aisément à rester en tête et on se surprend à se mettre à les fredonner alors que l’on n’a pas posé une oreille sur l’album depuis un mois. A ce niveau là, Hyperion flirte sans complexe avec Blind Guardian, référence absolue dans le genre « mélodie vocale imparable et inoubliable ». Et, comme Hansi, Lars possède un timbre marqué le rendant aisément reconnaissable, loin des innombrables clones de Kotipelto ou Matos qui rôdent dans le milieu.
Un chanteur inspiré ne fait pas tout. Heureusement, le reste est à l’avenant. La production permet au quintet de dégager une puissance contenue, avec un son de guitare propre et puissant, une basse présente et une batterie équilibrée, apportant juste ce qu’il faut de dynamisme à l’ensemble. Pas besoin de s’extasier sur la technique du groupe, qui n’est pas là pour nous en mettre plein la vue, mais pour proposer des compositions excellemment construites et souvent imparables. Passée la petite introduction, c’est le puissant "Filaments of Armageddon" qui ouvre le bal avec ses sept minutes trente au compteur. Le ton est donné : mélodie et puissance seront les maitres mots de cette œuvre, le tout surmonté de la cerise ultime sur le gâteau, ces mélodies vocales imparables déjà évoquées. Sans se restreindre, Manticora déroule ses riffs, ses mélodies et ses innombrables idées de breaks et de refrains, et du coup, les compositions ont tendance à s’étirer dans le temps : six titres dépassent les sept minutes, et le total fait plus d'une heure de musique.
Difficile de rester au top de l’inspiration avec une telle intensité durant si longtemps, et pourtant Hyperion frôle le sans faute. Nous avons évoqué "Filaments of Armageddon", il faut aussi parler de "Cantos", le meilleur titre du lot, de l’inquiétant "Reverse", des chorus de "A Long Farewell", du court intermède instrumental "Swarm Attack" mais aussi du final "Loveternaloveternal...", reprenant certains des thèmes musicaux développés dans les titres précédents. Même la ballade "At the Keep" remplit son office sans provoquer d’ennui, tant elle se situe dans la parfaite continuité de l’album. Il y aurait trop à dire, et il faudrait un article bien trop long pour relever toutes les subtilités des douze titres d’Hyperion, auquel Manticora n’a à ce jour pas encore donné de digne successeur, malgré de bons albums comme 8 Deadly Sins. Si nous devions souligner un défaut à cet album, ça serait sans doute sa trop grande richesse, le rendant parfois un peu difficile à écouter d’une traite. Qu’à cela ne tienne : il suffit de s’en envoyer une petite lampée quand le besoin s’en fait sentir, et alors le plaisir restera intact avec le temps.
Tentez l’expérience : si ça n’est pas encore fait, lisez Hyperion (le livre) en écoutant Hyperion (l’album). On pourrait douter qu’un monument de la littérature puisse trouver comme bande-son un album de speed metal mélodique danois, et pourtant : quand deux œuvres majeures se rencontrent, cela ne peut que donner de bonnes choses…