On le sait, l'émo est un style pour le moins controversé. Orienté « djeuns », composé d'une myriade de groupes-clones parfois (souvent?) beaucoup plus intéressés par leur look que par leur musique, on l'a accusé de tous les maux, l'émo. Bref, Four Letter Lie (FLL), fondé en 2004 à Minneapolis, a d'abord évolué dans les plus tristes archétypes du genre, et sort ici son 3e album après deux premiers essais non dénués de talent mais où le groupe assénait tout de même les pires poncifs. Mélodies aussi imparables que prévisibles, voix parfois à la limite du supportable... Alors vous direz-vous, qu'est ce qui justifie ce beau 14/20? Pas mal de choses...
FLL avait annoncé, avec ce 3e album faisant suite aux départs successifs du guitariste fondateur du groupe et du premier batteur, un virage assez sec vers plus de rock'n'roll et de brutalité. Scepticisme... Et pourtant, si cet album n'est pas parfait, il faudrait être totalement sourd pour ne pas voir à quel point FLL a évolué. Clairement, le groupe a décidé d'aller plus à l'essentiel, et surtout a diversifié son arsenal. Au rayon des premiers changements de taille, la voix. La voix claire a disparu, et Brian Naggan évolue sur cet album dans un style beaucoup plus brut, usant d'une voix criée certes un peu monotone mais totalement maîtrisée et surtout très bien placée ("Daymaker"). Franchement on ne s'en plaint pas tant le changement donne plus de puissance au groupe, et on peut même saluer cette belle perf' du frontman qui donne, à lui seul, un tout nouveau feeling à sa formation. Et Dieu merci, le reste du groupe a subi le même genre de cure d'amincissement. Riffs plus directs, aux accents clairement plus rock que par le passé ("Careless Lover"), FLL évolue maintenant dans un style méchamment plus varié et original qu'auparavant, quand le groupe sortait moins des sentiers battus.
Plus de variations donc, mises en avant par une production très agréable et moins aseptisée que par le passé. Et puis il y a "Daymaker". LE tube, la tuerie, la chanson de stade qui justifie à elle seule l'achat d'un album. "Daymaker" c'est 2'41 de bonheur. Puissance, maîtrise et émotion, refrain de tueur, pleurs. Mais voilà, force est de constater que cette poutrerie dessert le reste de l'album, qui du coup peut sembler un peu en retrait. Attention, il y a quand même du talent : des structures rythmiques originales pour le style ("We're All Sinners"), une énergie vraiment communicative ("Strugglers"), une variété dans les morceaux très appréciable, avec notamment quelques bons samples que n'aurait pas renié un Incubus période S.C.I.E.N.C.E ("Key to the World", "It's Finally Over"), mais il manque encore la touche de génie qui emmènerait le groupe vers d'autres sphères. On pense à He Is Legend pour le côté vraiment crossover entre émo, hardcore et indie rock, mais aussi à des poids lourds du style Thursday ou Incubus, sans qu'il y ait pour autant une once de voix claire. Mais voilà, malgré toutes ces qualités, on ne rentre pas tout à fait dans l'univers proposé, sentant que le groupe se cherche encore.
Bref, on salue la volonté du groupe de sortir du carcan émo/core, ce qu'il réussit fort bien. Mais la mue n'est pas aisée, il est clair que le groupe manque d'identité et se cherche encore. Cependant, il y a du talent, de l'originalité, il y a un tube de fous ("Daymaker", what else?), et même si on reste un peu sur notre faim, quand on pense à la façon dont se casse actuellement la gueule (musicalement hein, pas commercialement, ce serait trop beau) la scène émo, on ne peut qu'encourager le groupe à continuer dans cette voie. Bref, à écouter!