CHRONIQUE PAR ...
Gazus
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Reno
(chant)
-Margo
(guitare)
-Jak
(guitare)
-Blaise
(basse)
-Raph
(batterie)
TRACKLIST
1)The Ox
2)Return of the Huns
3)Anthem of Pretended Glory
4)Villains
5)Centre
6)Our Cemetary Is Full of Strangers
7)Muscle
8)Duke of Nothing
9)Turpitudes
DISCOGRAPHIE
Kruger -
For Death, Glory And The End Of The World
Au fil des années, les Suisses de Kruger, non contents de se tailler une réputation de tueurs sur scène ont vu leur propos musical s'alourdir. Une évolution nette était ainsi marquée par le fossé séparant Cattle Truck et leur précédent effort Redemption Through Looseness. Les voici de retour avec un nouvel album qui s'inscrit dans cette lignée. Au menu, du bœuf, du lourd, de la mélodie, soit tout ce qui au fil des années s'est vu assimilé pour créer le son Kruger, réuni dans un seul et même but : la Mort, la Gloire et la Fin du Monde.
Et l'opener "The Ox" de confirmer que le groupe poursuit son accélération de tempo entamée sur l'album précédent. On est en territoire connu : les riffs déboulent, purement rythmiques ou atonaux, lâchant des nappes mélodiques, tandis que la basse vient alourdir le tout et que la batterie ne cesse de marteler ce maëlström de violence alternant bruitisme et mélodies. Les climats s'enchaînent et tour à tour l'auditeur est bousculé ou trouve la possibilité de respirer sans que jamais la chose ne soit lassante ou étouffante. Puis de cette violence helvète se dégage une valeur ajoutée, à savoir un groove qui fait bien plus onduler le corps que dégommer les cervicales ("Return of the Huns"), ce groove qui se transforme parfois en une délicieuse et violente sensation de balancement qui vous prend au corps plus qu'elle ne vous fait claquer des doigts. Puis au milieu de tout cela il y a, entre autres, Reno.
Reno, forcément, le frontman qui fait qu'un concert de Kruger passe d'une bonne claque à un coup dans les dents. Point de technique vocale parfaitement calée, juste une déferlante de beuglements et de saturation vocale écœurante et jouissive à la fois. L'homme ajoute à ses cris des modulations et variations mélodiques qui n'enlèvent rien à l'agression pure qu'est son chant. Même lorsqu'il se place en retrait avec un grain bien moins prononcé ("Centre", "Turpitudes") - on ne peut pas vraiment parler de chant clair -, son timbre reste reconnaissable. Et ce n'est pas la présence de Joe Duplantier de Gojira sur "Muscle" qui changera quelque chose quant au côté impressionnant du Suisse. Le duo vocal est plus que sympathique mais au final, l'aspect bestial et libéré de toute technique ou garde-fou qui marque l'identité de la voix de Reno ferait presque pencher la balance vers celui-ci, au détriment du talentueux basque.
Niveau production, For Death, Glory And The End Of The World se révèle être plus qu'intéressant. Le son se situe entre propreté et netteté d'une part, lourdeur et crasse d'autre part. Ajoutons à cela le fait que les voix sont sous-mixées de telle sorte qu'on a l'impression que le groupe se trouve en configuration de répète/scène, un grain et une couleur de son qui tranche avec les productions numériques actuelles, de même que des expérimentations que l'on pourrait qualifier de vintage (le final aux effets presque dub de "Turpitudes") et nous voilà avec un disque offrant une personnalité à la fois musicale, chose habituelle avec le groupe, mais surtout sonore. Rajoutons-en un peu plus avec des titres et des paroles entre le second degré et le « bête et méchant » ("Muscle", "Our Cemetary Is Full of Strangers"), des moments de bourrinage jouissif et des envolées de pure grâce, et voici un album d'un intérêt plus que digne.
Si la fin du Monde n'est pas pour tout de suite (certains soufflent 2012 dans mon oreillette) et si la mort n'est visiblement pas au programme pour les membres de Kruger, on peut en tout cas leur souhaiter la gloire. Au final, des trois objectifs de cet album, ne leur est accessible que le plus difficile à atteindre. Qu'à cela ne tienne, les Suisses viennent de prouver qu'ils le méritent, en balançant une fabuleuse claque en ce début d'année.