Soyons honnêtes, l'énorme succès du metalcore et de ses styles dérivés, le plus souvent à forte teneur en mèches, et l'empilement de groupes surfant sur la vague qui s'en est suivi commence à gonfler pas mal de monde dans le milieu. Dans un tel contexte, voici qu'une bande de jeunes chrétiens en colère débarque tout droit de Fort Worth, Texas, provenance de plus en plus fréquente dans ce style par ailleurs. Oh Sleeper vient donc ajouter sa seconde pierre à l'édifice déjà bien chargé du style. Alors, une bouse anonyme de plus? Eh bien curieusement non, et voici pourquoi.
En effet, nonobstant un évident manque de personnalité (cet album aurait pu être écrit par Parkway Drive ou August Burns Red, c'était à peu près la même, sans voix claires), Oh Sleeper nous livre, avec ce ''Son of the Morning'', un second album solide, plus varié et mélodique que la moyenne des sorties du genre. Tous les ingrédients du potentiel carton dans les charts metal US sont là : grosse technique, prod' énorme dans les archétypes sur-triggés et surpuissants du genre, refrains voix claire qui accrochent (''Son of the Morning''), couplets trashcore-isants, beatdowns hargneux, tout y est. Alors oui, aucune surprise, mais un talent certain néanmoins, talent qui se manifeste surtout dans la capacité des pieux texans à varier les plaisirs et les ambiances. On passe ainsi d'un burner des plus entraînants et aux couplets lorgnant vers le mathcore (''Son of the Morning'') à la touche plus ambiancée et calme d'un ''In All Honesty'' ou de ''Reveries of Flight'' sans trop perdre en cohérence, bien que ces morceaux aient tout de même une légère tendance à la soupe émo. Fort heureusement, le groupe limite ces escapades romantiques et maintient la pression tout au long de l'album, bien aidés en cela par le niveau technique général hallucinant et la production en béton armé signée Andreas Magnusson (The Black Dahlia Murder, entre autres) que j'évoquais plus haut.
De même, le groupe propose parfois de véritables moments de grâce, comme par exemple sur les couplets de ''The Fire Dawn'', où l'inventivité et le groove des deux guitaristes est un véritable régal. Certes le groupe n'invente rien, mais il fait bien son boulot, notamment le chanteur qui, en plus d'une excellente voix hurlée, écorchée comme il se doit, jouit également d'une voix claire supportable voir agréable, ce qui est un atout quand on subit bon nombre de vocalistes du style dont la voix claire frise le ridicule (Gwen Stacy, Memphis May Fire, au hasard). Bref, il y a du niveau. Mais le groupe ne parvient cependant pas à éviter les écueils du genre, au premier rang desquels la tendance, frappant la grande majorité des jeunes groupes de metalcore technique et qui se la racontent un peu, à en faire des TONNES (l'intro de ''World Without A Sun'' par exemple). Superposer les riffs, empiler les pistes de chant, surproduire la batterie, certes cela donne une impression de puissance, mais à longue ça fatigue sévèrement. De même, beaucoup trop de passages en voix claire à mon sens, des refrains dont on sent qu'ils ont un peu été calés là de manière artificielle afin d'atteindre un public plus large (''The New Breed''). Et même si le chanteur est bon, on sent qu'il a bien du mal à réfréner ses ardeurs d'émo-tribun de stade un peu au rabais (''The New Breed', ''Reveries of Flight''). Un peu de sobriété, bon dieu de diable!
Bref, un album que je qualifierais d'honorable pour un second essai. Oh Sleeper a du talent et de la technique à revendre, mais l'enrobage un peu cliché avec lequel le groupe présente son propos dessert clairement sa musique. Typiquement un groupe qui gagnerait à être un peu plus sobre et à s'arracher davantage des poncifs du genre. Cela dit, ce ne sont pas les seuls dans ce cas là, loin s'en faut.