Qu'il peut être bon, par instants, de s'éloigner quelque peu de notre almighty métal pour aller voir ailleurs ce qui s'y trame... Pas trop souvent j'en conviens, mais vous m'accorderez néanmoins qu'entre le dernier Immolation (excellent par ailleurs) et un petit live d'Hatebreed, il peut être fort agréable, à l'occasion, de poser et reposer ses oreilles mises à rude épreuve. C'est en général du côté de l'indie aux accents un peu folks que je vais chercher ces moments de calme, et je dois dire que ces dernières années je n'ai pas été déçu, loin s'en faut, notamment par le groupe et l'album dont je souhaitais vous entretenir aujourd'hui. Mais si, vous allez voir c'est cool l'indie folk.
Au sein de cette très bucolique et mélodieuse scène, disais-je, au milieu des Fleet Foxes et autres Martin Ward ou des frenchies de Syd Matters et Cocoon, il est un groupe d'une classe rare et qui sort ces jours-ci son dernier album. Je veux parler des cinq ricains de Midlake, qui avec The Courage of Others nous livrent leur 4e album, celui d'un groupe mûr et qui maîtrise totalement son sujet. Auparavant plus friands d'un rock certes très soft à la Fleetwood Mac mais typiquement US néanmoins (cf. leur excellent avant-dernier album The Vans of Occupanther et notamment le tubesque ''Roscoe''), les champêtres américains se sont, pour ce dernier effort, beaucoup plus inspirés de la scène british folk des 70's (au premier rang desquels Fairport Convention ou Pentangle) que par le passé, ce que l'on ne saurait leur reprocher au vu de la très grande qualité du résultat.
Alors certes c'est encore plus calme qu'auparavant, et certes l'utilisation des chœurs, des cordes, des claviers et surtout de la flûte donne à l'album un lustre très ancien, voir un feeling quasi-médiéval sur certains morceaux (''Small Mountain'') qui ne plaira pas à tout le monde, mais force est de constater que tout cela a été fait avec une classe folle et un sens unique de la mélodie et de l'harmonie devant lesquels vous aurez du mal à rester insensibles. Je vous mets ainsi au défi de rester de marbre face au refrain d'un ''Acts of Man'', d'un ''Winter Dies'' ou à l'intro d'un ''Core of Nature''. Si vous y parvenez, ma foi vous devez être secrètement fou, ou pire encore, secrètement fan hardcore de Bunkur (ouch), Sunn O))) (ouille), voir de Portal (irk !), enfin de non-musique quoi. Auquel cas vous m'en voyez tout attristé. Mais passons.
Au rang des rares critiques, on pourrait noter que cet album maintient un tel niveau de qualité de la première à la dernière seconde, en termes de créativité aussi bien instrumentale que vocale, qu'il est difficile d'en sortir tel ou tel morceau... Quelle honte! Plus sérieusement, les arpèges de guitare aussi cristallins que variés (''Acts of Man''), le jeu de batterie qui ne l'est pas moins, l'utilisation parcimonieuse et quasi-pudique des chœurs, cordes, claviers et de la flûte pour enrichir le tout sans jamais l'alourdir, cette mélancolie de tous les instants qui ne tombe jamais dans la sourde tristesse, forment au final un véritable travail d'orfèvre ciselant ses compos à la recherche de l'harmonie et non du tube immédiat, dont cet album est en fait dépourvu.
Mention spéciale tout de même au somptueux enchaînement ''Children of the Grounds'', ''Bring Down'' et ''The Horse'', trois chansons d'une classe encore une fois peu commune, totalement différentes les unes des autres et pourtant également évocatrices d'émotions aussi diverses qu'intelligemment contenues et distillées. Un point commun tout de même, ces voix toujours plus impressionnantes d'harmonie et de mélancolie, habillant voir habitant cet album d'une aura crépusculaire sans pour autant trop l'assombrir (les refrains de ''Bring Down'' et ''The Horn'' en sont un bel exemple). Des voix qui, de façon plus générale, y sont pour beaucoup dans l'incontestable réussite que constitue ce Courage Of Others, avec encore une fois comme maîtres mots subtilité et complémentarité (on pense notamment à la discrète adjonction de chœurs féminins du plus bel effet, disséminés de ci de là sur l'album). Bref, tout cela est très universel et fort bien fait, et je n'ai finalement quasiment aucun reproche à faire à cette calme tuerie.
Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter de pouvoir apprécier cet album autant que j'ai pu l'apprécier, c'est-à-dire énormément, et profiter de l'occasion pour vous balancer un éculé mais néanmoins sincère poncif sur l'éternel « de l'importance d'être éclectique ». Il me semble en effet primordial, pour nous autres mélomanes métalliques parfois légèrement mono-maniaques à tendance « Metal is best, Fuck the rest », d'élargir nos horizons. C'est aussi comme cela que le style cher à nos cœurs of steel évoluera ! D'autant que lorsque c'est pour écouter des albums d'une telle qualité, cela vaut définitivement le coup... À bon entendeur, bonsoir.