Solution 45 est ce qu'on appelle un « super-groupe ». Non pas, bande de moules, parce que ce qu'ils font est « super » (cela dit on va vite le savoir), mais bien parce qu'il s'agit d'un groupe formé par des membres connus de groupes déjà plus ou moins célèbres. En l'occurrence, Solution 45 a été formé par Jani Stefanovic, provisoirement échappé de Miseration, son projet death monté avec LA « reusta » du groupe, je veux parler du bankable ex-chanteur de Scar Symmetry, Christian Älvestam. D'ailleurs, le mec qui chante dans Solution 45 c'est lui aussi, et la moitié des autres membres viennent également de Miseration. Ça commence à me faire un peu flipper là.
Alors, sous-Miseration (ouille), sous-Scar Symmetry (argh), sous-mix des deux (arf !) ou totalement autre chose? Eh bien ma foi, et malgré ce que le groupe s'est tué à déclarer depuis des semaines dans la presse, un peu de tout ça. En effet, il ne fallait tout de même pas s'attendre à ce que d'aussi célèbres chantres du melodeath moderne, et plus généralement du metal moderne un peu mainstream en provenance de Scandinavie ces dernières années, se mettent à faire du stoner enfumé ou du hardcore new school vindicatif. Non, il est encore une fois ici question de melodeath à la sauce Göteborg, celui-là même qui a été remis au goût du jour par les petits rigolos de Scar Symmetry époque Ävelstam et leurs collègues. Et donc forcément, si on ajoute à ça des lyrics intégralement écrits par l'immense Mikael Stanne (de Dark Tranquillity, pour les cancres) et une production béton armée, on s'attend quand même à du lourd. Et il faut avouer que les premières écoutes, à défaut de faire jumper le jeune (ou moins jeune) métalleux contre les murs en hurlant « mais c'est de la bommmmbe », envoient quand même de l'assez lourd.
En effet, les bougres savent y faire et balancent coup sur coup deux tubes potentiels, accrocheurs au possible et rappelant un In Flames ou un Soilwork en grande forme (''The Close Beyond'', ''Gravitationnal Lensing''). Le chant, notamment, est révélateur d'un style qui se décomplexe de plus en plus et n'hésite plus à taper dans le mainstream sans vergogne : en gros, chant clair autant qu'hurlé, sur les couplets autant que sur les refrains, montées dans les aigus, émotion à fleur de peau, grandiloquence même par instants, puissance, tout y est. Et tout cela est évidemment totalement maitrisé par le père Ävelstam, qui offre ici une performance vraiment carrée. Après on aimera ou pas. Personnellement, je considère tout simplement que le mélodeath franchit, avec ce type d'album, de nouvelles étapes vers un public encore plus large, après la vague de « mainstreamisation » lancée par les darons d'In Flames époque Reroute To Remain/ Soundtrack To Your Escape, mouvement qui se poursuit depuis et qui prend de l'ampleur, pour le meilleur et pour le pire. Et clairement, Solution 45 s'inscrit dans cette mouvance, tant ce For Aeons Past a été calibré, mesuré et millimétré pour envoyer du tube.
On a parlé du chant, mais le reste des instrus, et notamment les guitares, sont au diapason de cette volonté d'aller chercher un public beaucoup plus large que par le passé : souvent violents, mais jamais trop rapides ni dissonants, massifs grâce à une production pachydermique mais toujours aérés et variés (''For Aeons Past''), systématiquement teintés de mélodies sous-jacentes voir carrément mises au premier plan, le tout enrobé de samples et autres synthés qui vont bien (''Bladed Vaults''), la musique et les compos sont à l'image du chant : décomplexées. Alors bien sûr tout cela est très easy-listening (''Lethean Tears'' ou le coup typique de la ballade prog du milieu), ça sent un peu le coup marketing et l'archétype de l'album commercial, mais au moins ça a été bien fait, ce qui n'est pas toujours le cas (le dernier Mnemic notamment, qui avait totalement les mêmes objectifs que cet album, sauf que ses géniteurs se sont fort joliment plantés). Alors évidemment on est très loin du chef d'œuvre tant on navigue en terrain archi-connu, mais le côté pro et inspiré de l'ensemble est indéniable. De plus, moi qui n'ai jamais été réfractaire à un peu de mélodie dans ce monde de brutasses, je salue la volonté des musiciens de faire du métal, dont on mesure assez mal la véritable notoriété en Scandinavie depuis la France, un style encore plus ouvert et accessible.
Bien évidemment, il s'agit là d'une volonté qui va faire hurler plus d'un TrVe metalhead, mais je crois que c'est le chemin inexorable emprunté par cette scène depuis pas mal d'années déjà, et qu'il va falloir soit l'accepter, soit renier tout ce qui sort de Scandinavie et qui n'est pas estampillé TrVe death ou black (un peu comme c'est le cas aujourd'hui avec le deathcore, défoncé à qui mieux mieux dans la presse spécialisée). Un album en tout cas très représentatif d'un mouvement qui n'est à mon humble avis pas près de s'arrêter, et qui mérite qu'on y jette l'oreille puisqu'il est de qualité.