C'est bien connu (et absolument pas cliché), en Angleterre, il fait vilain, il fait froid, il pleut, la vie est chère, donc on peut vite s'emmerder. Alors pour s'occuper, les anglais boivent, et pas que du thé, kiffent la Premier League, cuisinent des trucs un peu louches et font du putain de rock. Par contre niveau death metal, dire que la scène british est famélique est un euphémisme, les jeunes groupes préférant se tourner vers un style bien plus porteur ces temps-ci, le gentil deathcore à mèches quelque peu survendu (du genre des irritants Bring Me The Horizon). Mais disons le de suite, les mecs d'Annotations Of An Autopsy ne sont pas de cette trempe-là.
Non mes ami(e)s, Annotations Of An Autopsy (AOAA) fait du gros putain de death metal. Et du bon en plus. Les furieux de Lowestoft envoient en effet, avec ce Reign Of Darkness qui porte bien son nom, un death bien gras et virulent, contemporain par certains aspects car incorporant des éléments récents et « hype » (notamment quelques breaks coreux de ci de là, mais clairement joués à la sauce du groupe), tout en restant fondamentalement un groupe old-school dans l'esprit, et dont les influences remontent de toute évidence au début des 90's et à l'âge d'or de la scène death US. Et surtout, il s'agit un groupe qui a véritablement digéré ces influences pour proposer un truc varié, intéressant et cohérent. Une des forces de cet album est notamment d'arriver à créer des morceaux diversifiés, aussi bien au niveau du son que des ambiances, tout en conservant une identité forte, ce qui est toujours appréciable. AOAA pratique donc un death metal majoritairement mid-tempo, comportant évidemment un tas de parties rapides mais assez peu de plans thrashisants, avec une réelle recherche de variété dans les rythmiques comme je l'ai dit, le tout en ne cédant pas à la mode des groupes deathcore cherchant tous à jouer plus vite les uns que les autres.
On se retrouve donc avec un groupe qui tient aussi bien de Suffocation que de Death ou d'Obituary, légendes pratiquant pourtant des styles finalement très différents les uns des autres. Eh bien AOAA a assez brillamment réussi, avec cet album, à suffisamment s'approprier ces influences pour proposer un pavé particulièrement solide, qui plus est parfaitement exécuté par des musiciens qui se baladent sur le plan technique. Au niveau de la prod', rien à redire également. Et à ce propos, j'avais oublié de préciser que les british ont fait très fort en signant pour cet album avec rien de moins que Nuclear Blast. Donc forcément eheh, cet album bénéficie d'une production à la hauteur des moyens du plus gros label du milieu, soit un son lourd et puissant à souhait, clean tout en restant chaud et organique, avec des basses qu'on entend pour une fois. Bref, un putain de bon son qui témoigne des espoirs placés en ce groupe par le label. Et force est de constater que les Allemands de NB ont eu le nez creux, ce qui n'est pas toujours le cas (Callejon, Sonic Syndicate, Mnemic et quelques autres trucs franchement très moyens, et je reste poli), car en l'occurrence il est indéniable qu'AOAA est un groupe à suivre.
Les Anglais ne manquent en effet pas de talent et proposent, avec ce second album, un death très varié, sombre et violent comme il faut mais qui sait également groover comme un malade (''Born Dead'', ''Impale the Sun'') voir se faire carrément mélodique en de rares instants (''Catastrophic Hybridization'', ''Cryogenica''). AOAA évite les gros écueils du genre, notamment en n'abusant pas du blast, qui à la longue peut rendre les compos et l'écoute de l'album indigeste, et surtout en l'utilisant de manière fort intelligente, soit la plupart du temps sur des breaks saccadés tirant vers le -core, pratique que l'on retrouve un paquet de fois sur l'album et dont l'efficacité vous brisera la nuque en moins de temps qu'il ne faut pour dire « mosh part » (''In Snakes I Bathe'', ''Born Dead'', et bien d'autres). Le reste du temps, AOAA alterne le bon et l'excellent (le refrain d'''Emptiness'', mon dieu), avec un chanteur vénère et guttural comme il faut mais qui varie assez peu (il essaie cependant, sur ''Portrait of Souls''), ce qui est un peu dommage mais n'enlève rien à la qualité de l'ensemble tant le bonhomme sait placer sa voix où il faut.
Bref, le genre d'album qu'on attendait pas d'une bande de jeunes Anglais (groupe formé en 2006, arf !), mais plutôt de gros ricains rompus au style depuis des décennies, des mecs genre Erik Rutan, qui - Oh coïncidence ! - ne s'y est d'ailleurs pas trompé sur le talent des Anglais en apparaissant sur le puissant ''Bone Crown''. Une belle surprise en tout cas, et la seule raison pour laquelle cet album ne figure pas dans les coups de cœur du moment, c'est pour le classicisme finalement assez prégnant de cet album, qui n'invente absolument rien et dont certains riffs donnent cette impression de déjà-entendu si fréquente par les temps qui courent. Mais eux au moins ont fait les choses extrêmement bien et avec un talent indéniable. Un futur grand ou j'y connais rien.