Les cinéphiles parmi vous connaissent sans l’ombre d’un doute le Giallo, ces thrillers italiens ayant une signature particulière et unique, popularisés par Dario Argento, Sergio Martino ou Lucio Fulci. La bande son de ces films est souvent expressive, allant de pièces discordantes et angoissantes en crescendo à une musique d’ambiance posée avec des murmures féminins évocateurs. Que ce soit Ennio Morricone ou les Goblin, les maîtres de la composition pour Giallo sont loin, très loin du doom metal.
Cela n’a pourtant pas empêcher Thunderstorm, pour son cinquième album, de rendre hommage au cinéma de leur pays natal en sortant Nero Enigma, concept album en hommage au Giallo. Le principe est simple: un tueur fou rôde, un meurtre pour chaque chanson, et c’est à l’auditeur de percer le mystère et de trouver qui est le maniaque. Spoiler: ce n’est pas le colonel Moutarde avec le chandelier, dans le petit salon. Si le doom metal est un vecteur de choix pour des ambiances angoissantes, il faut avouer que Thunderstorm n’exploite pas son concept jusqu’au bout. Rien n’est fait pour nous rappeler que nous entendons la bande son d’une série de meurtres. Sans aller jusque mettre des interludes ou des bruitages types film d’horreur, le groupe aurait pu construire son album autour d’ambiances angoissantes, de quelque chose qui nous rappelle le concept. Aux antipodes, "5025" est un titre qui, sans être joyeux, n’en est pas moins entraînant et avec une mélodie entêtante.
Influencé par le doom traditionnel, notamment Black Sabbath bien entendu, mais aussi Candlemass ou Trouble, Thunderstorm ouvre ses portes au heavy, raison pour laquelle l’album n’est pas aussi morbide qu’il pourrait l’être. Le premier titre, "Nero Enigma", est du heavy pur jus: riff entraînant sur une rythmique mid-tempo, section rythmique un peu plus enlevée que le titre de doom moyen. Le chant de Fabio Bellan, très classique dans son timbre et ses lignes mélodiques, n'évoque guère les plaintes du doom. Cependant, il est irrégulier: sa voix se casse régulièrement pour perdre de sa puissance. Le classicisme du chant fait miroir à celui de la composition. La première moitié du disque, qui est celle avec les chansons les plus up-tempo, est trop prévisible. Bien que de bonne facture, les chansons sont trop génériques, aussi bien dans le riffing que dans la construction. Quelques bons passages sont notables cependant, notamment sur "Ophrys", qui possède un riff efficace et une mélodie entêtante.
Quand Thunderstorm repart dans le chemin qu’il trace depuis ses débuts, autrement dit le bon doom traditionnel des familles, l’album devient plus intéressant. Et tout commence avec "The Trial of Life", qui devrait vous donner envie de vous trancher les veines à la petite cuillère. Riff pachydermique en introduction, tempo lourd comme du plomb, son plus gras et organique, bref, tout ce qui fait du bon doom, avec en plus des chœurs pour rajouter une pointe épique. Las, l'épiphanie ne durera qu’une chanson. Le reste retombe dans le classicisme dénoncé plus haut, et bien que ce soit sans défaut majeur (si ce n’est qu’absolument rien n'évoque le Giallo), la forme un peu trop scolaire et le fond trop évident ne rend pas service à l’album, qui aura une durée de vie de quelques écoutes. Si Thunderstorm veut sortir de l’underground, il devra se concentrer pour rendre ses œuvres moins bateaux, puisque globalement, le groupe ne souffre pas d’un manque de technique.
Si le concept est intéressant de prime abord, surtout au vu de l’importance de la bande son dans le Giallo, le résultat final est décevant. En se limitant uniquement aux paroles pour raconter son histoire de meurtre et sans en intégrer aucun élément dans la musique, Thunderstorm n’en exploite pas le potentiel. Nero Enigma reste un album standard mi heavy mi doom, ni bon ni mauvais, qui ne fera pas date. Si vous cherchez du doom plus solide, Candlemass fera votre bonheur. Et si vous voulez vous imprégner de l'atmosphère de ces films si particuliers, The Goblin est obligatoire.