CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Sean Z
(chant)
-Emil Werstler
(guitare)
-Eyal Levi
(guitare)
-Jeremy Creamer
(basse)
-Kevin Talley
(batterie)
TRACKLIST
1) Genocidal Maniac
2) Destruction / Restoration
3) Indestructible Overdose
4) Double Tap Suicide
5) The Decider
6) Exit Plan
7) Oxygen Burn
8) Accelerant
9) Arch {Enemy} Misanthrope
10) Manufactured Insomnia
11) A Cold Devotion
12) N.A.T.G.O.D.
13) Terminal Now
DISCOGRAPHIE
Dans la série caméléon, Daath se pose là. Après avoir concocté toute une mystique basée sur la Kabbale, Mike Kameron s'est fait jeter du groupe, laissant Eyal Levi aux commandes. Une des premières décisions du guitariste a été d'effacer totalement cet aspect ésotérique de l'identité de sa formation. Et juste après ça, le chanteur Sean Farber qui assurait le live s'est fait remplacer par Sean Z. Daath est donc le premier album depuis The Hinderers qui ne fasse pas suite à un grand bouleversement et une chose est sûre : la stabilité, ça a du bon. Ça permet à la haine de s'exprimer.
Daath est devenu très méchant. Vraiment. C'est désormais un groupe de death-metal moderne qui cogne très fort et déverse la rage. Le pas franchi en direction de l'agression est on ne peut plus net, incarné principalement par Kevin Talley et Sean Z. Le batteur n'est pas une référence mondiale pour rien (réécoutez l'album Chimaira), et ses blasts de malade mental font autant de mal qu'ils laissent pantois tant la maîtrise est grande. "Double Tap Suicide" est un exercice de destruction massive à ce niveau : même si la chanson renferme des beatdowns et des breaks, dès que ça speede on n'est clairement pas dans le metalcore mais dans l'extrême. La double fuse à des vitesses qu'on ne connaît que chez des monstres comme Gene Hoglan ou Tim Yeung, et sa manière de marteler l'auditeur sur certains plans de "Indestructible Overdose" est mémorable. Quant au chanteur, c'est proprement ahurissant : Sean Z. passe d'un coup sur cet album au statut de hurleur de tout premier ordre, et ses beuglements font littéralement peur. Du growl caverneux death-metal aux hurlements aigus du black en passant par un registre medium destructeur, il sait tout faire avec le même talent... mais bien plus que ça, c'est la rage pure qu'il dégage qui marque. Pour la première fois l'homme a pu écrire la totalité de ses textes et ça se sent : il nous crache ses paroles à la gueule, nous noie sous une déferlante hystérique qui glace le sang. Et colle une sacrée banane au passage, bien entendu.
Non seulement le groupe met le pied au plancher très souvent et nous tabasse à chaque fois (tous les titres renferment au moins un passage speed dévastateur), mais il passe le reste de son temps à expérimenter et varier les approches. Le crédit en revient totalement à Eyal Levi et Emil Werstler, paire de guitaristes qu'on commence à franchement remarquer à l'écoute. Non seulement les leads sont généralement d'une grande qualité, mais au-delà de ça c'est l'inventivité des gratteux qui fait plaisir. On note un jeu constant sur les sons : rien que sur "The Decider" les guitares sortent régulièrement de leur distorsion classique pour explorer des sonorités bizarroïdes à la Korn ou se transformer en boîte à musique. On note également des incursions d'influences totalement inattendues comme le solo ethnique judaïsant de "The Decider" (quelle compo décidément !) ou le break acoustique de "Double Tap Suicide". Le début de "Accelerant" est emblématique de cette liberté de ton : après une intro à la Strapping Young Lad et avant de lâcher un bon gros riff groovy mid-tempo, Daath envoie un plan complètement alien. Sean Z. y hurle ses tripes sur un fond de double et de basse presques seules... presque seulement, car une guitare mixée très en arrière et passée par moult filtres égrène des arpèges qui amènent au tout une ambiance en béton. Et un peu plus tard, Emil et Eyal se font un duel de solos néoclassiques ! Bref, ça enquille tout le temps.
Hors des breaks susnommés, la production générale des guitares est bien plus crue et old-school que celle des deux disques précédents. Et c'est très bien, car non seulement cette approche moins clinquante donne un cachet d'authenticité au tout, mais en plus elle en augmente la violence. Au lieu d'un mur de son compressé on se retrouve face à des guitares tranchantes comme des rasoirs, et cet aspect permet de ne jamais perdre de vue que tout ambitieux qu'il est, Daath est un album fondamentalement brutal. L'effarant "Indestructible Overdose" résume le talent des bonhommes : c'est un tube thrash/death total, aussi massif que fondamentalement addictif. Riffs speed ultra-catchy, chant littéralement possédé de Sean Z., solo classieux, breaks à tire-l'arigot, plans écrase-faciès... et tout ça en 2'38, sans jamais perdre le fil ! Car là réside le véritable talent du groupe : malgré la densité impressionnante du propos, malgré les watmille plans par chanson, le plupart du temps ils réussissent le tour de force de ne pas se paumer. La plupart du temps seulement : on trouve ici et là des compos qu'on ne parvient pas à retenir de bout en bout, comme "Oxygen Burn" qui va un peu nulle part. Sauf que comme toutes ses comparses, la bougresse renferme mine de rien des moments qui scotchent... et qu'elle est un peu seule dans sa catégorie. Presque toutes les chansons du disque possèdent le riff qu'on retient, la mélodie qui marque ou le blast qui laisse des séquelles.
On pourrait continuer à en parler encore longtemps avec délice, mais il faut bien résumer tout ça en une formule donc allons-y : le dernier Daath poutre. Très peu de groupes peuvent livrer une musique aussi fondamentalement violente et ambitieuse qui se permet en plus d'être catchy. Les deux albums précédents montraient clairement un potentiel, et le virage pris aujourd'hui confirme tous les espoirs. Chopez-le dès que vous pourrez.