Vous connaissez Kuprij, hm ? Bon, eh bien Mistheria, ça n’est pas lui, mais – à première vue – c’est tout comme. Certes, il n’est pas Ukrainien, mais sinon il partage avec lui un talent certain pour le piano, un amour pour la musique classique et un penchant pour le shred décomplexé, à base de heavy metal et de gammes déboulées plus vite que l’éclair. De plus, les deux musiciens traînent leur guêtre dans le même milieu et utilisent donc le même pool de musiciens pour les accompagner : autant dire que la comparaison coule de source, même si chacun de ces claviéristes a son univers bien à lui.
Autre point commun : une participation à moult et moult projets, souvent en tant que guest, parfois en tant que musicien attitré. En vrac, citons les participations de Mistheria à un ou plusieurs albums de Bruce Dickinson, de Winterlong ou Rob Rock. Comme son homologue Ukrainien, donc, Mistheria a un carnet d’adresse long comme le bras, et s’en est servi une fois encore pour mettre en musique ses nouvelles compositions. Le casting, donc, est composé de chanteurs et de guitaristes ayant tous une renommée certaine dans le milieu du heavy et du heavy/shred : Rob Rock, John West, Mark Boals ou encore George Bellas, Neil Zaza, Roger Staffelbach, Emir Hot pour les guitares. La basse est tenue par Alberto Rigoni (Twinspirits, autre groupe à clavieriste) et la batterie par le fameux John Macaluso : autant de noms forcément connus par les amateurs de cette sphère de musiciens gravitant autour de Kuprij, Ring Of Fire, Artension, Royal Hunt et quelques autres encore. L’amateur sera résolument en terrain connu pour découvrir ce Dragon Fire. Ne fuyez pas trop vite à la vue de ce nom d’album bien pourri et cliché, le contenu est plus intéressant que ce que l’auditeur lambda blasé pourrait croire.
Bon, ne cherchez pas non plus à être surpris, tout cela respire le classicisme à plein nez, comme le casting le laissait présager : il y aura des relents assez forts de tous les groupes cités dans le paragraphe précédent, renforcés par la présence de ces chanteurs aux voix si reconnaissables évoquant immanquablement les groupes dans lesquels ils ont joué (Royal Hunt pour West et Boals, par exemple, mais aussi l’album Revenge de Kuprij qui comptait pas mal de point commun en terme de musiciens avec ce Dragon Fire de Mistheria). Assez étrangement, l’album s’ouvre sur un mid-tempo, presque une ballade, avec son air un peu niais et son piano presque naïf – finalement, on sera un peu surpris par cet album, tiens. Les choses redeviennent plus conventionnelles avec un "Lies & Deception" très Malmsteenien, heavy metal presque « du pauvre » malgré de belles lignes vocales. Heureusement, le niveau se relève rapidement avec "Two of Us" et ses accents dramatiques, et les deux parties du pompeusement nommé "Metal Opera" la première s’ouvrant sur un thème bien lourd et un excellent solo de clavier. Mistheria est indéniablement doué, techniquement, mais il ne possède pas la folie et le côté flamboyant de Kuprij – ce qui sera pour certains à son crédit. Du coup, ses moments de gloire sont plus rares, tant son jeu est plus conventionnel que celui de l’Ukrainien.
De plus, le son de ses leads est souvent trop proche de celui d’une guitare – il est parfois difficile de se dire si c’est une guitare ou le synthé que l’on entend. Mistheria n’a donc ni un son ni un jeu bien à lui, malgré une technicité évidente, et en devient moins charismatique que Kurpij. Restent donc les compositions, vous l’aurez compris, relativement inégales. "Now It’s Never" et "Fire & Flames" sont juste passables malgré un chouette solo sur cette dernière, et on arrive assez vite sur le passage obligé de ce genre d’album : l’hommage à la musique classique. On passera assez vite sur le Prélude de Chopin (car c’est lui qui est à l’honneur) pour écouter "Chopin Fantasy", relecture de différents thèmes du Polonais en version métal. On le sait, l’exercice est périlleux, et peu s’en sortent avec les honneurs. Ici, la mission est accomplie : malgré une tendance un peu facile à mettre de la double partout, les six minutes de l’exercice passent de thème en thème que l’amateur de Chopin reconnaitra aisément malgré leur travestissement avec un certain plaisir et une certaine élégance. La suite est inégale : l’excellente introduction de "Power of One" laisse la place à un titre plus convenu, puis à la très mauvaise "The Beast" (seul titre qui n’a pas été écrit par Mistheria, mais par Ivana Greguric, compositrice et pianiste Croate). L’album s’achève sur la gnagnan "A Beautiful Dream", rappelant vaguement Queen et Meat Loaf sans convaincre pour autant…
Inégal, mais pas inintéressant. Évidemment, cet album est un album de niche, il ne s’adressera qu’aux amateurs de tout ce cercle de musiciens et de groupe, qui copulent les uns avec les autres à longueur de temps, mais dont la progéniture n’est pas à jeter systématiquement aux orties. Et en l’occurrence, cet album de Mistheria s’écoute sans grande passion mais avec un plaisir non feint.