Papa Roach -
Time For Annihilation - On The Record And On The Road
Même si certains EP ont donné à ce format ses lettres de noblesse, celui-ci n'a jamais réellement dépassé le stade de gadget ; on peut même dire que l'évolution du music business dans les années 90, avec la musique vendue au kilo sur des CD remplis ras la gueule, a carrément signé son arrêt de mort. Du coup, depuis quelques temps, on voit fleurir des albums un peu bâtards, mélangeant une poignée de titres studios et un live en format raccourci. C'est le cas de Time For Annihilation, la nouvelle livraison de Papa Roach.
Prenons les choses dans l'ordre en commençant par la partie studio. On passera rapidement sur "Kick in the Teeth", un titre avec une petite influence Manson sur le couplet mais pas très convaincant au final, et curieusement choisi comme single. Les autres titres se rangent en deux catégories distinctes : le nu metal des débuts, histoire de satisfaire les vieux fans, et le rock mainstream, pour garder les fans acquis grâce à Metamorphosis. Bref Papa Roach tente le grand écart facial à la Van Damme de la grande époque… et ça marche. Les deux titres de nu metal s'inscrivent dans la grande tradition du groupe, savant mélange de rythmiques nerveuses sur les couplets et d'explosion sur des refrains toujours aussi catchy. Bref, "Burn" et "The Enemy" n'apportent rien de bien neuf sous le soleil, mais ça fait toujours son petit effet, surtout la première et son refrain vraiment bien foutu. "One Track Mind" et "No Matter What" poursuivent quant à elles le virage entamé sur Metamorphosis, et qui voit Papa Roach se rapprocher dangereusement de Nickelback. "One Track Mind" reprend la facette la plus pêchue de la bande à Chad Kroeger, celle de All The Right Reasons, avec des rythmiques musclées mais pas trop (faut pas effrayer le chaland) et des rythmiques binaires plutôt entraînantes. Pas mal du tout, mais loin du niveau de "No Matter What". Là, c'est tout ce qu'il y a de plus racoleur pour chopper de la midinette : des arpèges entendus 15 000 fois, des paroles cucul la praline, un refrain pop/rock ultra-calibré pour les radios… Sauf que voilà, comme les comédies romantiques made in Hollywood, quand c'est bien fait, on regarde jusqu'au bout et on en redemande…
Ceci dit, le gros morceau reste le live de 9 titres qui reprend tous les plus grands tubes de Papa Roach. Et mine de rien, les petits gars en ont fait du chemin depuis leurs débuts et ils disposent aujourd'hui d'un arsenal de choix, à l'image de la triplette d'ouverture de folie : "Getting Away With Murder" et son irrésistible rythmique jumpy, "…To Be Loved" et son énergie à l'état pur et "Lifeline" et son refrain catchy à en mourir. Trois véritables bombes sublimées par la performance du maître de cérémonie Jacoby Shaddix : voilà un type qui a tout compris à ce que devrait être tout concert de rock n' roll ! Le plus important n'est pas de reproduire les morceaux à la note près, mais bien de se donner à fond pour offrir au public un moment unique qui valait le déplacement. Et si le frontman semble un peu à la peine parfois, c'est parce qu'il est à 200% du début à la fin… et le public aussi du coup. Dans la bagnole, il est déjà impossible de se retenir de gueuler « Hey ho, let's go !» avec lui sur l'intro de "…To Be Loved", alors imaginez le délire dans la salle ! A peine l'ambiance retombe d'un cran avec la faiblarde "Hollywood Whore" que Shaddix reprend les choses en main sur "Time Is Running Out", en sollicitant une nouvelle fois l'appui d'un public qui n'attend que ça. Le point d'orgue est sans doute atteint sur "Forever" : l'intro reposante sonne comme le calme avant la tempête, car derrière c'est un moment de communion très fort entre le groupe et ses fans. On ne retrouve d'ailleurs pas cette même intensité sur le rappel, pourtant constitué des deux plus gros hits de Papa Roach tirés d'Infest, "Between Angels And Insects" et surtout "Last Resort", le titre par lequel tout a commencé.
Evidemment, l'édition limitée contient quelques bonus. Deux autres titres live d'abord : "I Almost Told You That I Loved You", pas franchement ce que le groupe a fait de mieux jusque là, et "Dead Cell", précédée d'une intro funky pendant laquelle Shaddix fait ovationner les groupes de première partie, un geste très classe de sa part. On trouve ensuite la version démo de "No Matter What" : il ne s'agit pas d'une copie de la version finale avec un son pourri et deux/trois changements à peine perceptibles, mais d'une version acoustique, ce qui vous laisse près de 8 mois pour apprendre à la jouer correctement afin de lever de la donzelle en masse autour d'un feu de camp sur la plage. Papa Roach nous offre aussi un DVD qui sent un peu le foutage de gueule. Il y a d'abord le clip de "Kick In The Teeth" : pourquoi pas. Ensuite, "Kick In The Teeth" toujours, mais en live : en réalité, un simple montage d'images live collées sur une piste audio à l'authenticité douteuse, notamment au niveau des chœurs qui semblent très (trop ?) proches de la version studio. Enfin, un « documentaire » d'à peine 5 minutes qui nous montre le groupe backstage avec uelques interventions des musiciens et de leur staff. Il s'agit en fait d'un simple document d'autopromotion, surtout lorsque Tobin Esperance nous déclare que Time For Annihilation regroupe les plus grands hits de Papa Roach en live plus cinq nouvelles chansons (on le sait, puisqu'on est censé avoir acheté l'album) ; un discours qui confirme que Time For Annihilation est avant tout la réplique du groupe à la sortie récente d'une compilation chez Geffen, qui n'a pas lambiné pour capitaliser sur le dos de son ancien poulain.
Même si l'achat de l'édition limitée est loin de s'imposer, Time For Annihilation s'avère extrêmement bien conçu : les 5 nouveaux titres, de très bonne facture en général, devraient attirer les fans du groupe, tandis que la présence des plus gros hits de Papa Roach lui permet de concurrencer efficacement la compilation …To Be Loved en tant que porte d'entrée idéale pour les néophytes. La démarche a beau avoir pour origine une simple question de business, on ne va pas se plaindre au vu de la qualité finale du produit, même si on aurait aimé que Papa Roach se décarcasse un peu plus sur la pochette et le livret en général.