On peut dire qu'ils auront mis le temps, les gars. Fondé en 2002 à Montpellier autour de ses deux guitaristes, Walrus Resist a ensuite connu divers changements de line up et autres galères. Mais les mecs n'ont semble-t-il rien lâché, puisqu'après une première démo en 2006 et une signature chez Pervade Prod' en 2008, ils nous livrent aujourd'hui le fruit de longues années d'efforts sous la forme d'un premier album d'une maturité et d'une maîtrise remarquable, ce qui est assez logique au vu de ce qui précède.
Mais au-delà de ce professionnalisme indéniable, les Walrus nous proposent aussi et surtout un opus véritablement prometteur et d'une richesse des plus appréciables. Décryptage. Sur la forme tout d'abord : un artwork plutôt fun, collant assez bien au côté décalé que l'on peut retrouver dans certaines compos des Montpelliérains (ne serait-ce que dans le nom du groupe...), et qui démarque d'entrée le groupe de la majorité des autres sorties métal françaises, qui sont tout de même légion. Bon point donc. La prod' ensuite, dont on ne peut que louer la qualité pour un groupe aussi confidentiel au niveau national : bien lourde et massive tout en restant intelligible, et surtout hyper cohérente par rapport à la musique du combo, toute en groove plombé et en guitares sous-accordées. L'équilibre entre section rythmique et guitares est quasi parfait, le chant bien mis en exergue mais pas trop, bref tout cela est très bien dosé et ne rend le contenu que plus appréciable. Et le contenu justement, venons-y, car c'est bien là l'essentiel et qu'il y a un paquet de choses à dire sur ce Staring In The Abyss, qui comme je le disais ne manque ni de variété, ni de talent.
Mais ce qui marque à l'écoute de ce premier opus, c'est avant tout l'identité forte qui se dégage de ce groupe et la cohérence de son propos. Certes, on peut toujours trouver des influences plus ou moins évidentes émaillant les compos des Walrus, mais cet exercice s'avère bien plus ardu ici que dans l'extrême majorité des premiers opus que j'ai eu à chroniquer, où il souvent très simple de pointer du doigt un tas de groupes qui ont clairement inspiré le combo. Ici, c'est plus complexe, et encore une fois c'est un bon point. On peut tout de même évoquer la scène de Savannah (Mastodon, Baroness, Blacktusk, etc.) pour l'aspect lourd et poisseux habitant les morceaux, mais aussi des groupes comme Textures voire Meshuggah pour le groove à la fois martial et déstructuré des compos, très présent sur ''Echo of Silence'' par exemple, voire Gojira (''End in Disfunction'') ou les suisses de Kruger pour citer des noms un peu plus proches de chez nous. Des influences sacrément classes en tout cas, et donc évidemment, pour jouer ce type de métal, il s'agit d'assurer un peu plus que la moyenne niveau technique. Et de ce point de vue là non plus, pas de souci à se faire : Walrus Resist joue bien, très bien même.
Avec une section rythmique qui groove sévère tout en faisant preuve d'une créativité vraiment intéressante dans ses approches (notamment sur ''Battlefield'') et une paire de guitaristes aussi doués pour envoyer des riffs parpaings qui collent aux dents (''The Staccator'', ''Purgatory'') que pour ciseler des passages beaucoup plus calmes et aériens ou des soli qui dégouteraient plus d'un guitariste amateur, les mecs sont armés. Le frontman est au diapason de toute cette belle qualité, avec une voix arrachée et puissante à souhait mais qui sait aussi se faire plus douce (''Magic Machete''). Qui plus est, le frontman parvient parfaitement à mettre sa voix au service de la musique du combo, qui reste majoritairement instrumentale, en ayant le bon goût de ne pas en foutre partout, tendance à la surenchère pourtant assez en vogue ces temps-ci. Bref, une cuisine assez classe que nous ont servi là les Montpelliérains. L'aspect progressif des compos est également très appréciable, avec des plages souvent assez longues (à l'image de ''End in Disfunction'', closer de l'album et modèle du genre) où se succèdent montées et descentes, moments d'apaisement, déchaînements de puissance et riffs planant un peu entre deux eaux, le tout sans à aucun moment porter atteinte au côté compact et cohérent de l'ensemble.
Bref, un groupe des plus intéressants, et si on s'enflammait un peu on pourrait même dire qu'on tient avec ce Staring In The Abyss un des albums français de l'année, tant les Walrus semblent maîtriser leur propos et avoir réussi à digérer des influences pourtant pas évidentes à porter, pour un rendu très personnel et des plus agréables. Par contre, ne vous attendez pas à tomber le cul par terre dès la première écoute : Walrus n'enchaîne pas les tubes comme des perles, et la richesse de son travail se découvre et s'apprécie au fil d'écoutes répétées, comme c'est le cas pour nombre d'albums et de groupes de qualité. Du très beau boulot, indéniablement. En espérant qu'ils auront les moyens de défendre cet album qui le mérite sacrément sur les routes de France et d'ailleurs, on attend la suite avec impatience.