Mais qu’est-ce que le Trans-Siberian Orchestra ? Loin de moi l’intention de vous en écrire un livre, mais brièvement : c’est un ambitieux projet créé en 1996 par Paul O'Neill, Robert Kinkel et Jon Oliva (du groupe légendaire Savatage). Ce projet au nom exotique ressemble plus à une comédie musicale, le nombre d’intervenants à chaque album étant long comme le bras. Les deux premières œuvres, sorties en 1996 et 1998 sont des chants de Noël version hard-rock mielleux, ce qui est pour le moins original (à défaut d’être intéressant). Tout en gardant le principe de l’opéra-rock, le Trans-Siberian Orchestra s’est intéressé pour son troisième opus en 2000 à Beethoven.
Eh oui, car l’œuvre dont il est ici question est bien sortie voici maintenant dix ans aux USA. La question reste donc ouverte : quelle est l’intérêt de cette réédition, totalement identique, sans ajout, sans remaster (qui n’était de toutes façons pas nécessaire, la production étant tout à fait réussie), bref, une pure réédition dont le but nous échappe un peu, tant la qualité de ce Beethoven’s Last Night ne le rend pas indispensable, même dans la discothèque d’un féru de néo-classique orchestral. Il est à parier que les amateurs ne résidant pas aux USA auront eu largement le temps de se procurer cette galette depuis 10 ans. Mais bon, c’est l’occasion, peut-être, de découvrir ce collectif malgré tout loin d’être négligeable, quoique le groupe a la fâcheuse tendance à accumuler les casseroles le rendant relativement peu séduisant pour le fan de métal lambda, fût-il un amateur de ce genre d’approche à la Avantasia. Car Beethoven’s Last Night est bien ce que l’on appelle dans notre jargon de spécialiste un « métal opéra », tant sur le fond que sur la forme.
La forme, c’est un nombre incroyable de musiciens : neufs chanteurs/euses, autant de choristes, un chœur d’enfants, neuf guitaristes/bassistes/batteurs (dont quelques noms connus : Al Pitrelli ou Chris Caffery, par exemple) pour les parties les plus métal et une douzaine de musiciens classiques pour les cordes. Excusez du peu. Le tout sous la direction de nos trois gaillards, surtout Paul O’Neill, qui signe ou co-signe tous les titres de cet album, et le produit. Une sacrée troupe, donc, au service d’un ambitieux projet, qui emprunte tout à la forme de l’opéra classique. Déjà, le livret de 32 pages, avec présentations des protagonistes et de l’histoire. L’histoire, puisqu’on en parle, a pour thème le dernier jour de Beethoven et tourne autour d’un pacte qu’il aurait passé avec Méphistophélès afin que sa musique perdure à travers les siècles. Rien de follement original ni épique, mais de quoi mettre en scène des personnages réels (Beethoven, Méphistophélès, Mozart…) ou symboliques (Twist, les muses…). Le prétexte est également parfait pour intégrer dans la musique une foultitude d’extraits ou de ré-écriture d’œuvres de Beethoven mais aussi de Mozart, dans la majorité des cas bien intégrés.
Il serait fastidieux de se pencher dans le détail sur cette œuvre touffue d’une heure et quart. Ce qu’il en ressort est toutefois fort mitigé. Certes, le travail fourni est impressionnant, et l’enregistrement et l’intervention de tous les protagonistes a dû être infiniment plus compliqué que l’écriture de la musique. Car au-delà des chiffres et des caractéristiques, Beethoven’s Last Night est relativement plat et convenu. Alors, certes, on retrouve des relents de Savatage, puisqu’Oliva co-signe un certain nombre de titres, mais sans le génie et l’audace qui caractérisaient son autre formation. L’ensemble est donc coincé entre un hard-heavy un peu mou, avec un tempo globalement très posé et une agressivité nulle, et un métal lyrique où les voix alternent et se côtoient, masculines comme féminines, mais toujours de manière un peu niaise. Les albums précédents avaient déjà ce côté mielleux, naïf et un peu neuneu, mais pour des chants de Noël, il y avait une certaine logique. Là, la gravité annoncée du propos laissait présager une approche plus sombre, mais non : les passages sucrés à la Meat Loaf et un piano trop souvent mièvre ne laissent que trop peu de place au tragique, qui ne perce que lorsque les thèmes de Beethoven et de Mozart font surface.
Il faut se résoudre à placer ce Beethoven’s Last Night dans la case des albums n’ayant pas vraiment su concrétiser leurs ambitions, sans pour autant faire un lamentable flop. Le fait que cet album ait de plus dix ans au compteur fait que, sans doute, peu de gens vont s’y pencher aujourd’hui. Pour autant, que le curieux ayant été intrigué à la lecture de ce texte n’hésite pas à poser une oreille dessus : il y a matière à contenter l’amateur de métal-opéra.