CHRONIQUE PAR ...
Pingouin
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13/20
LINE UP
-Matt Drake
(guitare+chant)
-Ol Drake
(guitare)
-Mike Alexander
(basse)
-Ben Carter
(batterie)
TRACKLIST
1)Infected Nations
2)Now Demolition
3)Nosophoros
4)Genocide
5)Plague to End All Plagues
6)Devoid Of Thought
7)Time No More
8)Metamorphosis
9)Hundred Wrathful Deities
DISCOGRAPHIE
On peut se demander quel est l’intérêt de la nouvelle vague Thrash, à part donner quelques os à ronger aux indécrottables nostalgiques lassés de faire tourner les vieux Metallica et Exodus. Avec Enter The Grave (2007), les Anglais de Evile s’inscrivaient dans cette lignée, en signant un petit album écoutable et anodin où l’élève s’appliquait à skier dans les traces du mono Slayer. Et tout portait à croire qu’ils allaient continuer dans cette veine, vu que l’album avait été bien accueilli. Et bien non.
De l’aveu même du groupe, la majorité des titres du premier album avait été écrite à l’arrache dans l’optique de l’entrée en studio, et par conséquent pas vraiment mûrie. Le groupe s’était donc contenté de faire ce qu’il connaissait bien, c'est-à-dire du Thrash basique. Dès la pré-production de Infected Nations, l’objectif était clair : Evile allait passer à la vitesse supérieure. On le constate immédiatement à la lecture des paroles. Là où le premier album traitait de thèmes vus et revus (guerre, mort et Metal), Infected Nations surprend. On nous parle de bêtise humaine ("Infected Nations"), de l’importance de l’éducation ("Nosophoros"), de mensonge ("Devoid of Thought") et de confiance en soi ("Time No More"). Et l’évolution ne s’arrête évidemment pas aux textes. Evile a largement élargi le spectre de ses influences. Enter The Grave proposait 80% de Slayer et 20% de Metallica (en gros, ne venez pas pinailler sur les chiffres), Infected Nations propose en plus quelques louches de death metal, une ambiance générale oppressante ainsi que des titres plus complexes. Et vocalement, Matt Drake s’éloigne largement de Tom Araya pour se rapprocher de Max Cavalera. Ce n’était pas forcément l’idée du siècle, d’ailleurs, vu que son obstination à ne pas moduler finit par tirer l’album vers le bas.
Evile se résume donc toujours à la somme de ses influences ? Plus ou moins. Difficile de ne pas avoir Sepultura en tête à l’écoute du morceau-titre, de ne pas penser à Morbid Angel sur "Nosophoros" et de nier les références à Metallica sur les mid-tempos "Genocide" et "Plague To End All Plagues" (rappelant respectivement "For Whom The Bell Tolls" et "Don’t Tread On Me"). Et comment ne pas grincer des dents pendant l’instrumental "Hundred Wrathful Deities" qui pompe "The Call of Ktulu" jusqu’à la moëlle ? Fallait vraiment pas manquer de souffle pour oser garder sur l’album un tel vol caractérisé. Avec tous ces éléments en tête, et bien qu’à part sur ce dernier exemple, on ne puisse plus accuser le groupe de plagiat, on se dit que l’album de la maturité, c’est pas encore pour cette fois. Sentiment renforcé à l’écoute de nombreux refrains, qui font montre d’une certaine paresse. Matt Drake se contente trop souvent de répéter à l’envi le titre du morceau en usant de son timbre monocorde assez casse-bonbons. Il n’y a guère que "Genocide" et "Time No More" pour proposer des refrains développés et véritablement chantés. Ce défaut sera certainement corrigé, le groupe lui-même ayant admis avoir merdé à ce niveau.
Mais à force d’énumérer les défauts, on peut croire que l’album ne mériterait même pas de caler l’armoire normande de Tata Jacqueline. Rien de plus faux. Ce deuxième effort est entre autres la confirmation du potentiel de Ol Drake, qui se révèle être véritable brute en solo, et sa propension à enrichir les titres de mélodies et d’harmonies diverses (omniprésentes et bien plus développées que sur Enter The Grave) suffit parfois à rehausser l’intérêt des morceaux les plus faibles. Et on peut également se réjouir des moments où les Anglais parviennent à s’extirper de leurs influences. "Metamorphosis" est bien représentatif de la démarche du groupe, Evile ne sonnant sur ce titre comme personne d’autre que lui-même (bien que l’influence de Death soit indéniable sur les riffs asymétriques). Ce titre sinueux mélange thrash, doom, prog' et même heavy classique (ce final épique porté par un Matt conquérant et des guitares qui s’enflamment ne donne-t-il pas envie de faire Le Signe ?). Voilà la voie à explorer si Evile veut se faire sa place. A contrario, "Time No More", la seule chanson courte et directe renvoyant directement au premier album se révèle inintéressante. Le groupe gagnerait à lâcher le thrash à l’ancienne pour de bon.
Un deuxième album perclus de défauts, certes, mais qui a le mérite de révéler un groupe plutôt ambitieux et désireux d’aller de l’avant. A l’heure où des wagons entiers de thrasheux s’enlisent dans un passéisme puant la naphtaline, la démarche est à saluer. Que les Fueled By Fire, Merciless Death et autres Violator copient-collent Bonded By Blood ad vitam æternam si ça leur chante, Evile les emmerde pas mal et prouve que cette nouvelle vague a malgré tout un avenir. On ne peut que souhaiter au groupe de réussir à se remettre de la perte de son bassiste (décédé en tournée fin 2009) et de continuer à progresser.