Le metal en Europe, c’est pas compliqué : plus tu montes, plus y en a, et plus tu descends… plus y en a aussi, sauf que là tout le monde s’en fout. Sans rire, allez voir sur Metal Archives le nombre de groupes transalpins référencés, et faites, pendant ce temps, le tour de ceux que vous connaissez : le ratio est sévère. Après, on peut gloser à tout va sur les raisons de ce désintérêt pour la scène italienne, reste que ce n’est pas avec des groupes de la trempe de No Gravity que la situation va s’améliorer.
Du metal prog vous voulez, vous aurez, et si votre kif c’est de cocher les cases armez votre crayon parce que tout y passe : claviers séquencés, breaks partouzes, mesures asymétriques, ballade mièvre à mi-parcours, chœurs synthétisés, voix de crécelle, … toutes ces choses pratiquées avec autant de fantaisie qu’un contrôle fiscal, exécutées dans un sérieux sinistre qui nous fait regretter l’époque où le genre savait aussi respirer, et plus encore, jouer avec ce sens du kitsch qui le rendait (si si !) délicieusement irrésistible. Mais bon, faut croire que les jeunes d’aujourd’hui bandent plus sur Train Of Thought que sur Images & Words… le sens de l’humour, c’est so 90’s, voyez-vous. On passerait outre, bien sûr, si le groupe montrait dès le départ un talent de composition particulier, de construction de ses pièces, de puissance – autre que sonore – de ses riffs. Pas la priorité de ce Worlds In Collision, semble-t-il, qui aligne ses 3 premiers titres dans l’indifférence la plus totale, ni irrité ni séduit par l’application de ses musiciens, ou la performance honnête de son chanteur… ah, il y a plusieurs chanteurs, vous dites ?
Eh oui, accrochez-vous, la voilà l’originalité de ce premier effort : confier chaque morceau à un interprète différent, pioché parmi la liste d’amis du guitariste-leader Simone Fiorletta, tout en plaçant aussi quelques jetons sur des valeurs sûres, histoire d’avoir du beau linge à mettre sur le sticker promotionnel. Voilà comment on se retrouve avec Andy Kuntz (Vanden Plas) et ce cher Fabio Lione, entourés de frontmen de groupes italiens de troisième zone, tous prêts à pousser la chansonnette. Et à l’écoute du résultat, on se dit que, bon sang, chanteur de metal prog est un métier bien ingrat, tant ses exécutants semblent interchangeables. Le seul à se détacher clairement du lot, vous vous en doutez, c’est ce bon vieux Fabio qui s’est bien donné de la peine à nous pondre un refrain valable sur "Voices from the Past" – pas que la concurrence soit rude en tout cas – et donne au disque l’un de ses rares coups d’éclat. L’autre étant sans doute le doublé final où le groupe se montre, enfin, plus enclin à jouer sur les contrastes, à développer ses climats et ses parties instrumentales, pour mieux nous chatouiller l’oreille. Il était temps, après quarante minutes de mornes plaines…
J’ignore de quelles collisions voulait parler No Gravity, mais la seule qui risque de se produire, c’est celle de votre tête contre la table de bureau sitôt que l’ennui aura gagné la partie. Et croyez-moi, c’est un adversaire coriace. Dommage pour les rares chanteurs invités qui ont tenté d’apporter un petit quelque chose à cet ensemble inodore : leurs efforts ne suffiront pas.