La musique, c’est quand même une affaire de grosses flemmasses. On se fait son petit voyage intérieur, là, le cul bien posé sur son canap’ ou sur son lit, on dodeline gentiment de la tête et on tape du pied pour se prouver qu’on a encore des muscles, au mieux on se fait une session d’air-drumming parce qu’on est trop ouf guedin, mais bon, paye ton effort quoi. Alors quand la dite-musique donne envie de s’écraser sur un pouf en célébrant les joies du coltard, t’en viendrais presque à te féliciter d’avoir rien branlé de ta journée. C’est normal, le coma, t’adores.
Et ouais, Zoroaster, ils sont comme ça : un peu gras, un peu éculés, un peu dans la facilité. Un autre jour tu te serais retenu, t’aurais gardé ta contenance et t’aurais pointé du doigt ce stoner qui se suffit à lui-même, qui ne fait qu’appliquer sa recette et met un point d’honneur à n’être ni trop crade, ni trop fumeux. Mais voilà, à ce moment précis t’avais besoin de ce trip et t’es content que ces trois-là aient débarqué pour t’en mettre plein les esgourdes. Et puis… tu saurais pas dire pourquoi, mais dès le début ils t’ont happé. Tu les avais sentis venir, avec leur jeu du « tes guitares sont lourdes, très lourdes » et leurs voix plongées dans le brouillard ; la technique était facile, la séduction, sans prise de risque. Mais tu as marché. Parce qu’ils la tenaient, leur atmosphère, leur torpeur. Parce qu’ils avaient le son chaud. Pas le cagnard assommant du désert, non, leur soleil à eux était mystique, leur musique en partance vers son noyau plutôt qu’écrasée sous son poids. Le cosmos plutôt que le thermos. Pas la même sensation. Et tu t’y es retrouvé.
Alors évidemment, quand t’es en mouvement comme ça, il arrive que le voyage soit turbulent. T’as pas bougé de ton pouf, mais tu ressens les secousses, là, direct dans la nuque, dès la seconde étape, ça t’endolorit doucement, tu es bien. Et passé ce cap, l’Odyssée démarre, tu prends ta vitesse de croisière et ton panard avec, t’as quelques anges désaxés qui te passent le bonjour au passage, leurs berceuses te font bouillir le sang, c’est nickel. Et puis paf, le rythme s’emballe d’un coup trop sec, tu retombes, et ils ont beau te jouer le coup de la jam lysergique à la suite, toi tu voudrais juste qu’ils reviennent aux 30 BPM de rigueur. T’as du bol qu’ils soient bien lunés, qu’ils te jouent la carte « vieux monde » pour pouvoir de nouveau régler le rythme de ton cœur à zéro. Et t’es tellement dans le truc, à ce moment-là, que quand ils te jouent le même riff acoustique pendant trois minutes d’affilée, tu serais pourtant prêt à te prendre le quadruple… mais trop tard mec, on aborde la descente finale, la plongée sans retour dans le réacteur, où les mêmes qui t’ont dorloté se jurent de te faire la peau, jusqu’à ton réveil bien cinglant, et il était temps faut dire, parce que t’allais bientôt t’étouffer dans ton pouf.
Tu te trouves trop indulgent avec ces zouzous-là ? Tu t’en voudrais presque de les kiffer ? Il est où le problème ? Si ces mecs que tu voudrais tellement prendre pour des charlatans t’ont mis si vite en confiance, c’est qu’ils savent y faire, non ? Et que même si tu fais le difficile, même si tu t’as trouvé à redire sur deux-trois sections du périple, tu ferais bien de dire à tes amis glandeurs de se laisser tenter. Et qu’ils ne fassent pas les malins.