Tarot -
The Spell Of Iron MMXI
Si vous vous souvenez de ma chronique incendiaire de Let There Be Blood, vous connaissez déjà mon avis sur les réenregistrements d'albums. Reprendre des anciens titres à des fins de compilation, comme ont pu le faire Gamma Ray, Anthrax, Destruction, Amorphis et j'en passe, pourquoi pas ; mais un album complet, qui pour moi est quelque chose d'intangible qui fige à jamais une époque, avec les moyens, le niveau technique et l'inspiration du moment, je suis désolé mais ça me chiffonne…
Bon, après, il y a album et album. Bonded By Blood étant une pierre angulaire du thrash, sa version réenregistrée ne pouvait être autre chose qu'un sacrilège, ne serait-ce que vis-à-vis de la mémoire de Paul Baloff. Sans vouloir être méchant, le premier album de Tarot ne joue pas franchement dans la même cour. Du coup, cette nouvelle mouture entraîne une réaction forcément moins épidermique. Non, là, on est plus proche de l'indifférence, voire de la perplexité envers la démarche. Dans quelle intention les frères Hietala se sont-ils lancés dans ce projet ? Boucler leur contrat avec Nuclear Blast à peu de frais, comme on le voit souvent avec des lives, des compilations ou des EP ? Peut-être, sachant que les albums de fin de contrat ne bénéficient en général de quasiment aucune promo. Fêter leurs 25 ans de carrière, même si c'est loin d'être un événement interplanétaire ? Dans ce cas, à l'heure de la généralisation des home studios limitant les coûts d'enregistrement et de la baisse sensible des ventes de disques, Tarot aurait tout aussi bien pu en faire une version bonus couplée à leur prochain album. Prouver 25 ans après que le groupe avait largement les moyens d'exploser dès ses débuts s'il avait eu plus de chance et de soutien ? Même si c'était le cas, on ne va pas réecrire l'histoire…
Évidemment, l'album est vraiment bon puisqu'il l'était déjà à l'époque, et ce lifting a permis de gommer quelques imperfections présentes sur la version d'origine. La production par exemple, bien que loin d'être mauvaise à l'époque, est désormais débarrassée des nombreux effets de reverb' très prisés en 1986 et passés de mode depuis. Marco Hietala, qui avait déjà un très gros potentiel à ses débuts, en a également profité pour se servir de toute la maîtrise acquise au cours des années et qui donne aujourd'hui un nouveau souffle à "Pharao" ou "Things That Crawl at Night". Certains titres ont aussi été réarrangés, preuve que les Finlandais ne se sont pas tournés les pouces. La différence est parfois minime et ne consiste qu'en de légères variations au niveau du tempo ou du jeu, mais certains titres ont parfois été complètement repensés, pour le meilleur ou pour le pire. Ainsi, l'instrumental "De Mortui Nil Nisi Bene", passé à la moulinette folk, n'a désormais plus rien de heavy mais a sans doute gagné au change dans cette version plus audacieuse ; en revanche, "Love's Not Made for My Kind", un titre heavy qui comptait parmi les temps forts de Spell Of Iron, s'est métamorphosée en une ballade pénible qui nous fait amèrement regretter l'énergie qui animait ce titre à l'origine.
Jusqu'ici, j'ai bien conscience que je me suis adressé presque exclusivement à ceux qui connaissent déjà l'album. Tâchons donc d'élargir un peu le propos : vous aimez le heavy, mais les productions vieillottes vous rebutent (ce qui est fort dommage, car vous allez passer à côté d'un paquet d'albums prestigieux) ? Alors vous pouvez foncer, car on trouve sur The Spell Of Iron MMXI tout ce qu'on aime sur un bon album de heavy. Déjà, un sacré chanteur en la personne de Marco Hietala. Le grand blond dispose d'une sacrée voix et nous livre une nouvelle fois une performance impeccable. A côté, Tommi Salmela souffre de la comparaison et sonne déjà de façon beaucoup plus commune dans son registre un peu plus agressif. Ensuite, une dizaine de morceaux où il n'y a rien à jeter, ou presque (je maintiens ma réserve sur "Love's Not Made for My Kind"). Tarot balaie tout le spectre du heavy, passant du mid tempo au riff tranchant ("Midwinter Nights") au speed débridé ("Pharao", "Never Forever"), de morceaux aux arrangements soignés ("Back in the Fire") aux titres directs et accrocheurs ("The Spell of Iron", "Wings of Darkness"), sans oublier la ballade de rigueur pour finir ("Things That Crawl at Night"). Et si je vous dis qu'en prime, Zachary Hietala envoie la sauce en solo, alors que demande le peuple ?
En tant que vieux ronchon conservateur, je n'échangerai pas mon exemplaire de Spell Of Iron contre un de The Spell Of Iron MMXI. Ceci dit, si cette initiative ne dépassera sans doute pas le stade de la simple curiosité pour les fans de longue date, elle pourrait tout à fait combler les néophytes qui trouveront là un album de heavy impeccable et au goût du jour en terme de son. Revers de la médaille, après une poignée d'albums un peu pâlichons (excepté Crows Fly Back), The Spell Of Iron MMXI semble nous confirmer que les grandes heures de Tarot sont désormais loin derrière lui…