Le doom est une affaire de lose, c’est entendu. Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est la manière dont les groupes vont l’aborder. D'un côté, il y a les « insurgés », ceux à qui ça fait mal dans leur petit cœur tout poilu et qui se démènent comme la première fois où ils ont été privés de dessert. Et sur l’autre versant, on trouve les « résignés », pour qui rien ne vaut la peine de rien, qui sont quand même prêts à pousser une gueulante vu qu’après 2 litres de skaï la glotte est bien détendue, mais ça ne trompe personne. Le danger de cette optique, c’est qu’on risque à tout moment de frôler le « pépère »…
The Wretch, donc, n’est pas une affaire de jeunes premiers. Il ne faut pas deux écoutes pour comprendre que ce trio de barbus a de la bouteille – et pas qu’une, à en croire le gosier rauque et gentiment imbibé de Karl Simon, ricain qui parvient à sonner plus anglais qu'un soûlard de Birmingham. Il glisse sur cet album avec l’assurance du gars qui n’en a plus rien à foutre, ce qui est à la fois une force et son principal problème. Toujours maître de ses émotions qu’il murmure ou qu’il tempête, il ne flanche pas dans son rôle de Monsieur Déloyal, et la possibilité qu’il détienne la palme locale des VDM n’est pas complètement remise en cause… mais à ce niveau de blasé, il manque la passion, l’étincelle qui permettrait à sa musique de s’embraser. Il n’y a qu’en bout de course, sur le morceau-titre et "Iron and Fire", qu’on sent le trop-plein arriver et l’envie de foutre un bon coup de savate dans la tambouille. Dommage, du coup, que ces deux morceaux souffrent d’une carence de riffs mémorables, à croire que le poil qui lui poussait dans la gorge a fini dans la main.
Pendant ce temps-là, le duo à la section rythmique fait ce qu’il peut, il bûche, à la non-vitesse règlementaire, il joue son rôle de soutien, permettant même à un morceau comme "Day of Farewell" de tout ravager sur un final pesant, incessant, d’un jusqu’au-boutisme assez rare dans ce disque. En revanche, dès qu’ils dépassent le 50 BPM, leur solidité s’effrite et l'inspiration avec ; en témoignent les deux « singles » "To the Rack With Them" et "Coven of Cain", qui se veulent plus accrocheurs et « in-your-face » que le reste, mais qui ont pour seul réel avantage d’être courts. Comme pour compenser, à d’autres endroits, ils calment le jeu. Ça donne "Castle of the Devil", et ça fonctionne bien mieux, notamment sur l’entrée en matière qui permet à Karl de briller seul, et de sortir coup sur coup une belle série d’arpèges et un solo acoustique qui toucheront direct le cœur sensible du métalleux éploré. Dommage, d’ailleurs, que le leader soit si avare en solos, car la plupart de ces derniers font mouche, et cela permettrait de compenser la sur-utilisation de riffs certes efficaces, mais repiqués à l’abécédaire du classic doom sans saveur ajoutée. Poil dans la main quand tu nous tiens…
Le doom, une affaire de lose, mais non de loose ; quand désabusé se confond avec décontracté, on se laisse prendre par la mollesse, et la bile qu’on voulait cracher finit en bave qui dégouline. Bien sûr, cette ambiance groggy et débonnaire trouvera ses amateurs, d’autant plus que derrière, on le répète, le savoir-faire ne peut se nier. Mais quand même, avec des titres et une pochette pareille, on pouvait espérer plus de mordant, non ?