On aura beau dire ce que l'on veut, il est parfois difficile d'être amateur de metal. Le hiatus entre les métalleux et "les autres" est bien entendu imputable à la musique en elle-même, qu'il s'agit d'apprivoiser avant d'apprécier. Mais l'image véhiculée par certains groupes - peu, heureusement, mais cela suffit pour établir quelques généralités transversales bien malvenues - n'est pas innocente. Bizarrement, remarquerez-vous, ce sont souvent les musiciens les plus médiocres qui attachent une importance considérable à leur aura visuelle. On ne discutera pas ici du cas black-metal, mais de Goddess Of Desire, LE cliché ambulant, LE groupe de heavy-thrash allemand qui symbolise à lui seul le détachement du grand public de tout type de musique hard ou heavy. Des guignols, en somme.
Certes, il s'agit aussi d'un signe de ralliement. Pensez à Manowar: impossible de penser ne serait-ce qu'une seconde que leur démarche est sérieuse. Mais le groupe est parvenu à séduire une fan-base très importante, qui aime ça et en redemande. Peu importe ce qu'en pensent les bien-pensants: le succès commercial est d'ores et déjà acquis, et sera vraismblablement au rendez-vous à chaque parution. La différence ici, c'est que Goddess Of Desire n'a pas la même carrière - leur premier CD , Let Us Win This War, remonte à 1996 - ni le même talent. On compte dans le groupe, et pleinement intégrée au line-up avec ça, une donzelle du nom de Delilah, dont la contribution se résume à apparaître sur scène aux côtés des "vrais" zicos, toute de cuir vêtue, dansant et crachant du feu. Ca pousse loin le concept, n'est-ce pas? Les déguisements du leader chanteur / gratteux Lord Arydon, du bassiste Count August et du batteur Bastard valent également le détour. On a rarement fait plus ridicule.
Pourquoi s'attarder autant sur l'image, vous dites-vous probablement, quand il s'agit de donner un avis sur la musique? C'est simplement que, voyez-vous, la musique n'est pas l'essentiel chez Goddess Of Desire. En gros et en résumé: les instruments sont à peine maîtrisés, seulement assez pour faire rouler la double grosse caisse à tout berzingue et pour faire sonner des riffs catchy de quatre accords à la Judas Priest. La production, miteuse au possible, confère un son horrible autant à la caisse claire qu'aux soli de guitare - dont il vaut mieux ne pas parler d'ailleurs -, et à ce niveau-là, métalleux ou pas, écouter Awaken Pagan Gods en entier relève de la torture auditive. Lord Arydon, déjà fort médiocre en chant heavy agressif - ses cris rauques ne sont absolument pas maîtrisés, les mélodies ne sont pas tenues plus de deux secondes - nous inflige en plus quelques vocalises thrash dans le registre aigu criard (bonté divine, on touche le fond) et même, même, des grognements death (là, on est sous la vase par trois mètres). Le heavy-power de Goddess Of Desire, en un mot, est risible. Son thrash l'est peut-être un peu moins: on retiendra "Demolition", comme pâle copie des premiers Megadeth, mais c'est à peu près tout.
Comprenez ceci, lecteur, comprenez- le bien: Awaken Pagan Gods, comme tout CD de Goddess Of Desire, n'a strictement aucun intérêt. La seule raison d'être de ce combo, c'est de monter sur scène et de faire son show. Ce sont des comédiens, pas des musiciens. Ce disque est à éviter comme la peste. Après, on peut adhérer au trip "true warrior of metal with balls", et éventuellement, passer du bon temps à un concert des Allemands. Toutefois, avec un peu de jugeotte et d'esprit critique, et pas trop d'héroïne dans les veines, on se rend bien vite compte que ce groupe n'est rien d'autre qu'une vaste blague. Une blague bien vaseuse. Une blague néfaste, même, qui devrait cesser. Et le plus promptement sera le mieux.