Earth Crisis est un vétéran. Un soldat du hardcore, rompu aux rigueurs de la scène straight edge dont il est un des plus virulents défenseurs. Un vieux briscard qui ne fait pas dans la pose attitude et la « fakerie », prônant depuis 20 ans un végétarisme sans compromis et luttant, au travers de ses lyrics, pour les droits de l'homme, et peux-être plus encore ceux des animaux. Réveiller les consciences, foutre des high kicks dans la fourmilière, Earth Crisis, c'est ça, t'entends though guy/girl ?
Un groupe hautement respectable donc, ayant su surmonter un split de six ans et revenir en 2011 avec son septième assaut, le deuxième chez les poids lourds de Century Media, qui ont donc mis les petits plats dans les grands en en confiant la prod' à une sommité du genre, Chris Harris (Hatebreed, Throwdown, Chimaira, etc). Et donc, sur ce Neutralize The Threat, EC prend tout son monde à contrepied en sortant un truc résolument plus pop, frais et novateur, aux accents quasi-californiens et nannnnnnn BON, pardon pour cette vilaine vanne, en espérant qu'aucun coreux ne se sera étouffé avec son bandana en pensant avoir perdu un de ses groupes fétiches en route. Earth Crisis en 2011, c'est plus ou moins la même chose que plus de 10 ans avant. Du vrai hardcore, toujours du bon hardcore, encore du gros hardcore. A tendance plus ou moins mélodique (''Askari ; ''Black Talons Tears''), ou plus ou moins métallique (''Total War'' ; ''By Conscience Compelled''), selon les morceaux, mais toujours dans cette même veine résolument côte est qui a fait son succès et dont il est, finalement, l'un des parents les plus évidents avec Agnostic Front, Madball ou Sick Of It All. Il s'agit donc d'un album des plus hargneux, ou les plans thrashisants sont balancés par des séquences mid tempo au groove typique de la scène, aussi brutales qu'entrainantes, mais d'un classicisme prégnant. Quasiment aucune innovation donc, Earth Crisis est exactement là où il doit être après deux décennies d'existence, c'est à dire encore à gueuler sous la grêle et à mettre tout le monde en face des ses responsabilités.
« Dix titres, dix bêtes de scène » : c'est également l'une des descriptions qui conviendraient le mieux à ce nouvel opus, tant les compos ont encore une fois été taillées pour faire super mal en live en créer des gros moshpits dont pas grand monde ne se sortira indemne. C'est toujours super efficace, mais les atouts majeurs du groupe (intégrité, efficacité des compos, maitrise des codes musicaux du genre sur le bout des doigts) sont aussi, hélas, ses plus grosses limites pour qui n'est pas fan die hard du genre : redondance, sentiment de déjà-entendu mille fois, et manque d'un ou deux tubes immédiats qui se démarqueraient des autres compos de l'album : homogénéité excessive donc. Neutralize est un pavé hardcore, un bloc de 30 minutes taillé à la serpe et dont il est difficile de saisir les subtilités en en caressant les contours. Le chant virulent de Karl Buechner fait toujours mouche, les riffs turbinent et tranchent dans le vif avec un métier évident (''Total War'' ; ''100 Kiloton Blast''), la rythmique est au diapason de cette qualité intrinsèque propre aux vieux guerriers, mais tout cela manque tout de même sérieusement de fraicheur et d'innovation. OK, ils ne sont pas là pour ça et c'est tout à leur honneur, mais tous ces groupes old school paraissent un peu englués dans une période légèrement révolue et manquer singulièrement de souffle pour se renouveler. Ils ne le souhaitent peut être pas, soit, mais cela n'empêche pas de regretter un immobilisme presque « CGT-iste » de la scène, à l'heure où de nombreux groupes de hardcore, dits de la « new school », se tournent vers d'autres cieux plus mélancoliques et mélodieux pour élargir leurs horizons (Miles Away, Defeater, Have Heart, Ruiner and co.) sans forcément perdre en impact (jamais de chant clair, au hasard).
Bref, si vous avez déjà écouté du hardcore de la côte est et que vous avez aimé, vous pouvez sans aucun problème vous jeter sur cet album : lui comme ses géniteurs sont des valeurs sûres. En revanche, si vous avez comme votre serviteur le sentiment que tout cela tourne un peu en rond et que tous ces groupes ne se font finalement pas plus ch*** que ça musicalement, préférant axer leur force de frappe sur des lyrics résoluments respectables et engagés, ce n'est clairement pas avec ce nouvel assaut des true de Syracuse que vous allez changer d'avis. Un album fait par des puristes, pour des puristes.