« Hey, Luci – c’est le petit surnom dont m'affublent les membres de l’équipe – ça te dit de chroniquer un groupe à la Samael ? », me demanda un jour benoîtement Kroboy, pilier du site et homme ayant l’ingrate tâche, tout comme votre serviteur, de dispatcher les promos reçus des labels en fonction des affinités de chacun(e). Moi, déçu des dernières sorties des Suisses, ne pouvait que répondre que par l’affirmative, et me voilà avec ce Souldrainer entre les mains. Alors, publicité mensongère, déloyal procédé pour me refourguer un disque ou prétendant à la relève de Samael ?
Vous pouvez déjà biffer la troisième option. Car ce Heaven’s Gate, aussi sympa qu’il soit, n’est pas à même d’endosser un rôle aussi prestigieux. Et puis, quand bien même il y a de légitimes points de comparaisons avec Samael, on est loin d’un copié-collé. Souldrainer, c’est du métal burné, viril, avec une bonne touche d’influence industriel et beaucoup de claviers grandiloquents – ils sont la base même de l’ambiance distillée par les Suédois. On le retrouve dans chaque morceau, très présent, et contribue terriblement à l’identité du groupe. On pensera, en terme d’influences, à des groupes comme Noctiferia, Deathstars, Pain ou encore Rammstein, mais Kroboy n’avait certes pas tout à fait tort, car la recette de Samael est ici également reproduite par endroit : un tempo généralement medium, des gros riffs pas trop techniques, un son énorme, et surtout, donc, ce synthé. Mais Souldrainer a la bonne idée de suivre sa propre voie, en essayant de se démarquer de ses influences.
On en devine d’autres, d’ailleurs : le chant Marcus est plus orienté melodeath suédois – on ne renie pas ses racines – avec ce mélange de growl et de hurlé. Musicalement, on retrouve même de petites louchées de Paradise Lost ("Remember Me", par exemple) sans le chant clair, ce qui donne une assez bonne variété à l’ensemble. Mais la qualité est assez inégale, faute à une simplification à outrance de certaines parties, se résumant à une batterie un peu martiale, et la guitare se contentant de poser son gros son lourd sans vraiment essayer de diversifier son approche. Le titre "Remember Me", d’ailleurs, en est un bon exemple. Autre défaut, des refrains souvent creux et systématisés et une utilisation du pum-ta ressemblant parfois à un refuge face à une inspiration fluctuante ("Heaven’s Gate", "The God Delusion") – reproches qui ont été de nombreuses fois adressés à Pain.
Heureusement, il reste quelques titres plutôt fameux : "Low" et son introduction à la Bolt Thrower suivi d’un riff énorme, ou encore la violente "Fed By Fire" et ses accents plus death métal, voire "Dying For Your Sick Belief" qui, pour le coup, joue clairement dans la cour de Samael, avec succès. Sur la longueur, donc, les presque cinquante minutes de musiques proposées sur ce Heaven’s Gate passent plutôt bien, en grande partie grâce à une production misant tout sur la puissance (merci le Empire Studio d’Östersund) et bien mise en valeur par les nappes de synthés plutôt banales mais s’intégrant parfaitement au canevas sonore de Souldrainer. Une plus grande recherche ou diversité des sons aurait été la bienvenue, mais le groupe ne compte pas dans ses rangs de claviériste attitré. Alors peut être qu’embaucher une bombasse (si, si, dans le métal, c’est toujours une bombasse derrière le clavier) qui leur trouverait des sons un peu plus recherché serait sans conteste un plus pour le futur de Souldrainer, mais en l’état, l’exercice est globalement réussi et plaira aux amateurs du genre.
Album sympathique et séduisant, Heaven’s Gate n’est pas non plus une tuerie. Mais c’est bien ficelé, puissant et peut s’écouter avec plaisir sans avoir trop besoin de se forcer. Ça ne remplacera pas Samael dans le cœur assoiffé des fans un peu désabusés mais bah, disons que ça met un peu de baume au cœur.