Dans le petit monde un peu barré du « prog extrême » (je vois mal quelle étiquette s'accolerait mieux encore au genre), les monstrueux Between the Buried And Me ont longtemps été bien seuls. Il faut dire aussi que le genre pratiqué, des plus abrupt et complexe, n'est pas à à la portée de beaucoup de groupes. Mais la donne pourrait bien changer quelque peu avec l'arrivée du groupe dont on va parler aujourd'hui. White Arms Of Athena sont, clairement, les héritiers des génies de Winston-Salem. C'est à la fois ce qui fait tout l'intérêt de leur travail, et dans le même temps le limite (mais pas trop non plus, vous le verrez).
Clairement, il y a deux façons d'analyser Astrodrama, premier effort de ce jeune groupe. La première, c'est de s'en tenir à l'analyse certes juste mais quelque peu limitée consistant à ne voir en WAOA qu'un clone de BTBAM. Certes, les précités sont clairement l'influence majeure des jeunes Texans, voire leur seule grosse influence véritablement identifiable. WAOA fait du BTBAM, c'est évident et indéniable. La seconde est de réaliser que ce groupe possède un talent fou et une maitrise technique hallucinante pour parvenir à un tel résultat pour un premier opus, et que sorti du patronage lourd des Between et au-delà de toute considération sur l'originalité et la personnalité de la démarche, cet album est juste absolument gé-nial du début à la fin. Et cela vaut bien le coup qu'on lui donne une chance de se défendre, surtout pour finalement se rendre compte, après de nombreuses écoutes, que ce groupe possède indubitablement une identité et une vraie personnalité dans son approche du genre. Plus resserré et compact que celle de BTBAM, le prog' des White Arms est, en un sens, plus accessible, moins ultra virulent et sans concessions que sur les premiers BTBAM.
Le son des White Arms se rapproche plutôt du BTBAM récent, plus contemporain et aéré (à partir de The Great Misdirect quoi). Difficile de nier également les liens avec un groupe comme Animals As Leaders (sur "In The Encephalon", c'est flagrant), même si ces derniers sont bien plus orientés djent et shred. Sur le fond donc, WAOA c'est un violent mélange entre grind, death technique ("Crown Shakra") et séquences plus mid tempo et groovy tirées du djent ou du métalcore voire assez fréquemment du mathcore ("Creationed", "Astral Body" notamment). La mélodie est également très loin d'être oubliée, puisque les WAOA ont moins tendance au bourrinage furieux que BTBAM et que de nombreux ponts plus calmes et aériens viennent parsemer les compos, ainsi que des solis ultra virtuoses dans la même veine plus mélo ("Recreationed"). Pour le reste, qui dit prog' dit forcément passages calmes, très présents sur l'album également, et qui pour le coup rappelle vraiment beaucoup BTBAM avec ses aspects jazzy et ses voix claires aux intonations singeant quelque peu Tommy Rogers, même si le résultat atteint (tout à fait réussi au demeurant) rappelle plus encore les passages posés du premier Enter Shikari. Le chant est, de manière générale, très réussi, qu'il soit hurlé ou clair, et la parcimonie avec laquelle il est utilisé (quelques pistes telles que "Crown Shakra" ou la géniale "Astral Body" sont 100% instrumentales ou presque) renforce son impact quand il est utilisé.
Le reste des musiciens est d'un incroyable niveau technique et possède un fabuleux sens de la composition, permettant de présenter un vrai album concept, utlra-cohérent puisque les pistes s'enchainent avec un naturel tel qu'il est très probable qu'elles aient été écrites en un seul gros bloc ou presque. La progression entre les morceaux est tellement fluide qu'il est parfois difficile de situer la fin d'un morceau et le début d'un autre sans être hyper attentif, c'est dire la cohérence du pavé. La force de WAOA, c'est d'être aussi bien capable d'écrire des trucs très exigeants, abrupts et bourrins, que des morceaux plus immédiats, tels que l'énorme chanson titre "Astrodrama", tube de la première à la dernière mesure, véritable single de cet album alors qu'elle est loin d'être la plus calme ou mainstream. Devant tant de talent et d'arguments de séduction déployés, le fan de métal un minimum barré et exigeant ne peut que s'incliner, quelle que soit la lourdeur de la filiation avec Between The Buried And Me. A tel point que la musique de WAOA, plus ouverte et accessible que celle des grands anciens précités, constituerait même un point d'entrée plus idéal encore dans le monde tordu de BTBAM que....ben que BTBAM lui-même, du moins sur les deux voire trois premiers opus (Colors étant encore assez difficile à ingérer).
Bref, un élève qui surpasserait LE maitre du genre, genre qu'il a de plus presque créé seul et de toutes pièces ? Pas vraiment, car il est difficile de battre BTBAM à son propre jeu, mais force est de constater que les White Arms s'en rapprochent salement par moment (un "From Now On" par exemple, peut-être le morceau le plus «BBTAM-esque» du skeud mis à part son fabuleux final typiquement deathcore mélo, pourrait sans aucune honte figurer sur un Alaska ou un Colors). Une sacrée claque dans la gueule ce truc, tout de même, impressionnant de maturité et de maitrise pour un groupe si jeune.