Ceux qui m’ont déjà lu savent que je ne suis certainement pas la personne la plus disposée à chroniquer un album de métal progressif, et ils ont raison. Ce genre d’activité requiert des facultés d’analyse et d’écoute dont je ne dispose peut être pas, et nécessite une rhétorique plus sophistiquée que celle que je manie habituellement. Comprenez par là qu’une chronique de métal prog’ ne peut se satisfaire d’expressions à la « ce riff meule sa race » ou encore « ce solo de guedin ramone sa maman », expressions qui conviennent parfaitement à la description d’un album du Black Label Society par exemple, mais qui font franchement tâche quand il s’agit d’évoquer le dernier Fates Warning. Le problème, c’est que jusqu’à aujourd’hui personne n’a jugé utile de se pencher sur ce formidable groupe, ce qui a obligé bibi à mettre les mains dans le cambouis. Je vous demande donc d’être indulgents, de pardonner mon audace et de fermer les yeux sur mon singulier manque de classe. Merci.
Fates Warning a sorti il y a peu son dixième album, dans une indifférence quasi générale. Là où c’est choquant, c’est qu’il ne s’agit pas ici d’un énième album de power métal allemand, mais bel et bien d’un somptueux album de métal prog’, qui n’a pas à rougir de la concurrence (mettons Dream Theater et Pain Of Salvation, pour aller vite), bien au contraire. Seulement voilà, Jim Matheos et sa bande ne font pas recette dans ce pays, pour une raison qui m’échappe. Pas la peine d’évoquer les fêtes de fin d’année ou le stress des exams en rougissant, ce groupe a entamé sa traversée du désert il y a plus de vingt ans, sortant régulièrement de véritables perles (Parallels, A Pleasant Shade Of Gray avec Kevin Moore on keyboards), sans atteindre pour autant le statut qu’il mérite, mais passons.
FWX, c’est d’abord une pochette magnifique. Ce détail peut paraître insignifiant pour beaucoup d’entre vous, mais pour un habitué des albums de Kreator ou d’Exodus, c’est totalement délectable. On a vite fait de plonger dans des abymes de contemplation, saisi par le contraste qui existe entre le premier plan, baigné d’un calme surréaliste, et l’arrière plan, en proie à la colère des éléments (en l’occurrence, une tornade). Là où je veux en venir, c’est qu’aucune autre image n’aurait pu mieux illustrer les dix (décidemment) plages de l’album, subtil mélange de puissance et de raffinement. On est d’autant plus persuadé que le choix de la pochette n’est pas le fruit du hasard que le premier titre, « Left Here », matérialise (si l’on peut dire) cette étrange sensation d’être en paix tout en se sachant menacé : le chant des grillons qui ouvre l’album est très vite submergé d’arpèges de plus en plus oppressantes, auxquelles se joint le martèlement de la basse de Joey Vera, jusqu’à ce que la pression retombe, et ainsi de suite.
Les plus terre à terre d’entre vous, qui auront une approche moins philosophique de la bête, se réjouiront de savoir que la production de Jim Matheos et de Ray Alder est exceptionnelle, n’ayons pas peur des mots. Le son est impressionnant de précision et de clarté, en toutes circonstances. Que l’on ait affaire à des samples, à des envolées cristallines de guitare sèche ou à des passages de bonne vieille saturation, tout sonne le mieux du monde. Du beau boulot, vraiment! L’écriture des morceaux est également un vrai bonheur de maîtrise et de savoir faire. La vraie qualité des progueux, c’est d’être capable d’écrire dix morceaux totalement différents et de les jouer sans que l’on ait l’impression de changer de plage. C’est valable pour FWX, avec en plus cette « simplicité dans la complexité » que l’on retrouvait dans le 12:5 de Pain Of Salvation par exemple: rien de superflu, pas de solos dégoulinants ou de vaines démonstrations techniques, juste une approche vraie de la musique, mais pas dénuée de finesse ni d’intelligence. Tout en étant très abordable, il est important de le préciser.
Une écoute valant mieux qu’un long discours, à fortiori pour un album de ce type, je ne peux que conseiller à tous ceux qui ne le possèdent pas encore de se ruer dessus et de se laisser surprendre, le temps d’un « A Handful Of Doubt » ou d’un « Heal Me », par la patte de Matheos et de ses gars. C’est un des albums les plus accessibles de Fates Warning, et certainement un des plus aboutis, aussi n’hésitez pas!