Mais… Mais… Qu’est-ce que c’est ? Un avion ? Un OVNI ? Un dinosaure ? Superman ? Mais non, c’est bien ça, c’est un Supergroupe !! Encore un ! Encore un, oui, et qui officie comme nombre de ses grands frères en s’acoquinant avec la scène progressive, du fait notamment de la présence dans ses rangs de grands noms du genre, mais aussi d’une volonté de travail relativement éclectique. Relativement, parce que le ventre mou du disque sonne globalement très pop-rock, et très classique. Mais pas d’inquiétude, à côté de ça, il y a de la fulgurance, et pas de la moindre.
La principale question qu’on se pose en découvrant ce genre de formation, c’est savoir quelle est l’orientation choisie et donc, qui s’occupe de la composition. Des vidéos rapidement publiées sur le net ont beau montrer les cinq membres du groupe en train de jammer pour nous pondre "Shoulda Coulda Woulda", relevant la touche collégiale de l’aventure, on a du mal à croire que quelqu’un d’autre que Neal Morse ait mis son nez dans les partition du titre de clôture, "Infinite Fire", avant l’enregistrement. Remarquez, on se fiche un peu de la genèse une fois constatée l’évidence : il s’agit là du meilleur morceau de la galette, et peu importe si il ressemble à s’y méprendre à du Transatlantic concis (faut faire un effort pour l’imaginer, mais si, ça peut exister), il envoie du refrain béton et des envolées instrumentales savoureuses.
Oui, parce que Neal Morse est de la partie. Et c’est à ranger dans les caractéristiques imposantes de cette entreprise, tant il est présent à la composition, aux claviers, ou au chant. Pas aux leads, puisque cette tâche incombe à Casey McPherson, mais il nous place une petite ligne ou un petit refrain de temps en temps, et des chœurs à tout-va. D’ailleurs, maintenant qu’on en parle, avoir choisi un chanteur attitré pour le groupe, c’est clairement une bonne idée, mais pas sûr que ce soit le bon qui ait été sélectionné. Ce Casey McPherson enquille les efforts louables pour s’imaginer frontman de Muse ("All Falls Down") ou de Coldplay ("Everything Changes") mais manque de bol, la prestation la plus marquante est celle de Mike Portnoy sur "Fool In My Heart". En mal, malheureusement.
Oui, parce que Mike Portnoy est également de la partie. A croire que Neal Morse et lui sont devenus parfaitement inséparables. Pas grand-chose à redire sur son jeu de batterie, habituel, virevoltant sur "All Falls Down", le titre qui défouraille, rarement inventif par ailleurs, même si toujours simple et adapté. Par contre, question chant… Il faudra quand même que quelqu’un lui fasse comprendre qu’il est un très bon batteur. Un excellent batteur, même. C’est tout. Point. D’autant plus qu’il porte pleinement la section rythmique du groupe, transcendée par la présence prodigieuse de Dave LaRue à la basse. Prodigieuse, car entendre une basse aussi remuante et classieuse, c’est toujours s’évader dans un autre monde. Celui que nous décrit le groovy "Forever In A Daze", petit bijou d’intensité créative.
Simplement, il faut savoir profiter de ce genre de sommets, considérant la baisse de régime sur quelques titres de la seconde partie, alors qu’auparavant on aura jeté un petit coup d’œil à la carrière solo de Neal Morse ("Blue Ocean"), ou à la scène prog dans son ensemble ("Kayla" fait penser à du Kino et – oh, tiens ! Des chœurs avec Nealou qui chantonne en premier plan !). Mais malgré un beau solo de Steve Morse sur "Everything Changes" - oui, parce que lui aussi participe au voyage coloré volant - le morceau peine à convaincre, d’autant plus qu’il est plombé par une incartade de l’omniprésent autre Morse. Ceci dit, tout ça se laisse écouter, et mieux encore, fredonner, sans aucun déplaisir, et la récompense finale s’appelle "Infinite Fire", et nous oblige à relancer la lecture du disque illico.
Alors quand on fait les comptes, on constate que la balance penche plutôt nettement en faveur des aspects positifs de ce projet qui avait tout pour être alléchant sur le papier, qui ne déçoit pas, et dont on attend peut-être encore plus sur scène. En attendant, on se délectera du magnifique artwork en reprenant un à un chacun des refrains, plus obsédants les uns que les autres, et en remerciant cette bande d’artistes accomplis du monde de la musique d’avoir pris un peu de temps pour nous faire plaisir, comme, on l’imagine, ils ont pris plaisir à mettre en boîte cette œuvre colorée.