C’est en plein cœur du terrible hiver norvégien, où l’on vit au ralenti sous la neige et dans la nuit quasi-permanente, que El Caco (« le voleur » en espagnol) a choisi de commettre son cinquième méfait. Ce trio tondu et tatoué joue depuis une dizaine d’année un stoner rock/metal mélodique de très haute volée, sans flonflons, en constante évolution, à la fois simple et diablement efficace. Du vrai stoner comme on l’aime, en somme.
La recette de base de la musique de El Caco est composée de riffs simples et directs (entendez par là en « 4/4 » – pour les non-musiciens, on compte 1, 2, 3, 4…), et qui ont une fâcheuse tendance à vous agripper instantanément les tympans et se graver dans la mémoire, surtout lorsqu’ils sont servis par des grooves irrésistibles, majoritairement mid-tempo, mais allant du gros lourd « sludgy » de "Sixtyto Zero" au rythme bien enlevé de "Hatred" ou "Go Forward". On relève bien çà et là quelques mesures particulières (entendez par là « pas en 4/4 » – on compte jusqu’à 5, 6, ou 7…) venues bousculer quelques neurones par-ci par-là, comme les refrains de "When I’m gone" et "Go Forward" ou le pont de "Disconnect". La production d’ensemble est bien grassouillette selon les canons du stoner, mais n’en demeure pas moins limpide. Les structures des morceaux sont, elles aussi, simples et directes (couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain), sans intros à rallonges ni fioritures forcées.
On rentre en général directement dans le vif du sujet grâce à des arrangements réduits au strict minimum : les riffs s’enchaînent, on en prend pour notre argent, un point c’est tout. Beaucoup d’attention est apportée au chant, notamment aux mélodies et harmonies (voir les excellents refrains de "Hatred", "Autopsy", "Confessions" ou "Disconnect"), mais aussi aux différentes nuances de voix, aussi bien rocailleuses et brutes que limpides et mélodiques, que peut produire Øyvind, seul ou accompagné de ses deux compères (voir le refrain de "When I’m Gone"), ou encore d’invités (voir notamment les chœurs féminins sur "Confessions"). Le chant est d’autant plus soigné que l’on sent que le propos, visiblement inspiré d’expériences humaines, souvent personnelles, diverses et variées, est chargé d’émotions, de la colère au désespoir en passant par l’amour. La musique aérée permet à la voix d’Øyvind d’occuper le premier plan et de conférerà chaque chanson, et donc à El Caco, son identité propre et sa superbe.
Simple, efficace, accrocheur, humain… El Caco a tout bon dans son style. Hatred, Love & Diagrams est une preuve de plus qu’on peut vivre au fond d’une vallée enneigée et boire de l’hydromel tout en produisant un stoner qui sent bon le bayou chaud et moite et le Jack Daniels.