La catastrophe de Tchernobyl, le décès de Cliff Burton, bassiste de Métallica, la naissance de Lady gaga ? Non, non, vous n'y êtes pas, il ne s'agit pas ici de pleurer les drames survenus en l'an de grâce 1986. L'aguicheuse pin-up représentée sur l'artwork de l'album qui nous intéresse ici est d'ailleurs là pour le souligner. Du plaisir avant tout ! Il s'agit donc ici d'une révérence aux années 80 : une période encore toute simple, sans internet, sans cellulaires et où l'on trainait plus volontiers dans les pubs la clope au bec, tout gaîné de ceintures cloutées, pour jouer au flipper et se régaler du dernier bon morceau du moment ! Plus sérieusement, The Order souligne ici son admiration et son souhait de voir revivre une époque perçue comme plus libre et décomplexée, plus créative aussi que celle dans laquelle nous barbotons aujourd'hui. Et 1986 révèle en celà une saveur toute particulière, songez à Master of Puppets (Métallica), 5051 (Van Halen), Who made Who (AC-DC), Orgasmatron (Motörhead) …. une année placée sous le signe du hard rock et du heavy métal, cela valait bien un petit hommage !
Et c'est tout imprégné de ces sources d'inspiration justement que The Order (inspiré du nom de la société secrète américaine « The Order of Skull and Bones ») a vu le jour en 2004. L'objectif de nos quatre gaillards, délivrer un son tonitruant qui fleure bon le hard rock pure tradition, et qu'ils voulaient aussi détaché de toute la pression des phénomènes de mode du moment. Et les ingrédients sont effectivement là pour un son bien carré : de leur formation initiale de tharsheurs, Bruno Spring, Andrej Abplanal et Mauro Casciero (issus de Gurd), conserveront le goût pour des riffs saturés à souhait et une rythmique au rouleau compresseur, mis au service de la voix rauque et puissante de l'exellent frontmann de Pure Inc, Gianni Pontillo. A priori, une petite recette fort engageante. D'ailleurs, les trois albums précédents, qui commençaient doucement à nous mettre en appétit, annonçaient clairement la volonté du groupe de s'imposer dans le vivier à l'instar d'un Gotthard ou d'un Shakra.
On pouvait donc s'attendre à ce que ce quatrième opus marque la parfaite maturation du groupe. 1986 démarre d'emblée en force avec un "Power of Love", servit à coup de riffs nerveux et de solos furieux, parfaitement représentatif du genre (non, non, il ne s'agit pas d'une reprise de la bande originale du film « retour vers le futur » interprétée par Huey Lewis !). Une fois de plus, Gianni Pontillo nous offre la preuve (si besoin est, rappelons qu'il est surnommé « the throat ») de la parfaite maîtrise de son organe puissant et rugueux (on parle de la voix!), sachant le moduler en toute simplicité pour pousser dans les aigües, ainsi "Long live rock'n'roll" ou encore pour l'adapter au tempo plus doux d'un "Under the Rain". Au fil de l'écoute, on retrouve en outre le son propre et les compositions classiques que l'on reconnait au groupe (d'aucuns diraient d'ailleurs « du vrai travail d'horloger suisse »), avec une inclination plus rock'n'roll que sur les opus précédents.
L'ensemble se présente donc de façon parfaitement homogène, peut être un peu trop d'ailleurs, car peu de place est en effet laissée à l'originalité. Ainsi un "Fire it up" aux accents rétro très appuyés se présentant comme un aimable clin d'oeil aux 80's, ne constitue pas une véritable surprise étant donné le concept de l'album. Les constructions musicales sont donc très attendues, riffs et refrains, quoique efficaces en terme de puissance, manquent encore de finesse et de substance. Et c'est malheureusement un reproche récurrent que l'on a déjà pu relever à l'écoute des précédents opus. De fait, la musique révèle peu de relief et ne constitue pas toujours un soutien suffisant pour la voix qui semble porter à elle seule toute l'émotion. A décharge, on estimera que ce son simple et direct qui « respire la graisse des grosses bécanes et la sueur des bikkers » est finalement celui que l'on attend d'un bon classique de hard rock.
The Order ne cache d'ailleurs pas que sa musique est écrite sur le vif, avec une certaine forme d'insouciance, d'où probablement ce sentiment de simplicité. Ce n'est donc certes pas l'album d'une originalité rare, que l'on écoutera en boucle pendant des heures, les yeux révulsés de bonheur en mordant dans son coussin, mais il n'en demeure pas moins que si l'on recherche un son brut de décoffrage, efficace pour se vider la tête et se faire plaisir simplement, 1986 aura malgré tout, quelques bons arguments pour plaire.