- Oh punaise… Egon, viens voir, vite ! Le détecteur de trve-itude s'emballe comme jamais ! Regarde !
- En effet, il semble bien qu'on soit à proximité d'une source encore jamais vue…
- Calmos Ray, on est en Norvège là ! Des trve black metalleux, y en a à chaque coin de rue, et je vous raconte pas dans le fin fond des forêts !
- Mais Peter, c'est pas l'analyseur de la densité protonique de black metal dans l'air qui s'agite… C'est celui du thrash !
D'emblée, le truc qui frappe à l'écoute de Based on Evil, c'est le coté raw et old school de la prod'. Au début, on se dit que ces mecs ont tout compris et qu'en tant que true thrashers, ils ont préféré une vieille prod' secos à la Bill Metoyer (le plus grand producteur de l'histoire du thrash, d'après les puristes) plutôt qu'un truc moderne qui ressemble à rien à la Andy Sneap. Et puis ensuite on jette un coup d'œil à la bio, et là on lit environ 15 fois que l'album a été produit par ce bon vieux Fleming Rasmussen, LE Fleming Rasmussen, celui de Ride The Lightning et Master of Puppets (et Imaginations from the Other Side, dans un autre genre), qui ne s'est visiblement pas trop tenu au courant des nouvelles techniques de production depuis 20 ans… et c'est tant mieux ! En effet, cela cadre parfaitement le style furibard de Tantara, qui rappelle surtout Metallica ("Trapped in Bodies", "Negligible Souls", "The Debate"…), mais aussi Anthrax ("Mass Murder"), Testament ("Human Mutation"), et bien d'autres combos US ayant donné leurs titres de noblesse au thrash au gré de certains plans par ci par là.
Le deuxième truc qui frappe, c'est la durée des morceaux. 8 titres en 56 minutes, on aime bien faire traîner les choses chez Tantara (tiens, encore un point commun avec le Metallica de la grande époque). On ne peut vraiment parler d'influence prog', mais le groupe aime bien proposer des intros à rallonge, caser de longues plages instrumentales, varier les ambiances avec des passages calmes et surtout balancer 3 ou 4 solos par morceau. On sent bien qu'ils sont incapables de faire court, comme en témoigne "Negligible Souls" : au bout de 3 minutes 30, le solo (ou plutôt le déluge de solos) est déjà expédié, Tantara n'a plus qu'à boucler l'affaire… et bam, un cri à la Mark Osegueda, un nouveau break qui sert surtout de prétexte pour balancer un autre solo et hop, nous voilà rendu à plus de 6 minutes ! Bon, je vous l'accorde, ce n'est pas toujours très cohérent : à la fin de "Mass Murder", excellent morceau au demeurant, à quoi peut bien servir ce plan calme de 45 secondes ? Non seulement il n'apporte rien au morceau, mais en plus il se termine à moitié en eau de boudin, telle une blague de Jean Michel Pas de chute.
On imagine d'ailleurs qu'il a dû se passer certaines scènes cocasses en studio. Sur "Mass Murder", après le premier couplet, on voit bien Fredrik Bjergo sortir « euh, les mecs, j'ai plus d'idées pour les paroles… Vas-y Per, balance un solo ! » Ou sur "Based on Evil", on imaginerait presque le batteur, alors que le break s'éternise depuis plus de trois minutes, dire aux deux guitaristes « Vous êtes bien mignons, mais faudrait peut-être penser à finir le morceau maintenant ! » Oui, sauf que pour cela, il faut que Bjergo reprenne le micro et ça, ça risque fort de ne pas convenir à tout le monde. En effet, disons-le clairement, le bonhomme a une voix de chiotte, qui ressemble à celle du jeune Hetfield en encore plus criard. Maintenant, les puristes qui supportent très bien les performances de Baloff sur Bonded by Blood, de Gerre sur les premiers Tankard ou même, puisqu'on en parle, de Hetfield sur Kill'Em All devraient s'en accommoder sans problème. Au pire, Tantara rejoindra les Artillery et autres Vio-Lence dans la catégorie groupe de thrash dont le chanteur divise les aficionados.
Et puis bon, il y a tellement de passages instrumentaux, il n'y a qu'à faire comme les fans de DT avec LaBrie… D'ailleurs, comme pour Petrucci and co, il vaut mieux aimer les longues plages musicales pour apprécier Tantara. On ne peut pas dire que les Norvégiens aient choisi la facilité, car il très difficile de se raccrocher à un refrain, notion presque inconnue du groupe. Cela ne les empêche pas de proposer des passages mémorables, comme sur "Prejudice of Violence", le pavé de l'album. Le début du titre donne dans le thrash primaire, spécialité du groupe, avant de complètement changer d'orientation au bout de 6 minutes 30 : la folie s'éteint, un sample du discours de George W. Bush après les attentats du 11 Septembre arrive en fond sonore, et nous voilà bercés jusqu'au bout par une douce mélodie ornée d'un long et magnifique solo. Tantara maîtrise à merveille ce type de changement d'ambiance, qu'on retrouve aussi sur "The Debate" notamment, même si l'exercice de style est moins poussé. Autre passage marquant, ce solo tout en harmonie digne des vieux Maiden sur "Killing of Mother Earth".
Si vous n'êtes pas effrayé par les prod' old school de chez old school, que vous tolérez les chanteurs de seconde zone et que vous appréciez les longues passages instrumentaux autant que les riffs qui arrachent la moquette, comme chez Heathen (oui je sais, ça fait beaucoup de conditions !), alors vous ne pouvez que prendre votre pied à l'écoute de ce premier album de Tantara. Incontestablement, les Norvégiens ont un style à part, pas le plus catchy certes, car il est facile de se laisser décrocher si on écoute l'album d'une oreille distraite, mais une fois qu'on lui accorde toute l'attention qu'il mérite (une habitude qui se perd à l'heure du zapping permanent), c'est du bonheur. Incontestablement une des bonnes surprises de l'année en matière de thrash.