J'ai un aveu à faire : je pensais que depuis Recycler en 1990, ZZ Top avait plus ou moins disparu du marché du disque, écumant, comme nombre de groupes en pré-retraite, les clubs miteux des USA et d'Europe. Et puis, en 2003, tombé du ciel (que je croyais), Mescalero, rien de moins que le troisième album du groupe depuis Recycler ! La pensée du moment alla à AC/DC ou Mick Jagger, ces anciens qui, peu avant nos barbus, avaient sorti un nouvel album, l'album du grand retour, qui en réalité n'amenait rien de nouveau si ce n'est un léger ressentiment de la part de tous les fans.
C'est donc avec d'énormes a priori que j'entamai l'écoute du nouvel album de ZZ Top. Je m'attendais tout naturellement à du bon vieux ZZ sans surprise : riffs de guitares reconnaissables entre mille, mélodies carrées coulées dans le même moule, voix tantôt suave, tantôt bluesy. Et ce ne fut pas une surprise, mais une claque ! Un tour de génie, un tour de magie, un tour à moto dans le Sud Américain. Pas ce vieux Sud ségrégationniste, ce Sud rural aux champs de coton (tiiiin diiiin! dans ma mémoire...) à perte de vue, non, ce bon vieux Sud à l'accent mexicain, aux parfums de Tabasco et tabac, ce Sud où les peaux sont cramées par le soleil, où les camions rugissent mais où Indiens, Noirs, Hispaniques et Blancs boivent la même bière dans les restaus routiers.
Un choix courageux de la part d'un groupe Texan, est d'avoir donné à son album le nom d'une tribu indienne… Politiquement engagés, les ZZ ? On s'en fout, ça fleure bon le Tex Mex, c'est épicé et frais, c'est bien lourd mais digeste, même si ça récure les tripes ! Evidemment, tout étant dans la recette, on ne change pas une formule qui gagne : les riffs de guitares reconnaissables entre mille sont bien là, les mélodies carrées coulées dans le même moule aussi, la voix tantôt suave tantôt bluesy, toujours à l'appel. Les fans ne seront sans doute pas déçus, les titres "Me So Stupid", "Stackin' Paper" sonnant comme les bons vieux hits des années 80. Un album de ZZ TOP, en somme ? Oui, mais pas que !
Une production bien plus moderne et plus trash, un mixage déroutant, où les guitares saturent, les basses explosent, les voix s'éraillent mais où le tout garde une certaine cohérence - à l'image des sulfureux "Mescalero", "Piece". Cette production cradingue a été le sujet de nombreuses polémiques à la sortie du disque : pour certains, elle était purement le résultat d'un manque de travail évident, et on a hurlé au foutage de gueule devant une telle « horreur sonore ». Mais si l'on ne peut nier que ZZ Top possède un humour abrasif (très camionneur) indubitable, les bons esprits penseront qu'il n'est pas là une arnaque, mais une touche de goût destroy et de potache dans le potage : soyons fou, saupoudrons le tout d'une bonne grosse couche de piment ! Certains auront du mal à assimiler la surdose, ceux qui sont donc de composition fragile et sensible risquent de ne pas apprécier la chose. Et puis, on n'échappe malheureusement pas aux morceaux faciles ("Qué Lastima", "Goin So Good") qui sonnent assez parodiques de ballades country, mais pas suffisamment stupides pour qu'on accroche vraiment. C'est complètement cliché, et c'est voulu, mais c'est nettement moins drôle et plus fade que le reste, totalement barge et plongeant sans aucune honte dans le pur Hard-Rock made in America bien gras et qui tache.
En bref, Mescalero est un sacré Chili Con Carne qui brûle, qui pique, mais fait avec amour, humour (et renfort de Bud') dont on réclame encore une portion, ou bien qu'on évacue immédiatement, selon l'estomac. Moi, je m'en délecte.