Se remettre de la mort d'un membre n'est pas chose aisée. Et quand c'est sa voix, c'est un élément identifiable qui s'en va. On peut narrer cette histoire pour le groupe Elis du Liechtenstein, qui a peiné à se remettre de la mort de Sabine Dünser, pour finalement tirer sa révérence sur un dernier opus très convaincant (Catharsis). Threshold, par contre, semble avoir d'autres plans qu'une séparation quelques années après la mort d'un frontman. Et quand on entend le contenu de March of Progress, ça aurait été un gâchis monstrueux.
Car Threshold, groupe britannique existant depuis 1988, reprend exactement les bases de leur musique si accrocheuse et complexe à la fois. Combinant des structures qui ne tombent absolument pas dans la facilité avec des mélodies imparables et des refrains pop ("Ashes", "The Hours", "That's Why We Came"), la formation du Royaume-Uni n'est pas enterrée. Elle a même, entre ses mains, une clé ouvrant la plus belle des portes : celle de l'inspiration. Ce trésor, magnifique joyau, ponctue presque toutes les pistes de ce March of Progress. Seule la trop Faith No More-like "Coda" ne disposera pas de cet atout qu'est la beauté, tant mélodique que structurelle, du brûlot. Pourquoi celle-ci ne fonctionne pas ? Car elle est trop hachée, et que les lignes de chant sont tout simplement pénibles, là où elles sont merveilleuses sur les autres morceaux.
Il suffit d'écouter la longue "The Rubicon" pour se rendre compte que les efforts fournis par le groupe sont très conséquents. Le morceau est soigné aux petits oignons, taillée tant dans son chant que dans sa mélodie dans le plus beau des diamants, celui qui est ciselé à la perfection, et émerveille quiconque pose les yeux sur cette beauté. La piste met un peu de temps avant d'opter pour une montée en puissance, mais quand les guitares sont là, alors on sait qu'on tient quelque chose de très fort, pour emboîter sur un refrain qui laisse la part belle aux atmosphères et, surtout, à un Damian Wilson plus époustouflant que jamais. Il y a des gens, comme ça, qui ont un talent hors du commun, et notre frontman, lui, en fait partie. Son registre est aussi diversifié que ce titre est excellent et il chante toujours avec une émotion non-dissimulée, parfois même avec une voix à fleur de peau (la somptueuse "That's Why We Came"), sur de superbes refrains ("Ashes", "Staring at the Sun", "The Hours" ou "The Rubicon" sont de bons exemples).
Donc, à part le faux-pas "Coda" (et encore, si on excepte la façon de chanter, ça reste plutôt pas mal foutu !), qu'est-ce qu'il nous reste ? Une fois l'excellente "The Rubicon" mise de côté, est-ce qu'on va s'ennuyer ? Pas du tout, mes bons amis, croyez-bien que ce n'est que le début ! La tubesque "Ashes" est une incitation à aller plus loin, tant elle est prenante et au refrain inventif. "Liberty Complacency Dependency" est technique, mais pas dans le sens branlette de manche stérile. Alliant à la fois l'accroche et la complexité, le morceau convainc, et nous fait passer un bon moment. Pour les pauses émotions, allez chercher du côté de "The Hours" et de la mid-tempo "That's Why We Came" qui nous enchantent littéralement. Et ce toujours sur une même recette, qu'ils utilisent beaucoup, mais sans puer le réchauffé : allier une mélodie en apparence simple à une musique adroite et technique, tout en sachant aller à l'essentiel. Voilà ce qui fonctionne, et qui manque encore à trop de formations progressives qui ne pensent qu'à imiter Dream Theater !
Et voilà, avec son March of Progress, Threshold signe l'un des meilleurs albums d'une discographie déjà bien remplie et incontournable. Et c'est déjà la dixième offrande, rien que ça ! Alors tout ce qu'on peut souhaiter au combo, c'est d'aller loin avec ce ancien / nouveau chanteur séduisant de bout en bout. Cet opus fait donc office d'incontournable, à la fois dans l'année 2012, mais également pour le metal progressif. Foncez !