Mount Eerie est le projet de Phil Elverum, de l'état de Washington, États-Unis d'Amérique. Initié en 2004, faisant suite aux Microphones, précédent projet du Monsieur, et répondant à ses envies sans cesse grandissantes de nature, Mount Eerie fait de Winds's Poem une invitation à écouter le vent. Phil le dit d'ailleurs lui-même : « Le concept de l'album était de faire parler le vent. Cette voix est sombre, effrayante, parfois menaçante. Le vent est un élément destructif, qui tue lentement. L'érosion est ici une métaphore de la mortalité. » Une question subsistait : comment rendre cette impression en musique ? Wind's Poem, mélange de drone, noise, lo-fi, folk, ambiant, s'atèle avec bravoure à la tâche.
Les premières secondes de Wind's Poem font hurler la tempête. Le mur de guitare semble tout droit extrait d'un album de Nadja. Tout n'est que cacophonie et grésillements. Au milieu cette folie, une voix se fait entendre. Faible et peu assurée, celle-ci émane de Phil Elverum, logiquement seul au sein d'un one-man band en quête de réponse. D'emblée, le contraste -qui sera persistent tout au long des 55 minutes que dure l'album- apparaît : Wind's Poem est une ode à la Nature (avec une majuscule, pour le coup), tantôt capable de s'offrir à l'Homme sous ses plus beaux aspects, tantôt encline à le broyer aussi simplement qu'un enfant détruirait son château de sable, quand bien même serait-il grandiose. Ces deux aspects de la nature, constamment évoquée dans les textes, sont maîtrisés en permanence, qu'ils soient séparés ou qu'ils se croisent, comme sur la quasi-finale "Lost Wisdom, Part 2", véritable apocalypse oscillant entre black metal et drone aride et se terminant sur un retour au calme amenant l'auditeur à un état serein et apaisé.
"Wind's Dark Poem" était une tempête. A cette tempête d'ouverture succède le calme de "Through The Trees". Minimaliste, cette longue piste (11 minutes) se base sur un son ambiant, drone, bourdonnant de manière continue mais douce, cette fois. L'album ne cessera d'alterner ces ambiances, ces attaques et ces moments de répits. Parmi les instants de fureur se retrouvent notamment "The Mouth of Sky", franchement agressive, ou "(something)", qui broie littéralement l'auditeur sous ses assauts répétés et sur-saturés. Quant à "The Hidden Stone", au riff quasi-doom, autant dire qu'elle n'aurait guère été reniée du Earth des premiers jours. Parmi les moments de paix, citons plutôt "My Heart Is Not At Peace", très beau morceau de folk minimaliste mené par un chant si simple, "Summons", contemplative, ou encore "Wind Speaks", atmosphérique et réconfortante (un effet de réverbération traverse l'air, quelques mots sont posés, le morceau se termine, doucement).
A l'écoute de Wind's Poem, difficile de ne pas se sentir isolé. Cet album est hivernal. Le vent, tantôt froid et cruel, tantôt camarade d'une nuit solitaire, s'immisce dans les moindres parties de l'âme lors de l'écoute. L'illusion est totale, à peine imaginable : partout il nous entoure, tourbillonne, transforme le paysage. Le mélange entre la rugosité de certaines parties et la douceur des autres fait de Wind's Poem un album subtil et envoûtant. Unique. L'hiver approche, ou le moment de se (re)plonger dans l'univers de Mount Eerie.