CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
10.5/20
LINE UP
Jonny Letho
(guitare+chant)
-Christer Bergqvist
(guitare)
-Johan Havås
(claviers)
-Andreas Hedström
(basse)
-Carl Karlsson
(batterie)
TRACKLIST
1) And Yet It Moves
2) God Of Carnage
3) Where Tears Are Born
4) It All Turns To Ashes
5) Cage Of Pain
6) When Silence Became Eternal
7) Warstorms
8) Stormlegion (Warstorms part II)
9) The Third Eclipse
DISCOGRAPHIE
Vous connaissez les poissons pilotes ? Ce sont de rigolos petits animaux qui ont comme particularité d'évoluer dans le sillage de grands prédateurs comme les requins ou les cétacés, voire même à côté des bateaux. Bref, ils ont souvent besoin d'avoir un plus gros qu'eux pas loin. C'est un peu le cas de Grief Of Emerald qui a longtemps évolué dans les années 90 au coté de formations plus massives qu'eux, comme Dimmu Borgir, Immortal ou Dissection, tout en restant dans leur ombre. Grief of Emerald parviendra-t'il enfin, en 2013, à générer sa propre lueur ?
Pas sûr, si l'on en croit ce It All Turns To Ashes de facture passable. Après une pause de neuf ans, entre 2002 et 2011, Grief of Emerald revient dans l'actualité, accompagné de cette question : est-ce pour reprendre les choses là où le groupe (enfin, son leader Jonny Letho, seul membre permanent de la formation) les a laissées il y a maintenant plus de dix ans, ou pour proposer quelque chose de radicalement différent et nouveau, inspiré par cette décennie de méditation ? Les premières notes donnent le ton : back in the 90's et son black rageur et symphonique, comme aimait à le pratiquer Dimmu Borgir qui semble être l'inspiration majeure de Letho (écoutez le début de "Warstorms", par exemple, c'est assez flagrant). Dans l'idée, ce choix (si toutefois c'en est un) n'est pas totalement idiot : une relecture de cette période dorée pourrait donner des choses intéressantes. Mais voilà, Grief Of Emerald n'a pas omis d'en reprendre aussi les mauvais côtés, comme une production écrasée et manquant de dynamisme, rendue trop dense par des claviers envahissants, non dans leur écriture mais dans leurs sonorités passéistes.
Résultat, comme trop souvent dans le black symphonique, la superposition de chant hurlé, de blast, de gros riffs et de nappes de synthé donne une soupe difficilement digeste sur la longueur, là où l'équilibre entre agressivité, puissance et clarté se doit d'être ciselé avec précision. Les compositions, elles, ne sont pas singulièrement mauvaises, il y en a même de bonnes, comme "The Third Eclipse" ou "Cage Of Pain" et son piano. Mais le stade du « chouette » n'est jamais dépassé : on restera toujours, sur It All Turns To Ashes, dans le giron rassurant de la norme et de la banalité, Letho ne parvenant à aucun moment à sortir des canons du genre pour oser proposer quelque chose d'intéressant. Même au chant, on ne peut pas dire qu'il brille tant son timbre est tristement typiquement black metal, sans réelle prise de risque et très loin du charisme des grands chanteurs de la fin des années 90, Nödtveidt (Dissection), Shagrath (Dimmu Borgir) ou encore Ihsahn (Emperor) en tête. Le résultat est donc tristement banal et efficace, presque académique dans son approche nostalgique de ces années où les grands groupes d'aujourd'hui ont émergé, mais aussi – et on l'oublie parfois – où une horde de suiveurs ont tenté de s'engouffrer dans la brèche.
Après avoir échouer en 2000, Grief of Emerald retente le coup dix ans plus tard. Alors qu'une partie des grands groupes de l'époque ne sont plus en activité, assiste-t'on à une stratégie de conquête ou un retour sincère et passionné ? On laissera le bénéfice du doute à Letho et on se bornera à signaler que It All Turns To Ashes n'est qu'un album moyen. Dimmu Borgir semble maintenant avoir retrouvé son poisson-pilote...