Il faut dire les choses comme elles sont : tous les promos ne sont pas égaux devant le chroniqueur. Si certaines sorties provoquent des enchères à ne plus finir voire des pugilats pour savoir qui aura la fève, d’autres sont loin de déchaîner autant de passions. Exemple : quand la question « Qui veut chroniquer le dernier Beissert ? » a été posée, quelques-uns ont détourné la tête, d’autres se sont mis à siffloter, il y a même un rédacteur qui s’est sauvé en prétextant un rendez-vous urgent. Bref, je me suis senti seul… bien seul même. D’autant plus que l’écoute de quelques morceaux de l’album précédent ne m’avait pas fasciné… Mais faisant contre mauvaise fortune bon coeur, et aussi par respect pour Agonia Records qui fait quand même du très bon boulot, je m’y suis collé. Avec l’entrain d’un condamné à mort par arrachage de testicules sans désinfectant. Et j'ai pris mon pied ! Comme quoi, des fois on peut se tromper… C’est bien fait pour vous, vilains collègues !
La troisième œuvre des Allemands est effectivement un sacré concentré d’énergie musicale. Contrairement à ce que le titre de l’album ou les intitulés de certaines chansons pourraient suggérer, point de black metal ici, à peine quelques petites influences death bien discrètes. Le trip de Beissert, c’est un mélange détonnant de thrash un peu core sur les bords, de heavy, de groove et de hard rock, ni plus ni moins. Emmenés par l’étonnant Bssrt, dont les prouesses vocales seront évoquées plus loin, le quintette germain boxe à peu près dans le même catégorie qu’All Hail the Yeti, en moins -core et en plus éclectique encore. En plus de cette large palette de styles, Darkness:Devil:Death dispose également de trois autres grands atouts : premièrement, une section rythmique qui envoie du lourd tout au long de l’opus. Deuxièmement, une vraie maîtrise des chœurs : qu’ils soient typiquement thrash comme sur "DarknessDevilDeath" ou "Age Ov Darkness", faussement candides comme sur l’épique "Perm Trias" ou qu’ils se contentent de donner de la profondeur au chant ("De Profundis Clamavi"), il n’y a rien à jeter à ce niveau-là.
Le troisième atout, et pas le moindre, est la voix de Bssrt. Son registre de base semble être le chant type thrashcore outré, tirant par moment du côté du controversé Sean Killian de Vio-lence ("Age Ov Darkness"), mais l’homme n’hésite pas à donner à sa voix des modulations gouailleuses inattendues ou à jouer les Warrel Dane de service ("Thy Chthonic Cathedral"). Tel le remuant Mike Patton (qui officiait dans un autre registre, soyons clair), Bssrt insuffle une bonne dose d’énergie à l’album, qui lui doit en grande partie son punch. La première partie de l’album, jusqu'à "Perm Trias" inclus, est de très, très haut niveau : inaugurée par le très Sanctuarien "Thy Chthonic Ctahedral", la session musicale continue sur un rythme très enlevé avec du power/thrash au refrain coup de poing ("DarknessDevilDeath"). Après un intermède à la Vio-lence, l’album suit un cours plus metalcore, avant que Beissert n’entame son morceau de bravoure, à savoir le fameux "Perm Trias". Les artistes y mélangent avec allégresse influences heavy 80's (on reconnaîtra au passage quelques lignes de guitares de "Flash of the Blade"), passages plus rock, chœurs douceâtres et claquements de main.
La première moitié de ce gloubiboulga musical s’avère être une vraie réussite. La seconde partie de Darkness:Devil:Death, plus rock, est un ton en-dessous. On y trouve le seul morceau quelconque de l’album ("DXXXV") et l’effet de surprise est passé. Néanmoins, il y a encore de bien bonnes choses, comme le refrain catchy de "Do What Thou Wilt", le sympathique stoner de "Die Diamantenen Tore Der Hoelle" , et surtout le très groovy et efficace "De Profundis Clamavi". Au total, l’album est une vraie bonne surprise, et l’énergie qu’il dégage peut évoquer des artistes comme Faith No More ou Devin Townsend, même si le type de musique pratiqué est bien différent. La seule vraie interrogation tient au but recherché par le groupe : si l’imagerie et les textes évoqués doivent faire peur à l’auditeur, c’est raté. L’outrance vocale et le côté groovy, presque dansant de l’album n’emmènent pas le fan au pays de l’angoisse. On sent même poindre une petite dose d’autodérision au détour de chaque chanson. Est-ce vraiment recherché ?
Vous avez un petit coup de moins bien ? La sortie de l’hiver est rude ? Pas besoin d’aller vous ruiner en complexes vitaminiques à la con. Le Doktor Bssrt et les laboratoires Agonia vous ont concocté un petit cocktail qui certes ne vous fera pas forcément voir la vie en rose, mais dont le contenu survolté devrait vous donner ce petit coup de fouet tant recherché. Ce Darkness:Devil:Death s’avale tout seul et d’une traite. Sa haute teneur en thrash / heavy / core / groove / rock et son faible taux de chansons remplissage va vous permettre de retourner travailler comme douze, pour le plus grand bonheur de votre patron, et vous rendra à nouveau capable des meilleures prouesses au lit, ce qui réjouira, n’en doutons pas un instant, Madame / Mesdames / Monsieur / Messieurs (rayez les mentions inutiles). Merci qui ?