CHRONIQUE PAR ...
Amdor
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
09/20
LINE UP
-Jasun Tipton
(guitare)
-Troy Tipton
(basse)
-Mike Guy
(batterie)
TRACKLIST
1) Velocity and Acceleration Movement 5
2) Velocity and Acceleration Movement 6
3) Velocity and Acceleration Movement 7
4) Velocity and Acceleration Movement 8
5) Calculating Patterns
6) Harmonic Oscillators
7) 4 Sting Lullaby
8) Autumn
9) Manipulation Under Anesthesia
10) Electric Sun 2.0
11) Quintessence
DISCOGRAPHIE
« L’art peut-il se passer d’une maîtrise technique ? » ; voilà la problématique sur laquelle ont dû plancher, en 2010, les bacheliers des filières technologiques lors de leur épreuve de philosophie. En dépit de ce que leur dirait n’importe quel bon professeur sur le sujet, il y aurait fort à parier que les gratteux d'Abnormal Thought Patterns ne répondent à cette question que par l’assertion suivante : l’art n’est que technique. Du moins, il semblerait que ce soit la devise de la formation californienne, qui mise principalement sur la virtuosité de ses membres. Soyez les bienvenus dans le joyeux monde des shredders, là où Petrucci a été élevé au rang de divinité et où les guitaristes semblent croire que le talent ne se mesure qu’au nombre de notes jouées…
En effet, après 20 ans passés ensemble au sein de la formation progressive Zero Hour, les frères jumeaux Troy et Jasun Tipton qui ont décidemment bien du mal à se passer l’un de l’autre, cumulant pas moins de 5 groupes en commun, ont décidé de créer Abnormal Thought Patterns dans le seul but d’assouvir leur désir compulsif de triturer un manche (d’accord, cette vanne est lourde). Tout ça pour dire que vous êtes désormais prévenus : c’est parti pour une quarantaine de minutes de shred, alors accrochez-vous, ça va tricoter sec ! D’un point de vue purement technique, pas grand-chose à ajouter sur le trio, ils maîtrisent amplement leur sujet malgré l’ami batteur qui s’est joint à l’aventure mais reste plus en retrait par rapport à ses compères. Se pose maintenant une question absolument cruciale : plutôt Vai, Satriani ou Abasi ? A vrai dire, aucun des trois : la musique des gus’ dont il est question ici s’inscrit dans la veine de Blotted Science auquel on aurait retiré les influences death, avec ces harmonies alambiquées jouées à vitesse supersonique (ou presque) qui rappellent par moment l’univers de Roy Jarzombek.
Toutefois, avec ces morceaux aux structures complexes Abnormal Thought Patterns peine à captiver tandis que Blotted Science y parvient avec brio. Car là où ces derniers suivent un concept (certains parleraient de gimmick, à chacun ses termes), s’évertuant à créer des pièces collant exactement à des scènes issues du cinéma, Manipulation Under Anesthesia ne semble être qu’un concentré de technique sans but. Symptomatique d’une musique ultra technique mais sans âme, la clique des "Velocity and Acceleration" qui s’étend sur pas moins de 13 minutes constitue en effet une entrée en matière bien difficile à digérer avec ses enchaînements de riffs sans queue ni tête et la froideur clinique des compositions s’impose comme une constante sur l’album, même lors des morceaux voulus plus jazzy et aérien ("Calculating Patterns", "4 String Lullaby", "Autumn", "Quintessence") pourtant intrinsèquement plus propice à l’expression de la sensibilité des musiciens. Du reste, Abnormal Thought Patterns est tout de même bien capable de quelques fulgurances sur les autres morceaux, comme notamment sur "Harmonic Oscillators" tout aussi technique et véloce que le reste de la galette mais ô combien plus jouissif, toutefois ces quelques bons moments ne sont pas suffisants pour changer la donne et rendre l’écoute passionnante.
Jouant une musique aussi compliquée et passionnante que son nom, Abnormal Thought Patterns ne convainc pas et constitue une nouvelle preuve qu’un bon technicien n’est pas bon compositeur pour autant. Pas mauvais mais manquant cruellement de relief, Manipulation Under Anesthesia tend plus vers la démonstration que vers l’œuvre et c’est d’autant plus dommage qu’avec un tel bagage technique derrière eux, ces musiciens pourraient sans nul doute faire bien mieux. En attendant, la formation se contentera d’attirer, avec cet album, quelques inconditionnels de shred, laissant de côté tous les autres.