« Ceci n'est pas une pipe » , claironne fièrement Magritte sous sa non-pipe. Ceci n'est pas (vraiment) (pas que) (un peu quand même) (pas trop) du black metal, aurait pu claironner Galaktik Cancer Squad (GSK) au fronton de Ghost Light, son quatrième format long mais seulement premier disponible en dur. Mais si ce n'est pas (vraiment) (pas que) (un peu quand même) (pas trop) du black metal, alors une seule question : kékoi ?
La feinte de ce Ghost Light, c'est qu'il débute par un "Ethanol Nebula" qui, pour le coup, ne mélange pas son black à l'eau. Les tremolos fusent sur fond de double sur fond de chant grogné (plus death que black d'ailleurs) sur fond de production faussement brumeuse. Pas de prise par la main, pas de sas de sécurité : Ghost Light nous happe immédiatement dans un univers tourbillonnant et nerveux. Ce n'est que sur "When The Void Whispers My Name" que les choses évoluent. Le rythme se casse davantage (mais conserve sa base de black spatial et sa folie quasi-Krallicéenne) tandis que la guitare lead prend ses aises. On commence à comprendre que la durée excessive des titres (entre 7 et 15 minutes pour chacune des cinq pistes) n'est pas vaine, mais vise à permettre des digressions plus ou moins marquées ici ou là. Le final du morceau, lui, fond dans la lumière tandis que le trémolo tortueux du black cède sa place au trémolo aérien du post-rock. Le coté obscur de la force cohabite avec le coté clair.
Et ce petit jeu de cache-cache, cette dichotomie (victoire personnelle, le mot est placé !) ne va pas cesser au fil de l'écoute. "In lichterlosen Weiten" ajoute aux tournoiements de notes, désormais habituels, une touche de mélodie à la Suédoise que ne renierait pas Dark Tranquility, encore accentué par un passage semi-acoustique très doux et très à-propos. Les parties de guitares leads harmonisées prennent leurs quartiers et, étrangement, deviennent les points forts des compositions. Enfin, comme tout bon morceau à l'intitulé germanique qui se respecte, le titre se termine sur un break de piano, vite écourté par le retour du jeu black. Tout s'imbrique sans que rien ne choque, ce qui est loin d'être évident. Les deux derniers morceaux ne sont pas moins bons mais reprennent les mêmes éléments pour tenter de nouvelles combinaisons ("Hypnose" est une énorme et jouissive montagne russe !). Au final, les défauts de la galette sont rares voire inexistants. Ce qui empêche encore la note de grimper ne tient qu'à un manque d'émotions et de « passages frissons », comme si la musique était encore trop canalisée là où elle ne demanderait qu'a exploser davantage.
Avec Ghost Light, Galaktik Cancer Squad prouve une nouvelle fois - et tant mieux - que oui, l'autoproduction peut aboutir à quelque chose de bon et d’intéressant. A la croisée du black, du post-black, du post-rock et de diverses influences bien digérées (Krallice en tête, mais pas que), cet opus méritait bien une sortie au format physique. C'est désormais chose faite, et nous, on est bien content avec ça.