Ami Lecteur, l’été s’est-il bien déroulé ? Tu as crevé de chaud sous une tente dans un camping bondé de monde ? Tu t’es fait défoncer par les moustiques ? Le soleil t’as fait peler la peau ? Tu as faillis te faire emporter par le courant ? Tu as cramé en deux semaines un an d’économies, dans des glaces à 6€, des melons sans goût à 5€50 et des loyers exorbitants pour ensuite faire partie des 380km de bouchons cumulés sur un weekend classé noir par l’autre, là, Bison Futé ? Oui ? Et là c’est la rentrée et t’es déprimé comme un dimanche de novembre ? Si tu réponds « oui » à au moins deux de mes questions, Kings Highway est fait pour toi. Des potes à moi. Adorables, tu vas voir.
Mais avant d’écouter cet album, parlons. Tu sais comme moi que voyager dans le temps, c’est has-been depuis qu’Emmett Brown se balade à gauche et droite d’une époque à l’autre sans se poser plus de questions que ça sur l’altération du continuum espace-temps. Il a beau prétendre le contraire, pour autant, sa bagnole est rarement au garage. C’est has-been mais pour autant c’est cool. C’est ce que se sont dit les gars de Scorpion Child. Et ils sont passés à Londres à la fin des années 60. Et un lundi, alors que les gars étaient partis visiter le British Museum, Aryn glandouillait du côté de Camden. C’est là qu’il a rencontré le jeune Bob, le cousin de Shelly, la serveuse du Black Pipe. Un pur hasard hein : Aryn est maladroit, il a renversé sa pinte sur la chemise de Bob et du coup il lui a payé une mousse. Et ils ont, comme ont dit dans le sud, tcharé pendant tout l’aprèm. Boulot, galère de filles, de tunes, mais surtout, le jeune Bob, il avait un groupe aussi, les Yardbirds. Mais lui et ses potes comptaient changer de nom, ils aimaient mieux Led Zeppelin. Va comprendre toi.
Le Bob et Aryn, inséparables. A la fin de la journée, ils ont mangé un burger dans un fast food, puis ils ont filé rejoindre les potes de Bob. Les gars de Scorpion Child les ont rejoint juste après, quand le musée à fermé. Ils ont assisté à une répet’, ils ont fait un bœuf ensemble, et puis ils sont retournés en 2013, à Austin, Texas. Ils étaient contents d’avoir rencontré ces gars : on a l’habitude de dire que les anglais sont bizarres, mais ceux-là non. Et puis bon, de bons zicos quoi. D’ailleurs Aryn et Bob ont un peu bossé ensemble par la suite, ils s’entendaient bien et en plus ils avaient un timbre de voix vraiment similaire, un peu comme Miljenko Matijevic de Steelheart, ce genre de voix haute, un peu criarde mais pas désagréable du tout. Du coup, Scorpion Child, en 2013, ils ont sortis un album, qui s’appelle Kings Highway. Moi je leur avais dit de changer le nom, parce que le dernier truc en « highway »-machin-quelque-chose que j’avais écouté, c’était Highway Pirate, de Bullet, et j’en ai encore des frissons. Mais ces types là, ils ont la tête dure. Rien à foutre de moi. Malgré tout ce que j’ai fait pour eux. Enfin bon, que jeunesse se fasse.
Après, bon, Bob chante un peu comme Aryn mais pour autant, Led Zeppelin n’a pas copié sur eux, ne me fais pas dire ce que j’ai pas dit. Y a bien deux-trois trucs que les anglais leur ont piqué, genre sur "Red Blood", les voix tournantes, les fin de phrases, ça c’est un truc que Led Zep réutilisera par le passé. Enfin j’me comprends. Les voix, les accords de gratte, les percus. Mais sinon, Scorpion Child, ils ont une approche quand même plus hard rock, d’ailleurs "Polygon Of Eyes", ça a inspiré quelques trucs à Sahg, un groupe de potes norvégiens qui font une espèce de stoner sauce Black Sabbath. Y a des attaques de cordes, c’est presque du Down, dans le son, mais en plus lumineux. Bon, par contre, pareil, je leur ai dit que je trouvais la prod un peu trop étouffée, la batterie surtout, et puis ces lignes de basse là, elles claquent pas assez bon sang. Mais bon, ils sont jeunes, ils apprendront. De toute manière je peux rien leur dire moi, ils m’écoutent pas. Mais je suis quand même fier d’eux, ils ont fait du bon taf, et puis ils se sont superbement comportés avec les mecs de Led Zep, ils sont retournés les voir en 80 pour l’enterrement de John, ils ont même chanté un de leurs meilleurs titres à l’église, "Antioch". C’était très beau, tout le monde pleurait.
Donc voilà : oui, l’été est terminé, mais comme toutes ces choses prévisibles (la nuit faisant suite au jour, le mardi au lundi, la gauche à la droite), tu peux te rassurer Ami Lecteur : sauf si tu meurs dans l’année, ce que je ne te souhaite pas, bien entendu, tu reverras les plages, le sel qui colle à la peau, le sable dans les chaussures, la crème solaire dans les yeux. Rien n’est parfait, pas même ce Kings Highway, mais avoue que de le savoir, ça rend les choses plus supportable. Et puis tu verras, ces gars là, ils vont te faire voyager un coup, oublier la grisaille, repartir dans les années 70, quand tout était encore à dire.