Dans la vaste famille du modern hardcore, il est difficile de compter sans Modern Life Is War. Les bonhommes sont en effet présents depuis 2002 et peuvent se targuer d'une discographie assez impeccable (notamment un superbe second effort en 2005, le très très bon Witness) bien que plutôt limitée : 4 albums en plus de 10 ans d'existence, sachant que le 3e datait de 2007 et que le groupe fut splitté entre 2008 et 2012, ça reste assez peu. Bref, autant dire que les américains étaient plutôt attendus au tournant par tous les fans de hardcore option « le old-school ça suffit », d'autant MLIW avait, entre temps, signé chez Deathwish Records, label connu et reconnu par les fans du genre, et gage de qualité si il en est.
Mais alors ont-ils retrouvé leur place dans les hauteurs du genre ou ont-ils déçus? La réponse, disons-le tout de go, sera forcément nuancée. Non, Modern Life Is War n'a pas sorti un monstre de hardcore mélodique et ne foutra pas, pour son retour, la taule à tous les groupes qui ont pris sa roue avant de les rattraper et de les dépasser pendant leur hibernation (on pense à Defeater, Touche Amore et autres Counterparts). Ce Fever Hunting n'en reste pas moins un très bon album de hardcore moderne, mais reposant bien plus sur les ambiances que l'immédiateté et l'efficacité. On entend par là que cet album est plutôt calme pour le genre (mais Modern Life Is War nous y avait plutôt habitué) et que le bpm reste de manière générale peu élevé, exception faite de "Cracked Sidewalk Surfer". Mais le reste du temps, on est donc majoritairement face à des pistes mid-tempo voire des pièces plus progressives et potentiellement encore plus lentes, telle que la géniale "Chasing My Tail", ou encore "Brothers In Arms Forever" et "Currency", construites sur le même modèle. Et pourtant la concision reste de mise, comme d'habitude avec MLIW, puisque cet album culmine à 30 minutes, ce qui a toujours été le cas de leurs sorties. La hargne n'est pas, pour autant, absente de cet album, mais son vecteur principal reste la voix de Jeffrey Eaton (sur "Media Cunt" par exemple, c'est plutôt clair), qui n'a rien perdu de sa verve et de sa colère et semble encore en vouloir au monde entier sur cet album.
L'ennui dans tout ça, c'est qu'on a perdu un peu de cette immédiateté et de ce côté «tubesque» si agréable sur un Witness (et des des tracks comme "D.E.A.D.R.A.M.O.N.E.S" ou "Martin Atchet") ou sur un Midnight In America. Alors bien sûr, Modern Life Is War reste un combo catchy qui sait bien accrocher son auditeur quand il le veut ("Blind Are Breeding" notamment, ou l'excellente fin du morceau titre pourtant assez moyen au demeurant, "Fever Hunting"), mais on dénote une volonté moindre de chercher à faire des hits. La maturité peut-être, car cet album est d'une cohérence stylistique et d'une logique exemplaire par rapport à leurs précédentes sorties, mais peut-être tout simplement aussi que la formule s’essouffle légèrement et que Modern Life Is War n'a plus autant d'idées que par le passé. Quatre ans de split, c'est long, et bien que le groupe aie su à merveille préserver son identité, peut-être a-t-il laissé un peu de son âme en route. Pour autant, qu'on se rassure, MLIW reste un groupe de hardcore qui n'a pas oublié ses origines (j'en veux pour preuve un "Dark Water" au feeling très punk british à l'ancienne, qui n'est pas sans rappeler le chemin pris récemment par les anglais de Gallows, autre bon combo du genre) et qui n'a pas non plus perdu sa volonté d'en découdre. Seulement, chez Modern Life Is War, la rage est toujours contenue, affleurant seulement sur les compos, de ci, de là. On la devine toujours plus que l'on ne la ressent, et cet élément à lui seul rend le combo intéressant, bien qu'il apporte également pas mal de frustration à l'auditeur qui aurait franchement envie, parfois, que tout cela explose un peu et parte en sucette plus que ce n'est le cas ici (mais c'est un dénominateur assez commun chez tous les groupes cités dans cette chronique).
Bref, un retour qui fait bien plaisir aux esgourdes mais qu'on aurait voulu sans doute encore plus fort, encore plus puissant, et peut-être aussi, avouons-le, un peu plus étoffé...On ne va pas taxer les mecs de Modern Life Is War de grosses feignasses, car comme je l'ai dit la concision a toujours fait partie de leur propos, mais tout de même, 30 minutes de son après plus de six ans d'absence, « c'est un peu court, jeune homme », non ? Ceci dit, l'important reste la qualité intrinsèque de cet album, et de ce côté là pas de souci, les fans s'y retrouveront. Quand aux autres, si d'aventure vous êtes tentés par l'aventure hardcore, un groupe de ce type est une intéressante porte d'entrée sur ce qui fait le hardcore d'aujourd'hui : une musique finalement assez protéiforme, délestée des formats habituels d'un genre pourtant sur-codifié par le passé, sombre, et finalement très actuelle.