CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
13.5/20
LINE UP
-Gian Spalluto
(tous les instruments)
Guests :
-Minca Carlucci
(chant)
-Giuseppe Argentiero
(guitare)
TRACKLIST
1) Aorta
2) Vostok
3) Zero
4) Aura
5) Antenna
6) Volume
7) Vertebra
8) Apnea
9) Deficit
10) Cinema
DISCOGRAPHIE
La sublime Lana del Rey le chante tant et plus : on peut être amoureux d’un bandit, on peut trouver du charme à un rustre. « C’est un salaud, il me traite comme une moins-que-rien, mais je l’aime ! » Combien de fois a-t-on pu entendre ce refrain qui fait faire des bonds de dix mètres de haut aux féministes de la terre entière ? Musicalement parlant, il peut se produire un phénomène similaire, à savoir qu’un album étrange, construit de guingois, plein de défauts, nous séduise. Je viens d’en faire l’expérience, là avec Vertebra. Après deux écoutes, j’aurais dû jeter un tel album à la poubelle et pourtant…
Et pourtant, il tourne en boucle dans mon lecteur, comme aurait dit Galilée, ce qui tient du prodige quand on fait un petit bilan objectif des défauts de l’album. Parce que bon sang de bonsoir, c’est quoi ce mélange parfois bizarroïde de post-rock/shoegaze, de black metal et de trip-hop mâtiné d’electro? C’est quoi ces dix chansons toutes plus courtes les unes que les autres ? C’est quoi ces blast-beats improbables produits par une machine qui pourrait faire passer celle des Bérurier Noir pour la frappe de Hellhammer en concert (mon Dieu, qu’est-ce qu’ils viennent foutre sur "Aorta" ? Et puis ses gammes black-metal sur "Antenna"… What the f**k ?) Dans beaucoup de cas, les personnes non inconditionnelles des deux premiers genres mentionnés ici, devraient au mieux peindre d’énormes points d'interrogation rouge sang sur les murs de leur maison, et au pire presser la sacro-sainte touche « Del » qui a rendu tant de services à l’humanité. Dans les deux cas, ils auraient tort : d’abord, parce qu'on n’écrit pas sur les murs, nos parents nous l’ont répété à l’envi, et ensuite, parce que Vertebra est en réalité bourré de charme.
On s’en rend compte au bout des quelques écoutes supplémentaires. Les problèmes évoqués précédemment sont compensés par un je-ne-sais-quoi absolument magique. Que provoque cette magie ? Ces chœurs féminins délicieux et utilisés avec (un peu trop de) parcimonie ? Ces moments où les guitares noisy typiques « post », se font harmonieuses et nous distillent des mélodies enjôleuses, comme sur "Zero"? Ce surprenant "Aura" complètement trip-hop et ses hallucinants « choubidoubida » finaux ? Cet artwork on ne peut plus original, voire intrigant (jetez un coup d'oeil au clip, ça vaut la peine) ? Difficile à dire, mais toujours est-il qu’il règne sur cet album bordélique un très paradoxal climat de sérénité et d’harmonie. Comme si la rencontre entre Katatonia, Les Discrets, Burzum, Godspeed You! Black Emperor et De-Phazz, avait permis la création d’une sorte de Bouddha boiteux du métal et du rock en général. On ne saurait tout de même que trop conseiller à Gian, l'apprenti-sorcier créateur de ce concept, d’oublier un peu l’aspect black-metal, pas toujours dominé, et d’inviter plus souvent Minca, la divine créature qui assure les seuls vocaux présents sur Vertebra, à se joindre à la fête.
Vertebra c’est un peu une barque minuscule qui s’aventure un jour d’orage aux confluents des terribles fleuves Post, Black et Trip-Hop, et qui arrive miraculeusement à tenir à flot. Construit a priori de bric et de broc, le premier album d’un mystérieux Italien, réussit à être cohérent là où 99,854 % des aventures similaires auraient sombré dans le ridicule. D’accord, les passages black sont de trop, mais tout de même, il y a des gens qui ont été touchés par la baguette magique de la fée Musique et peuvent défier la logique en toute crédibilité. Étonnant.