Un être vibrant d'admiration, c'est ce que je suis devenu après l'écoute du Book of Kings en 2011. Cet album magistral possédait le « truc » . Ce qui fait qu'un album - a fortiori, un album de doom metal - mérite d'être classé parmi les Grands ; mérite d'être introduit au Panthéon. Avec The Book of Kings, Mournful Congregation devait écrire sa propre histoire. Une page se tourne aujourd'hui alors que, trois ans plus tard, un plus modeste EP répondant à la douce appellation de Concrescence of the Sophia voit le jour.
La piste éponyme, "Concrescence of the Sophia", malgré ses 21 minutes de temps, prend le parti de se passer d'une réelle introduction. L'accueil est inimitable ; on se saurait se méprendre sur l'hôte nous ayant ouvert ses portes. La voix rauque et soufflante (« soufflante » me semble réellement être le terme approprié, en ce qu'il évoque le monde extérieur et l'apaisement ; les étendues infinies et le vent) de Damon Good se trouve relayée par une bien lointaine chorale tandis que déjà les guitares pleurent au loin. Les éléments du Livre des Rois n'ont pas changés. Les cris glorieux d'une guitare virtuose et touchante se font entendre de temps à autre avec une sensibilité mélodique qui manque trop souvent dans notre affaire. Lorsque les vibrations s'effacent, le bois des instruments résonnent à leur tour lors de passages acoustiques certes aléatoires et étonnant dans leurs apparitions, mais cristallins et magnifiques dans leur exécution. En somme, Mournful Congregation ne change pas ; et son doom funéraire (pourtant si vivant) continue d'être à la fois imposant, beau et calme.
Les riffs, charpente centrale mais discrète de l'ensemble, se suivent avec classe et ; même si leurs imperturbables répétitions ne manqueront pas de lasser les plus impatients d'entre-nous, façonnent un univers paisible dont seule la nature semblait jusqu’ici détenir le secret. Car écouter Mournful Congregation, c'est s'asseoir quelque part (dans un paysage d'Irlande ; gris-vert ; vallonné et infini) et attendre que le temps se passe. Ce que recherche le groupe - qui persiste tête haute dans sa formule indomptable - est probablement perdu d'avance mais la recherche en elle-même semble posséder à ses yeux une valeur inestimable. On ne peut que le suivre dans cette quête vaine et grandiose. Cette année, il est clair qu'aucun autre morceau que "Silence of the Passed" n'aura tant éveillé chez moi l'image d'un océan s'échouant contre une falaise imperturbable. Le temps semble comme suspendu tandis que quelques arpèges égrènent, par dessus cette étendue grisâtre, des notes dont le calme semble avoir été le creuset.
Une chronique sur Mournful Congregation revient à écrire beaucoup de mots pour rien. Le doom du groupe reste, avec Concrescence of the Sophia, à son meilleur niveau. Si le disque comporte les défauts récurrents des productions du triste quartet (longueurs ; structures hasardeuses) , ceux-ci s'avère également parfaitement charmants et participent finalement de l'ensemble ; de cette immuable attente qui semble animer le groupe depuis toujours. Une nouvelle fois, Mournful Congregation mérite les honneurs.