L’hiver, c’est peau de bête et ballades dans les forêts enneigées, et l’été, c’est agonie dans le désert par 50 degrés ou plus. L’été, c’est dépouillement extrême, mélodies ressassées encore et encore, riffs pesants et hypnotiques, échos et évanouissement. L’été, c’est soif mortelle et sang qui coule. L’hiver, c’est The Shadowthrone, In the Nightside Eclipse. L’été c’est Live At Pompei, Advaitic Songs. Ou encore Oracles. Il est estival cet album, oh oui alors. J’en ai encore le corps plein de cloques.
Peut-être lassés de la relative froideur canadienne (à moins que du côté de Moncton il y ait un microclimat), Kyle et Christopher, unis sous le dénomination « Zaum », ont opté pour une musique qui sent bon le sable brûlant, l’encens et le sacrifice rituel. Leur page FB définit le genre comme du « Middle Eastern Mantra Doom ». Oui, attention quand même. L’ensemble a sans conteste une forte coloration moyen-orientale, mais toute la maîtrise déployée par les deux artistes reste quand même très occidentale. Pour du mantra pur et dur, tapez « Om Mani Padme Hum » ou « Om Gam Ganapataye Namaha » sur Youtube et choisissez. Là, on reste bien dans le cadre du doom. Un doom pesant (j’assume le pléonasme), répétitif à souhait, où la rythmique est appuyée par des passages ambient, des claviers 70s et des sonorités colorant d’ocre l’imaginaire visuel de l’auditeur, tout comme pouvait le faire Pink Floyd il y a fort longtemps, ou Om plus récemment. Les derniers cités sont peut-être ceux qui se rapprochent le plus de Zaum, mais une différence fondamentale se dresse entre les deux groupes : là où Om sent bon, Zaum pue la sueur. Le premier est un gentil garçon, on sent en revanche sourdre de mauvais flux sous la peau du second.
En ça, le duo canadien se rapproche plus d’Horseback ou Oranssi Pazuzu. Même si le chant de Kyle est en général clair, il sait transmettre une menace plus ou moins explicite, selon les titres. Là où "Peasant of Perthia" est relativement clean et classique, la fin d’"Omen" est assez ouvertement démoniaque, pleine d'imprécations. Quant au chef-d’œuvre de l’album, l’impitoyable, le lancinant "The Red Sea", il respire l’irrévérence et l’evilness. Bijou de treize minutes, il monte lentement en puissance pour offrir un final très impactant, où la voix de Kyle se mêle parfaitement à des chœurs peu rassurants. Le premier titre de l’album, "Zealot" est également de très, très haute qualité et nous met, grâce à des sonorités initiales rappelant des cithares, parfaitement dans le bain. Au final, Oracles se boit comme du petit lait, aigre-doux et coupé avec du sang. Tout y est parfaitement à sa place, les deux compères ont bien médité leur coup. Que manque-t-il pour parler de chef-d’œuvre ? Vraiment pas grand-chose : remplacer "Peasant of Perthia" par un titre un peu plus impactant, peut-être. La longueur aussi, vu qu'on aurait pas été contre un peu de rab. Pour le reste, il n’y a rien à redire, Oracles se range dans la catégorie des albums très impactants de 2014, au côté des Oi Magoi, The Turn of the Tides et leurs copains.
Premier album, premier coup de maître. Oracles est un album convaincant, qui donne vraiment chaud. Entre l’album qui tourne sans arrêt, l’absence de clim au boulot, je commence à me sentir… mal… Quelle fournaise ! Et là… mais… qu’est-ce que c’est que… Messieurs, qui vous a laissé entrer ? Mais… mais… lâchez-moi ! Au secours ! Aaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhh !