A ce moment précis et avant même d’avoir commencé à lire la chronique, vous vous demandez sûrement si vous n’êtes pas tombés sur un site de cuisine ou, si vous êtes plus raisonnés, si vous avez à faire à un groupe de déconne totale à tendance math metal/expérimental. En l’occurrence ici vous faites fausse route, car Make Me A Donut pratique une musique tout ce qu’il y a de plus sérieuse (si l’on omet bien sûr le nom gastronomique dont ils se sont affublés). Le pire dans tout ça, c’est qu’ils viennent d’un pays où ce n’est pas forcément la nourriture la plus médiatisée et reconnue. Oui, la Suisse, c’est plutôt Toblerone et fromage à foison. Alors quelle est la recette pour faire un (excellent) donut ? Réponse ci-dessous.
Prenez tout d’abord cinq jeunes musiciens talentueux venant d’Yverdon-les-Bains, dans le Vaud (très important la commune). Fournissez deux guitares 6 et 7 cordes aux gratteux, une basse 6 cordes au bassiste. Procurez au chanteur trois timbres de voix différentes, du plus aigu au plus grave, en passant par le chant clair bien évidemment. Laissez reposer un peu plus d’une demi-heure et il en ressortira huit chansons pour votre plus grand plaisir auditif (et non pas gustatif, c’est de la musique tout de même, faut suivre). Mise en bouche de 2’40 avec "Baseness". Des samples, une voix criarde au loin, un riff break répété, une basse percutante, une guitare lead qui vient suivre le rythme (idée à explorer car intéressante et inexploitée de nos jours), et votre repas peut commencer. Bon, je vous le concède, au vu de la pochette et sa forêt façon black metal, on est tout de suite partagé entre deux possibilités quant à l’orientation de ce repas : ça sera le froid norvégien de Burzum ou celui des suédois de Vildhjarta. Pas du tout, vous vous trompez de crèmerie – enfin de pâtisserie. Quoique la topographie montagneuse helvétique nous rapproche légèrement plus du deuxième que du premier. Nos helvètes pratiquent en effet un style à la croisée entre le métal progressif et le deathcore. Ce qui nous permet, si on veut faire un raccourci (un peu trop) rapide, de qualifier Olson de « djent ». Néanmoins, si on fait passer ce full-length par un laboratoire d’analyses, celui-ci semble être cuisiné à l’aide de différentes cuissons. En mettant de côté le hors d’œuvre dont fait clairement office "Baseness", on pourrait le scinder en trois. 1) On trouve d’abord une cuisson bleue avec "Haunting Seed" et "We Are Vendetta". La première, malgré une base progressive, propose un côté plus death metal, avec des effets à la Gojira (1’13 et 1’20) et des blasts un peu malvenus. Quant à la deuxième, elle débute avec une ambiance atmosphérique à la Awesome K, puis enchaîne sur un solo qui lance définitivement un enchevêtrement de riffs qui ne marquent guère. Bref, deux entremets inefficaces et logiquement les deux moins bons de l’album. A oublier.
On rentre dès lors dans les mets de choix. 2) Puisque vient ensuite une cuisson saignante avec "Nemesis" et "Revelations". La sauce monte crescendo avec la première chanson, qui a fait l’objet d’un clip. On peut admirer l’étalage de tout le talent de Nathan Botelho, par l’intermédiaire de ses slaps enjoués et de son court (mais efficace) solo. Voici le moment propice pour causer du frontman. Dans l’absolu, Isaïe Massy possède des qualités indéniables, mais la mayonnaise ne prend pas toujours avec les instruments, car sa voix est souvent trop poussée. Sauf qu’ici, il bluffe tout le monde en sortant une voix à la Chris Baretto des meilleurs goûts. Calquée sur le slap, on cerne immédiatement l’influence des gars. De plus, l’utilisation de mineur harmonique donne une petite saveur orientale forte agréable. Quant à "Revelations", seule chanson dont les paroles sont disponibles sur la toile, on peut entr’apercevoir des chœurs tirant vers le chant clair, mais avec une voix volontairement criarde à tendance emo/post-hardcore, mais qui ne sont pas désagréables. 3) Pour finir, nous est livrée une cuisson à point avec les deux tueries que sont "Algorithms Of Omniscient" et "Psychic Cristallization". Les titres mettent déjà la puce à l’oreille : deux chansons totalement progressives et déstructurées, dont les rythmes sont faits de notes subtilement détachées, proches de celles du groupe de rap/djent anglais Hacktivist. Celles-ci sont délicatement saupoudrées avec parcimonie dans la première, dans laquelle on peut également admirer un clavier atmosphérique ressemblant comme deux gouttes de vin à celui de Make Them Suffer (présent aussi dans "Nemesis"). La deuxième vaut de l’or rien que pour son passage à partir de 1’53, mariage combinant à merveille un interlude atmosphérique avec arpèges à la guitare, avant que le clavier ne prenne le relais, accompagnée de la basse. Le chanteur vomit alors quelques paroles, puis le breakdown des guitares groovy retentit et transperce le cerveau.
En faisant la fine bouche, on pourrait même pousser le vice en allant en trouvant une quatrième cuisson afin de qualifier la dernière chanson éponyme comme étant « bien cuite ». En effet, Make Me A Donut a eu l’excellente idée de finir Olson avec la chanson éponyme. Et celle-ci fait nettement la part belle à cet opus. C’est une véritable cerise sur le beignet. Tout d’abord car c’est la plus longue à déguster (5’24), et surtout car elle se présente tout simplement comme étant la meilleure de cet album. Le mieux dans tout ça ? Elle est servie nature, sans accompagnement. Les instruments suffiront amplement à satisfaire vos papilles auditives. Un vrai régal, qui peut également être appréciée en qualité de dessert. Pourtant, et c’est à s’y méprendre, depuis leur EP éponyme datant de 2011, nos transalpins se sont considérablement améliorés. Fortement critiqués pour ce dernier – il vous suffit de chercher la chronique en question sur un autre site connu pour constater l’acharnement et les dégâts – ils ont su rebondir et ont pris la décision de modifier leur style de jeu. C’est ainsi qu’après un assez court laps de temps, (deux ans) est né Olson, nous faisant part d’une qualité de production indéniable. Mais elle ne peut être dissociée du travail de leur chef cuisinier, en la personne de Vladimir Cochet. Le gars jouit d’une excellente réputation en Suisse, puisqu’il est l’instigateur de six projets solos, ni plus ni moins. Sans oublier qu’il est à la tête des Conatus Studios et, par la même occasion, du label du même nom. Conatus Records a produit entre autres A Thousand Years Slavery, I, The Deceiver ou encore Voice Of Ruin, avec qui MMAD est souvent partenaire de tournée. En somme, Vladimir Cochet est un gars qui gère plutôt bien son affaire. Pourtant, c’est bien par l’intermédiaire d’un autre label suisse, Tenacity Records, que Make Me A Donut a sorti ce premier album.