CHRONIQUE PAR ...
TheDecline01
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-RMS Hreidmarr
(chant)
-Hugo Moerman
(guitare)
-Indria Saray
(basse)
-Jean « Winterhalter » Deflandre
(batterie)
-François Duguest
(claviers)
TRACKLIST
1) Les fiancées sont froides
2) La mer, les ruines
3) Le soleil et l'acier
4) Kaputt
5) Cinq
6) Sur les falaises de marbre
DISCOGRAPHIE
On peut penser ce que l'on veut de l'importance d'un titre d'album et de sa pochette, il n'empêche qu'un tel exercice réussi amène toujours curiosité et ouverture d'esprit sur l'oeuvre qu'ils portent. Sur ce point Sur les falaises de marbre a un cachet indéniable. La gravure centrale de Fortifem sur fond blanc est belle, mystérieuse, hideuse et marquante. Sur les falaises de marbre, cette phrase intrigue et dénote dans l'univers si policé finalement du satanisme du black metal. Bref, nous finissons notre première inspection remplis d'envie.
Glaciation est un problème sur la scène black metal hexagonale. Son premier EP 1994 a été une mouche à merde. Je m'explique. Si musicalement il n'y avait rien à redire si ce n'est cette dernière piste instrumentalement étrange, sa communication et ses méthodes de distribution auront laissé plus d'un circonspect, sinon énervé. Pas de support cd ni dématérialisé. Vinyle, cassette ou marche et crève. Elitisme quand tu nous tiens, tu nous broies les couilles et nous mâches le cerveau. Seulement on souhaitait un retour, on voulait un vrai album, on réclamait un nouvel hymne de black metal hautain et pur. Tout cela nous l'avons, ô que oui !, avec Sur les falaises de marbre. Nous l'avons et plus encore. Car si 1994 pouvait globalement se séparer en deux, d'un côté le black brut et brute et de l'autre l'anathème post rock shoegaze, Sur les falaises de marbre a l'intelligence bohème de fusionner les impressions. Entendre le break au saxophone sur "Les fiancées sont froides" interpelle et rassure, il n'y aura pas de césure coupable.
Surtout le chanteur de Bodie, invité, s'en donne à cœur joie sur le chant clair, particulièrement sur un refrain proche du magique, d'une intensité dérangeante et d'une nostalgie empreinte de beauté qu'on ne s'attend pas à entendre sur du black metal, qu'on ne voudrait pas entendre dans du black metal et qu'on, passez-moi l'expression exceptionnellement, surkiffe. Oui, on bave notre mère sur un sale refrain en chant clair alors que partout il y a masse riffs acérés de pur black metal qui font mal et qui tranchent. Seulement ces bourgeois bohèmes du XVIe ont réussi ce qu'on détestait déjà : rendre un black metal pédant et moderne absolument non-haïssable et incroyablement pur. Il faut se prendre ces blasts dans la tronche, manger les riffs comme chez mamie et saigner le chant râclé de RMS Hreidmarr. Glaciation en acceptant de totalement unir ses côtés passéiste et moderne frappe un grand coup, d'autant plus qu'il a un talent écrasant. Et ce refrain ! Ah ce refrain... On s'en pensait débarrassé, vidé de notre adulation pour de la beauté blanche, mais non, "Le soleil et l'acier" termine notre mutation en être de lumière sombre.
Alors certes le vocable paraît pompeux, présomptueux, exagéré. Il l'est très certainement. Mais voyez-vous, c'est le propre des grands albums, et la force de caractère de Sur les falaises de marbre que de faire perdre un certain sens de la retenue et oublier la toute-puissante objectivité. Ne vous inquiétez pas, ils reviendront sitôt l'écoute terminée et vous pourrez vous remémorer les mauvais passages du disque ou l'incongruité de la dernière piste. Sauf que sur le moment vous aurez été emporté par le flot impétueux de ce torrent de talent brut, brutal, abrupte et abruti. Comment diable ont-ils osé et transformé l'essai ? En tant que chroniqueur, j'ai envie de dire merci et bravo à Glaciation. Vous me l'avez bien fourré dans l'oeil et je vous en suis étonnamment reconnaissant.