Mourning Dawn est une bien curieuse formation. Fondé en 2002 par Laurent (Inborn Suffering), le projet demeure une one-man band jusqu'en 2005... Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, quand vient le moment d'enregistrer ce premier album, Laurent fait tout, tout seul. De la musique à la production, cet album est le fruit de l'esprit torturé de son géniteur.
Mourning Dawn fait dans ce style au sein duquel pullulent ô combien de formations actuelles, à savoir le black/doom. La recette est simple: on prend la noirceur du black, la tristesse (le mot est faible) et la lenteur du doom, on mélange savamment les deux et on obtient une musique des plus dépressives qui soient. Laurent ajoute à son joyeux cocktail une bonne dose de folie (argh, ce chant, ou plutôt ces hurlements à glacer le sang d'un vampire!), une pincée de dark ambiant ainsi qu'un concept original (du moins pour cette scène). Ce fameux concept, à savoir la première guerre mondiale auquel Laurent accorde un intérêt tout particulier, se manifeste d'une part par les paroles qui ne sont autres que des poèmes de soldats dont Wilfred Owen (que Laurent juge aussi talentueux qu'un Apollinaire) ou encore des samples d'enregistrements authentiques de l'époque insérés ci et là. Précisons à ce sujet pour éviter tout malentendu que ces samples ne sont nullement des bruitages d'armes à feu.
La musique offerte par Mourning Dawn suinte la désolation de par ses riffs sombres, lancinants, dégoulinants mais qui conservent pour la plupart du temps un certain sens de la mélodie mêlée au morbide. Ils guident l'auditeur vers les ténèbres, lui tenant la main, l'enjôlant presque mais finissent à coup sûr par l'y enfoncer la tête la première en compagnie de la boîte à rythme et du chant extrêmement dépressif. À ce sujet, ce dernier fait penser aux hurlements qu'on peut trouver sur Dictius Te Necare de Bethlehem; on n'a droit qu'à la folie et à la douleur mêlées à une colère toute légitime. Laurent se révèle tel une bête meurtrie qui hurle à la mort mais n'hésite point à agresser quiconque tente de l'approcher. Enfin, la production se fait étonnamment bonne au vu des moyens utilisés (un ordinateur et un 8 pistes). On pourrait dire, à titre de comparaison, qu'elle est bien plus claire que ce que peut proposer un Abyssic Hate mais également plus typée underground que celle du dernier Shining, par exemple.
Quant aux morceaux, mis à part l'intro et l'interlude, on trouve du relativement court (entre 6 et 7 minutes) et du long (entre 10 et 14 minutes). "From The Torrent And The Fountain", ou la pièce la plus longue de l'album, est assez monstrueuse dans son genre. Ce morceau commence en dark ambiant pour virer en suicidal black. C'est sombre, dépressif et désespérément occulte. Les riffs tourbillonnants ensorcellent, le chant meurtri déchire l'âme ou la trouble quand il n'est plus que spoken word et la boîte à rythme écrase l'auditeur lors de ses accélérations les plus dévastatrices. Au bout de 14 longues et succulentes minutes de souffrance, s'ensuit la mélodique "Grey Flood". Cette dernière se distingue par l'usage de samples pouvant faire penser à un manège hanté assez troublants, ainsi que par ses guitares mélodiques des plus envoûtantes. Enfin, un mot s'impose concernant "Verdun" qui conclut l'album d'une fort sympathique manière en détonnant avec le reste. Cette dernier titre instrumental où le côté ambiant est à son comble quitte la désolation pour faire dans le dérangeant et l'oppressant avec une réussite telle que l'on y réfléchira à deux fois avant de ré-appuyer sur play.
En somme, Mourning Dawn nous sert un fort bon premier effort qui les fera entrer probablement dans la cour des grands aux côtés de Shining, Deinonychus ou encore Abyssic Hate. Amis de la dépression, de la désolation et de l'auto-mutilation musicale, cet album est pour vous et réjouissez-vous: un autre est prévu en 2008 avec un vrai line-up (des membres d'Inborn Suffering, Ad vitam Aeternam ou encore de l'excellent Funeralium) et une production plus professionnelle.