Guttural est un groupe français, projet du bassiste/chanteur Ludovic Van Lierde. Ce dernier n'hésite pas à considérer sa musique comme du "heraldic metal", étiquette qui inclut à son travail la notion de respect (comprenez envers la nature), à la différence des stupides "epic metal" ou "hollywood metal". Sa musique est-elle donc si unique et singulière? Vaut-elle que l'on bouscule l'ordre établi? Serait-ce l'avènement d'un nouveau style de musique qui va enfin vivifier la scène française? Déchantez, lecteurs, déchantez: Guttural ne fait rien de plus que du heavy-metal tout ce qu'il y a de plus traditionnel, une batterie, une basse, deux grattes et une voix. Pas de fioritures donc, juste du heavy ultra-classique, et à vrai dire pas très classieux. Premier constat: celui qui a masterisé l'album est sûrement un petit génie.
Alors on essaie de se renseigner: ah tiens, son nom est dissimulé sur le boîtier de CD, par un artifice peu délicat. Etrange. La raison de cet engouement envers le responsable du mastering? Eh bien figurez-vous ma bonne dame que le son de cet album est tout simplement pourri. Que l'on parle batterie (caisse claire), guitares (leads malheureusement surproportionnés), ou voix (loin, très loin...), il y a vraiment de quoi de poser des questions. Est-ce voulu? J'en doute fort. Quoiqu'il en soit, le groupe a voulu frapper fort, en placant d'emblée un titre ultra-épique, limite progressif, constitué d'en fait quatre morceaux différents. En tout, dix-sept minutes, riches en parties instrumentales, qui pour être honnête ont du mal à passer. Les quelques lignes de chant sont hypra-frileuses, quelconques, rédhibitoires; les soli, pour rester courtois, ne sont pas exactement l'oeuvre de génies; et surtout, le son dessert complètement par sa piètre qualité ce genre d'acte de bravoure. A vouloir se faire plus gros que le boeuf... "The Fourlowing" n'a définitivement pas sa place ici. Il est directement suivi par un interlude, "Prologue", tout en claviers, à la Rhapsody, qui malheureusement ne démontre qu'un niveau de composition affreusement bas, si l'on doit comparer aux ténors italiens. Puis "A Star In The Rainbow" débarque, avec un riff à la Maiden. Un compliment: le chant se risque enfin à quelque chose de plus aigu et de plus agressif, très classique aussi certes, mais qui aurait été du meilleur effet si... on avait pu l'entendre.
Que c'est dommage. Surtout que si l'on regarde bien, on n'a pas grand chose à se mettre sous la dent avec Cross Words With Us: sept titres, dont deux instrumentaux - le deuxième étant l'épilogue "Vikand", le morceau le plus dispensable du monde -, un essai "thrashisant progressif" de dix-sept minutes indigérables, et donc quatre chansons heavy. On notera dans ce lot l'introduction tout de même monumentalement nullissime de "The Forgotten Isle Castle", qui restera dans les annales de la daube, et les parties instrumentales de "Mr Hypocrite & Miss Hatred", à mon sens les plus réussies de l'album (deuxième compliment!). Reste ensuite "Distant World", qui propose enfin un riff qui ressemble à quelque chose (du Judas Priest en l'occurence), avec un refrain passe-partout, certes prévisible mais toujours efficace.
Bon, et bien pas grand chose à rajouter... J'entends bien que ces gens ont galéré des années avant d'avoir l'opportunité de jouer leur musique, et pour y être parvenus ils méritent un coup de chapeau; mais malheureusement cela ne saurait tenir lieu de travail de qualité. Et de la qualité, ici, il y en a peu. On aurait voulu voir un groupe français décoller dans le secteur du heavy-metal, mais ça ne sera pas Guttural. En tout cas, pas avec cet album. Je dis non, dépité, et je le redis encore: non.