CHRONIQUE PAR ...
[MäelströM]
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
17/20
LINE UP
-Katerine Gierak (chant+guitare+orgue)
-Pierre-Antoine “Peter” Combard
(guitare)
-Pierre-Louis “Pilou” Basset
(basse)
-David Boutherre (batterie)
TRACKLIST
1)Reste Là
2)Ce Sent L'Eté
3)Ca Me Vexe
4)Le Cul Entre Deux Chaises
5)Creve
6)Grimper Tout La Haut
7)Jalouse
8)Fringue Par Fringue
9)A L'Ombre
10)A Côté
11)Plus Le Coeur A Ca
12)Final
DISCOGRAPHIE
(2006) -
rock
français - Label :
EMI
Alors que ma carte bleue est vide et que la morosité est de rigueur dans les soirées populaires : voilà que Mademoiselle K propulse un premier album qui prend autant le contre-pied de la niaiserie chansonnière environnante que du rock pseudo-Noir Désir. Si vous en avez marre des Bobos nostalgiques, si vous en avez marre des Rockeurs avec des cannes, si vous en avez marre de vous emmerder en observant le PMF, Ça Me Vexe est le disque que vous attendiez. Et en prime : pas de duo avec Carla Bruni ! Que demande le peuple ?
« Spécial dédicace : A tous les gros bouffeurs de glace ! »
Dès la pochette (maou !), on sent qu’on n’est pas tombé sur n’importe qui. Le groupe (car il s’agit avant tout d’un groupe) Mademoiselle K choisit de commencer les hostilités rock avec une surprenante ballade : “Reste Là”, variation sur “Where Is My Mind?” feat. Brigitte Fontaine. En 2 minutes, le ton est posé : ferveur, personnalité, ironie. De la musique de garce, du son pour les gamines boudeuses qui loupent leur CAPES et décide d’en faire une chanson revancharde à mourir de rire (“Ça Sent l’Eté”) ; de la vibe pour les pleurnichardes incurables qui geignent sur leurs minables problèmes de misère sentimentale (“Jalouse”) ou pour les collégiennes revanchardes qui en ont marre que les mecs préfèrent les blondes à gros nénés (“Ça Me Vexe”), le tout branché sur du Fender, de la fumée artificielle et des larsens oldies comme on désespère d’en voir en France. Tout y passe, des Stones à Nirvana, des Cure à Radiohead, jusqu’à Mahler ou Jean-Louis Murat.
« A tous ceux qu’ont pas voulu que j’réussisse ; J’vous préviens j’vais compter jusqu’à six : Un-deux-trois-quatre-cinq-six ! »
Mademoiselle Katerine relève le défi que peu arrivent à transcender : chanter le rock en français sans avoir l’air ridicule ! Merci, ça nous changera de Luke ou Saez. Et si ce n’était que chanter… Combien de disques vous provoque une érection à la simple écoute d’une chanson ? Quel crescendo plus magnifique de sensualité que ce “Fringue Par Fringue” où on se sent, pour les quelques deux minutes qui passent trop vite, totalement enveloppé dans un brouhaha érotique rehaussé par des harmonies à mourir ? On sent d’ailleurs une forte propension à taper dans la fausse lassitude lascive, récitant d’un ton blasé une liste d’échecs sans fards, ce qui lui donne une sensualité émoustillante (mais oui t’es bonne, Katerine) et, accessoirement, qui lui permet de contraster et de mieux exploser dans les refrains une rage justifiée : on ne l’invite pas dans les soirées ! Trop dur pour elle…
« Regarde : comme tu me manques ! Je fantasme nuit et jour ; A force de plus faire l’amour… »
Mais n’allez pas croire que ce ton blasé dégage une quelconque platitude : le soin apporté aux compos du groupe est ahurissant tant il paraît simple (et même simpliste) au premier abord. On a souvent pointé les tendances classiques et baroques de certaines finesses (fioritures ?), il n’y a pas besoin d’avoir beaucoup étudié la musique pour s’apercevoir que ça vient de bien plus loin. Maîtresse dans l’art des intro’ (“Crève”,“A l’Ombre”) comme des outro’ (“Fringue Par Fringue”,“Final”), décelant avec finesse la moindre petite note-qui-tue qui fera passer un morceau assez banal pour du Elvis Presley. Une fois de plus, on sent les compositions taillées pour le live. Le groupe semble tellement assuré qu’il se permet tout et n’importe quoi, et n’hésite pas à sortir un morceau aussi étrange et planant que “Grimper Tout Là-Haut”, sorte de bouffée contemplative – ou de prière de rappel – qui fait figure d’OMNI sur le skeud. Et une fois de plus, la fougue paye et le résultat en vaut la chandelle.
« Va t’en ! Crève ! Tu mérites même pas l’enfer ; Crève ! Crève ! Tu mérites même pas cette chanson ! »
En plus d’une maîtrise musicale hors du commun – on sent rapidement que les musiciens ont d’immenses capacités qu’ils sous-exploitent volontairement – miss Katerine a soigneusement fignolé sa plume, le mélange d’humour et de pêche est d’une communicativité rare et on frémit à chaque moment fort de faiblesse. Des moments d’amertume pour le rageur “À l’Ombre” ou d’auto-règlement de compte in “ Le Cul entre deux Chaises”. Faiblesses que la femelle ouvre quand le mâle invente des raisons de se justifier. Le problème étant que ces moments soient nombreux – et on finit par passer son temps à trembler. Heureusement, Mademoiselle K sait d’elle-même se re-calibrer et nous sortir aussi des morceaux plus moyens. Je commençais à avoir peur ! Bon… rien de très sérieux ici, seule “À Côté” qui ne vaut que pour ses refrains et “Plus le Cœur à Ça”, constat on the rocks sur le nouvel opium du peuple qui tribule sous trop de fausse pudeur.
« Si tu veux rester dans l’affaire, Y’a des sacrifices à faire, Qu’on ne refuse pas ! »
Et à l’époque où les chiennes de garde semblent dicter la nouvelle conduite féminine, Mademoiselle K démontre que la meilleure méthode pour féminiser le monde est encore d’assumer sa vaginite. Mademoiselle K annonce clairement son groupe comme un incontournable phénomène de scène (extraordinaire “Final”) à voir dès que possible. Et puis qu’importe ! Même plus besoin de commentaires ! Car quoi qu’il en soit, on écoutera cet album différemment. Il y a là-dedans tant de personnalité (disque français oblige) à savourer ; tant de musique (disque anglais oblige) à explorer ; tant de raisons (groupe mixte oblige) d’aimer… Je ne sais plus où arrêter ma dithyrambe avant de devenir ridicule alors allez-y ! Ne serait-ce que pour la pochette. Les rockeuses françaises sont trop rares pour être oubliées ; et en plus ce disque donne furieusement envie de butiner…
« Pourquoi vous êtes venus ici ? Pourquoi vous êtes restés ? C’est qu’ça vous a plu ? Est-ce que ça vous a plu ? Est-c’que vous r’viendrez ? Est-ce que vous reviendrez ? »
Indéniablement… Oui.