2001. Progmusic, 15 ans, rédige pour ciao.fr des chroniques de disques dont la moyenne de note n’excède pas les 4,8 sur 5. Sa passion, c’est le progressif, parce que les morceaux sont longs, compliqués, et qu’il y a plein d’envolées instrumentales et que ça change radicalement des robinets à clips où il s’abreuvait auparavant. Très vite, il entend parler d’un groupe, les Flower Kings, qui seraient les nouveaux champions de ce mouvement, acclamés par la nouvelle communauté progueuse. D’ailleurs, on annonce la sortie imminente d’un nouvel album de 77 minutes (joie !), intitulé The Rainmaker. Progmusic accourt se procurer ce futur chef-d’œuvre… et il est évidemment conquis, dès la première écoute. Et puis… ce nom, c’est quand même la classe absolue, n’est-ce pas ? C’est décidé : à partir d’aujourd’hui, progmusic se fera nommer Flowerking !
2007. Votre serviteur kiffe toujours son pseudonyme, en revanche cela fait quelques temps qu’il a reconsidéré son avis sur la formation qui le lui a soufflé. Et quand vient l’heure de reposer ce Rainmaker sur la platine, il prend peur… Clarifions les choses : les Flower Kings n’ont rien d’un groupe irrécupérable. Si on ne leur accordera jamais le prix de l’inventivité, ni du rapport qualité/quantité, ils furent, dans leurs jeunes années, une formation passionnée, vivace et agréable, capable de fulgurances mélodiques dans lesquelles on pouvait se perdre sans ressentir de frisson coupable. Des longueurs, d’accord, mais pas de démonstrations pesantes ou de fautes suprêmes au bon goût. Mais alors que les Rois des Fleurs entrent de plain-pied dans le siècle nouveau, les choses changent. Le frère de Roine Stolt parti, les bougres vont mettre leur sensibilité pop de côté pour tenter de nous montrer qu’eux aussi, savent jammer et riffer comme des grands. Vous l’avez compris : c’est raté.
Il y a un problème à la base : Roine ne sait pas riffer. Soliste appliqué et consciencieux, il est systématiquement à côté de la plaque lorsqu’il s’agit de faire parler la poudre, d’autant plus que le son FK est l’antithèse de l’agressivité. Or, "Last Minute On Earth", le premier d’une longue série d’ « epics », s’ouvre sur… un riff, qui se voudrait lourd et carnassier mais dont la banalité ne provoque qu’un haussement d’épaules. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant : s’ensuit une section vocale d’une pompeux déplacé, qui s’enchaîne sur… une jam en carton ! Et Bodin d’utiliser les dissonances à tort et à travers… dites-donc, les mecs, ça part mal, votre affaire, là. Puis, d’un coup, un grand moment : une minute en suspension dans le temps, portée par les voix croisées de Stolt et Froberg et un Jonas Reingold enfin pertinent (profitons-en, ça ne va pas arriver souvent sur ce disque). Puis on s’enfonce de nouveau avec le retour du riff bêta, pour ne plus ressortir la tête de l’eau jusqu’à la fin.
Et c’est pareil pour les autres grosses pièces : on retrouve un instant magique qui surnage dans un océan de médiocrité. La 1ère partie chantée de "Road To Sanctuary" laisse augurer du meilleur avec, une fois n’est pas coutume, un riff prenant, qu’entrecoupe la voix chaude et judicieusement agressive d’Hasse Fröberg… ensuite, le morceau se ramasse pour de bon, sachant qu’il reste dix bonnes minutes au compteur. Joie. La section médiane de "Serious Dreamers", majestueuse et 70’s en diable, est certainement le meilleur moment du disque, sauf qu’avant et après ça, il faudra subir le groupe s’essayant à un ersatz de soul music… et les Flower Kings faisant de la soul, c’est à peu près aussi pertinent que Stevie Wonder se mettant au thrash metal. Une horreur. "City Of Angels", décalquage total des grands maîtres du genre, est l’exception à la règle, et saura déclencher l’enthousiasme de ceux qui sauront faire l’impasse sur son caractère ouvertement régressif.
Il y a aussi les morceaux courts ! N’en parlons pas : à part la bien menée "World Without A Heart", c’est la cata. On s’arrachera les cheveux pour trouver quelque chose susceptible d’attirer l’oreille sur "Thru The Walls" ; en revanche on n’oubliera pas l’offense qu’elle a subie à l’écoute d’"Elaine" ou "Sword Of God". La première se veut un morceau pop léger, sauf que Stolt a oublié d’y inclure une quelconque mélodie et que Reingold y est INSUPPORTABLE du début à la fin, surtout la seconde partie qui se métamorphose en une instru fusion fumeuse. La seconde est une tentative de hard-rock bien gras complètement à la ramasse, avec, devinez quoi ? Un riff tout plat, oui, plus l’ami Fröberg qui en fait des kilo-tonnes à s’époumoner, tant et si bien qu’on s’esclaffe d’abord, avant d’être franchement irrité. Et ne comptez pas sur les instrumentaux pour rattraper le coup : le morceau-titre est une repompe éhontée de Camel, tandis que le binôme "Blessing Of A Smile" – "Red Alert" ne dépasse pas le stade de l’interlude sympathique.
À force de vouloir jouer les durs et d’en rajouter dans la démonstration, les Rois des Fleurs se sont perdus en route. Preuve en est, cet album pénible, parasité par des musiciens plus bavards qu’à l’accoutumée (encore une fois, merci pour tout, Jonas) mais sensiblement moins inspirés.