Jour
2
:22 juin 2019
Le soleil s'invite enfin pleinement en cette deuxième journée d'été. Chacun espère plus ou moins que Phébus ne dégommera pas les festivaliers comme durant l’avant dernière édition (avec le recul, la semaine suivante aurait été bien compliquée à manager). L’armée des Eternels est déjà sur site, prête à profiter des différentes scènes et à vous faire partager ses émotions.
Altar - 10h30 - 11h00 : DAWN OF DISEASE
Aux Allemands, dont le registre colle parfaitement à la scène de l'Altar, de débuter le jour 2. Devant un public déjà conséquent, le groupe de death metal teuton propose une majorité de morceaux issus du
dernier LP datant déjà de 2017, à savoir "Akephalos" ,"Leprous Thoughts" et "Perimortal", ainsi que "Ashes" de l’avant dernier album,
Worship The Grave, un titre ayant échappé à votre chroniqueur. Ces compositions des plus mélodiques et dynamiques, avec un son honorable, font parfaitement le job du band opener. Tomasz Wisniewski et ses comparses goûtent leur chance et lâchent quelques sourires une fois le premier titre passé. Punchy et plein de vitamine, le petit dej' sous l'Altar est consommé et Dawn Of Disease fait office de bon ami de table.
Temple - 11h05 - 11h35 : SHAÂRGHOT
Entrez sous le dôme du tonnerre et laissez place aux groupes Mad Max, dont la musique inspirée des valeurs sures des cousins
Punish Yourself, Rob Zombie, Rammstein et même de
Manson à ses débuts, est totalement sublimée par un univers et une iconographie finement travaillés et mis en scène très justement. Avec un ton décalé et la juste dose d’humour, les titres puisés dans le dernier EP en date et l’album du combo, vont dynamiter le public. Cette fois, malgré l’heure, la Temple est bien dense; autant de curieux que de réels fans du groupe. L’aventure
Shaârghot peut commencer ! L’ambiance est énorme dès l’intro et la troupe peut installer tranquillement son set narrant vaguement l’histoire de la lutte du peuple contre l’oppresseur capitaliste. Le metal indus fonctionne ici tellement bien que ce n'est pas un, mais bel et bien trois énormes walls of death qui ponctuent le set des Franciliens. "Break your Body" emporte tout le hangar et son public qui gigote et saute au son des blast indus du titre et de son refrain facilement retenu. Ajoutons à cela quelques pyrotechnies bien senties, notamment au moment de l’arrivée des deux faucheuses avançant en saccade au rythme de la musique, et qui mettront d'ailleurs un point final au set. Un set si court finalement, tant il fut maîtrisé, agréable à voir et à entendre. Définitivement l'une des meilleurs prestations musico-scéniques du weekend !
Mainstage 02 - 11h40 - 12h10 : SKINDRED
Skindred, c'était un souvenir énorme il y a deux ans. Le genre de concert qui met de bonne humeur pour toute une journée. Et cette année, ça n'a pas loupé. Programmé plus tôt qu'il y a deux ans, mais précédé aussi par une aura de bêtes de scènes, les Anglais arrivent en fanfare avec la "Marche Impériale" de
Star Wars et sous les cris d'un public déjà chaud bouillant. Oui, mais pas autant que Benji Webbe qui pète le feu, se pavanant partout sur la grande scène, relançant régulièrement le public: il est la star de ce show avec son côté bling bling, ses lunettes de soleil et ses harangues au public. Niveau musique, le groupe n'a pas beaucoup de temps et va direct dans l'efficacité avec les titres les plus puissants des albums récents. "Sound The Siren" fait déjà se trémousser et sauter les festivaliers, tout comme "Rat Race". Mais le concert décolle vraiment avec un "That's My Jam" d'anthologie. Benji Webbe divise l'immense fosse en deux et fait chanter d'un côté le refrain («
That's My Jam ») et de l'autre «
Ouh Ouh ». Le résultat est garanti, le chanteur joue son rôle de chef d'orchestre comme un pro et tout le monde s'éclate. S'ensuit l'inévitable, mais ultra efficace "Kill the Power" où le groupe y incorporera un peu de Prodigy, rajoutant encore plus de groove à un concert qui n'en manquait pourtant pas. Mais un set de Skindred ne pourrait exister sans un final sur "Warning", où l'ensemble de la fosse est invité à enlever son t-shirt, s'asseoir puis jumper lors de la reprise du morceau tout en faisant tournoyer le-dit t-shirt. C'est complètement con, mais efficace. Résultat, même si la prestation se révèle plus courte qu'à l'accoutumée, la dose de fun y demeure extrêmement élevée: encore une fois Skindred ne fait que confirmer son statut de bête de scène.
Altar 11h40 - 12h10 : CYPECORE
Difficile pour les Allemands de passer après l’apocalypse qui vient d’avoir lieu à l’instant sur la scène voisine où Shaârghot
a fait l’unanimité auprès du public. C’est donc un parterre plus timide qui attend le début du set des cyber
Cypecore. Pourtant sur le papier tout porte à croire que le groupe a de quoi séduire les festivaliers. Après quatre sorties d’album totalement indé en dix ans, le groupe – qui propose un death metal à l’approche très industrielle, avec un concept essentiellement futuriste et apocalyptique - est convié à jouer à Clisson. Officiant dans un style très épuré, et ce jusqu'au backdrop, le groupe débute son set sur " The Alliance", tiré de l’album éponyme. Un repère pour le public qui ne semble pas trop connaître le registre. Seuls des titres des deux derniers LP seront proposés, avec quelques interventions du leader. Doté d'un son pour le moins respectable, mais sans forcément faire décoller le pit, le groupe restitue malgré tout honnêtement sa musique. Finalement, une fois tous les titres joués dans le temps alloué et les applaudissements et sifflements de remerciements envoyés par le public, l'Altar se vide rapidement et le combo remballe. Au suivant ! Il n’y a pas plus à en dire.
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Mainstage 01 - 12h15 - 12h45 : FM
Après le concert de folie que les Anglais de
Skindred ont offert, il fallait bien - là aussi - faire retomber la pression. C'est donc une Mainstage 01 bien moins remplie que
FM investit. Dans le circuit depuis les années quatre-vingts, les Britishs proposent un rock AOR de bonne facture, avec de très plaisantes mélodies de guitares et beaucoup, beaucoup de couleurs. C'est très simple, en voyant le groupe jouer son rock sympathique plein d'entrain, on se demande pourquoi celui-ci a été programmé au Hellfest. Et pourtant, avec un soleil radieux, une herbe encore assez verte et un besoin de faire une pause, FM est idéalement placé. Alors on regarde, posé par terre et sirotant une bière, Steve Overland et sa bande égrener leurs morceaux. On sourit, parce que malgré tout, ça respire la bonne humeur et on se dit qu'on est bien. D'autant que Steve chante bien, Jim Kirkpatrick fait des soli de guitares ultra mélodiques qui sonnent à la perfection. Mais, allez vous me dire, qu'ont-ils joué ? Eh bien, surtout des morceaux de leurs trois derniers albums et, forcément, "I Belong To the Night" et "That Girl", de leur tout premier disque
Indiscreet, histoire de contenter à la fois les nouveaux et les vieux fans. Ainsi, tout le monde ressort content de ce concert hors du temps, les batteries rechargées pour le reste de la journée.
Altar - 12h50 - 13h30 : TREPALIUM
Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y a du monde, beaucoup de monde pour le retour de
Trepalium sur le parterre clissonais (le groupe avait déjà joué à l’édition FuryFest en son temps). C’est Renato Di Folco, notamment leader de
Flayed, qui officie maintenant au chant. La tessiture du vocaliste se prête magnifiquement au registre du combo qui a su trouver un remplaçant de choix à «
KK » Punda au micro. Tout le monde est déjà sur scène quand débute le set, largement porté par des hurlements soutenus, alors que l’intro n’a pas retenti. La bonne humeur globale va ainsi aider le groupe à dérouler la setlist préparée pour l’occasion. Avec deux nouveaux titres ("Everything is gonna be ok" et " …To The Sun") s’insérant parfaitement dans une sélection piochant dans l'ensemble de la discographie du groupe, Harun Demiraslan et ses compères vont sévèrement remuer la fosse qui n’attendait finalement que ça. Entre danse sur place, sauts, furieux circle-pit et un très conséquent wall of death préparé sur un "Moonshine «
fucking » Limbo" de feu, suivi d’un "Damballa's Voodoo Doll" dynamité, les festivaliers passent successivement de l’état :
« je suis heureux! Je suis super heureux ! » à « je suis hystérique!!! je suis Trepaliumé pour la journée !!! » (Si Si). Bienheureux celui présent sur Altar qui ainsi peut débuter l’après-midi de ce deuxième jour sur une overdose de dopamine et sérotonine musicales. Vivement le nouvel LP !
Altar - 14h20 - 15h00 : ALLEGAEON
Dans la tente du Death metal débarquent maintenant les Américains d'
Allegaeon. Forts d’un
dernier album en tous points excellent, Greg Burgess et ses comparses comptent bien marquer le coup à l’occasion de leur premier passage en terre clissonnaise. Pourvu d’un son assez bon pour l’Altar, le groupe va déchaîner sa frénésie technique devant un public friand et motivé. Logiquement, les morceaux d’
Apoptosis sont à l’honneur, et passent parfaitement l’épreuve de la scène. Les musiciens font preuve de toute la technique qu’on leur connaît, les notes déferlent de partout, les têtes remuent au rythme des soli supersoniques et des rythmiques brise-nuque des huit-cordistes, la basse sait se faire entendre, et la batterie tabasse cordialement. Riley McShane n’est pas en reste et gratifie l’auditoire d’une prestation vocale de haute volée. Les morceaux s’enchaînent et Allegaeon
clôt de fort belle manière les débats avec son «
tube »"1.618" issu de
Elements Of The Infinite, qui achève de mettre tout le monde d’accord : pour une première, c’est sacrément réussi ! Revenez quand vous voulez, les gars !
Mainstage 02 - 14h20 - 15h00 : THE FEVER 333
Curiosité déjà récemment aperçue en première partie de
Bring Me The Horizon, le trio
Fever 333, pourtant sorti de nulle part, fait pas mal le buzz en ce moment. Tentons de rapidement décrypter le phénomène. Niveau style, on se trouve sur un mélange de punk dans l’esthétique et la démarche, et de hip-hop métallisant. Clairement, la formation joue la carte «
rapcore » à la
Rage Against the Machine, formation encore dans toutes les mémoires, avec une débauche d’énergie et une subversion affichée de façon flagrante qui rappelle évidemment la formation de Tom Morello. Mais, et c’est pourtant là où le bât blesse en premier, tout est si ostentatoire dans le groupe qu’on finirait presque par se demander quelle est la part de marketing et quelle est la part de véritable sincèrité dans la choucroute ? Sans remettre en cause les convictions des membres sur les thèmes de l’anti-racisme, l‘anti-sexisme, l’anti-armes à feu, etc… on a bien souvent l’impression que les musiciens sont davantage en train de manifester que de jouer de la musique ! Sur ce dernier point, on reste sur du très très convenu alors que le public semble n’avoir d’yeux que pour les gesticulations du frontman hystérique Jason Aalon Butler. Alors oui, clairement ça bouge à fond sur scène, ça fait bouger à fond la fosse, mais on émettra une grosse réserve sur la qualité musicale pour le moment !
Altar - 16h00 - 16h40 : ARCHSPIRE
Relentless Mutation avait véritablement bluffé tout le monde à sa sortie et permis aux Canadiens de
Archspire de franchir un nouveau cap dans les grosses maisons du techno death. Aussi, beaucoup de monde se presse maintenant devant l'Altar pour voir et entendre, non seulement les virtuoses basses / batteries / guitare, mais aussi et surtout les prestations vocales hallucinantes dont est capable Oli "shotgun vocal" Peters. L’heure à suivre s’annonce superbe, déjà parce que les musiciens sont en place, semblant attendre quelque chose, et que le growler arrive sur scène feignant une réelle colère en demandant plus de temps pour la balance, puis de sortir en punchline du jour: «
mais non on déconne ! On n'est pas ces *sacripants* *bip* bip* de Manowar! ». Le hangar est hilare et c'est parti pour la bagarre ! Pour n’avoir pourtant pas aimé du tout la production de
The Lucid Collective à sa sortie, votre serviteur fait pénitence durant le récital. Seul l’opener "Lucid Collective Somnambulation" dudit LP sera joué en fin de parcours et s’inscrira parfaitement dans la setlist composée, pour le reste, uniquement de
Relentless. On aurait même pu rêver d’un "Fathom Infinite Depth" façon live, mais le set apporte son lot de satisfactions. Seul "The Mimic Well" ne sera pas joué. Le set débute par "A Dark Horizontal", suivi de "Calamus Will Animate" en tour de chauffe. On se dit que le groupe nous ballade et va jouer le LP à l’envers, mais à tort puisque il mêlera les titres ensuite. Le public est rapidement sonné et encaisse l’ultra groove du registre, très technique au demeurant. Les vocaux sont tout simplement à la hauteur des versions studios, avec une profondeur cette fois bien plus organique que les mix. Le registre n’empêche pas l’humour - Peters baladera un cube «
applause » au-dessus des solistes lorsque ces derniers s’exciteront sur leurs parties individuelles. L'Altar ne s’y trompe pas : le set pourrait se prolonger avec quelques titres de plus, tant l’énergie positive, la musicalité et la technicité proposées par le groupe suscitent l’adhésion d'un public qui acclame longuement les musiciens et son gueulard en fin de concert. Superbe !
Altar - 17h40 - 18h30 : MOONSPELL
Moonspell fait désormais partie des groupes indispensables du metal gothique, enchaînant les albums et les prestations scéniques de grande qualité. Et c’est donc en cette fin d’après-midi que les Portugais vont officier. Fernando Ribeiro arrive sur scène déguisé en Undertaker sur les notes de "En Nome de Medo" qui introduit leur dernière œuvre,
1755, dont l’excellent morceau éponyme suivra. Rythmiques lourdes, voix rugueuse de Ribeiro, claviers lancinants, l’ambiance est posée et le public apprécie. Le son est bon, le groupe, comme à son habitude, fait preuve d’une énergie communicative sur scène, et le leader interagit en français comme en portugais avec ses fans entre les morceaux. On savoure d'autant plus que, outre les derniers morceaux en date,
Moonspell distribue quelques classiques issus de sa discographie prolifique. C’est ainsi que les toujours efficaces "Opium", "Breathe" et "Almah Mater" ravissent les habitués comme les néophytes, et que la lancinante et puissante "Full Moon Madness" clôture le set des Lusitaniens de majestueuse manière. Une prestation de grande classe, pour un groupe qui n’en manque pas.
Valley - 19h40 - 20h40 : THE OCEAN
Il y a des fois où ça ne veut pas. Votre serviteur avait beau attendre le set de
The Ocean de pied ferme en fan de la première heure, ça n’a pas empêché cette fois-ci la mayonnaise de ne pas prendre. La faute à quoi ? Et bien, difficile à dire… Le son a beau être assuré d’une main de maître par Chris Edrich, peut-être manque-t-il toutefois d’un peu de peps?... Toujours est-il qu’un ennui s’installe progressivement et ce dès les premières notes, jusqu’à un départ anticipé du concert par excès de frustration. On aurait envie de faire porter le chapeau à la setlist, pas vraiment punchy, c'est le moins que l’on puisse dire. Peut-être avons-nous un peu rapidement oublié la semi-déception qu’a été le dernier effort en date
Phanerozoic I: Palaeozoic… ? Ou bien avons-nous perdu nos marques depuis la dernière tournée consacrée au classique
Precambrian interprété en entier ? Ou encore, est-ce le fait de n’avoir jamais vu la formation de jour (bien que sous tente) en festival open air ? Probablement un peu de tout ça au final. Mais débutant lentement sur "Cambrian", un titre en montagnes russes avec finalement pas mal d’accalmies, difficile de rentrer à fond dans le set. Même si le morceau suivant, "Ordovicium", est plus pêchu, on n’est pas sur du gros niveau d’énervement non plus. Et quand s’en suit le trop classique et convenu "Firmament", sa longue montée et son refrain lancinant, c’est la goutte d’eau… Alors oui, The Ocean n’a jamais eu l’efficacité d’un groupe de thrash ou de death, mais n’oublions pas qu’un album comme
Anthropocentric contient son lot de brûlots ; dommage donc qu'il semble si boudé des setlists récentes… En résumé, trop de titres longs et mollassons pour un début de set… Et il paraît qu’ils vont continuer sur le dernier album…. On me glisse dans l’oreillette qu’au même moment Candlemass
est au top. Un coup dans l'eau pour votre serviteur.
Temple - 20h45 - 21h45 : JO QUAIL
Au départ,
Jo Quail ne devait pas être là. Au départ, c'était
Myrkur qui devait jouer en ce début de soirée dans la Temple. Oui, mais Amalie Brunn a annoncé sa grossesse en ce début d'année 2019 et ne pouvait donc pas assurer le spectacle pour cette édition. Qu'à cela ne tienne, une violoncelliste anglaise vient donc à la rescousse du Hellfest.
Jo Quail, qui joue seule devant un public assez peu nombreux, mais incroyablement bienveillant. Peu habitué aux concerts de metal,
Jo Quail s'en amuse tout en restant un peu intimidée par l'assemblée de barbus qui l'observe. Et pourtant, malgré ses nombreuses excuses face à ses morceaux qui ne fonctionnent pas exactement comme elle le voudrait, les longues compositions et son violoncelle emportent l'approbation du public. Car ici, on s'approche davantage d'un post rock ou de musiques de films avec des morceaux très lents qui se construisent au fur et à mesure des couches posées les unes sur les autres. Cela donne un spectacle assez envoûtant et impose le respect pour cette musicienne solitaire nimbée par des lightshows bleus. Ici, pas de headbangs, pas de wall of death, La curiosité du festivalier le pousse au silence, mais il n'en oublie tout de même pas d'applaudir chaleureusement l'artiste. Pour le dernier morceau (sur quatre !), est faite annonce de quelque chose d'inédit pour elle: jouer accompagnée par un batteur. Et ce dernier titre fonctionne à merveille, la venue du batteur apporte de l'intensité à de nombreuses parties, poussant la musicienne à se lâcher davantage, poussant encore la fosse à taper dans ses mains. Le concert s'achève, les membres du public sont conquis et hurlent leur joie tandis que la violoncelliste salue l'assistance, visiblement très émue par ce moment. Une expérience qui restera gravée pour ceux qui l'ont vécue. D'ailleurs, l'artiste jouera en décembre avec
Mono, preuve que la rencontre avec des chevelus de tous poils lui aura bien plu.
Valley - 21h50 - 22h50 : ENVY
Il y a de ces concerts qui vous foutent des frissons, qui vous transcendent, parce que les types se dépassent, parce qu'on voit dans leur regard qu'ils sont heureux d'être là.
Envy fait très clairement partie de cette catégorie. Devant une Valley bien remplie, les Japonais livrent un show époustouflant. Avant même leur entrée sur scène, le public retient son souffle. Il faut dire que les musiciens du Soleil Levant n'étaient pas revenus depuis 2015 - ils avaient, lors cette édition, offert un
show bien trop court pour être pleinement satisfaisant. Alors, dès les premières notes de "Chain Wandering Deeply", la folie se déchaîne déjà. Les guitares cisaillent l'atmosphère par leurs riffs, produisant un mur de son envahissant, entêtant. D'ailleurs, les gratteux ont un jeu à la fois drôle et énergique: Nobutaka Kawai, Yoshi et Yoshimitsu Taki secouent régulièrement leurs guitares de tout côté, font des poses, des mouvements saccadés et s'agitent pas mal. On a parfois l'impression d'une caricature de combo de rock japonisant mais, étonnamment, cette débauche d'énergie colle avec la folie du concert. Après un premier titre mêlant frénésie et envolées lyriques, le groupe revient à des titres plus lumineux et plus récents avec "Marginalized Thread", issu de leur dernier E.P., et la très aérienne "Footsteps in the Distance". Et c'est avec ce morceau mixant spoken words, chant plein de douceur et riffs imparables que l'on voit toute la poésie de la formation. Nimbé par des lumières jaune-orangées, Tetsuya Fukagawa hypnotise la fosse avec ses poses improbables et son investissement total dans son chant, mais aussi lorsqu'il se met au piano. L'homme est incroyablement touchant, charismatique, descendant à plusieurs reprises de la scène pour s'amuser avec le public, souriant constamment et chantant impeccablement. On sent le plaisir que le groupe prend sur scène. Pourtant, Envy ce n'est pas que de la poésie et les Japonais montrent aussi qu'ils n'ont rien perdu de leur hargne avec les coups de butoirs de "Two Isolated Souls" où se mêlent les hurlements et spoken words de Tetsuya et les frappes chirurgicales d'Hiroki Watanabe. Mais le set reste au final un vrai moment de poésie avec des morceaux comme "Scene" dont le post-rock très calme se brise sur des cris déchirants. Les frissons sont permanents, que ce soit dans ces moments de grâce pure (la sublime "Dawn and Gaze"), ou ces accès de rage (l'incontournable "Left Hand"), les Japonais savent parfaitement alterner les couleurs pour le plus grand plaisir des festivaliers. Alors, que demander de plus ? Terminer sur un morceau culte déchaînant toute la violence, histoire de finir rincé par tant d'émotions agitées ? Et bien ce sera chose faite avec la courte mais intense "Farewell to Words". Le public headbangue, se bouscule, le chanteur hurle puis descend dans la fosse. La folie se déchaîne une dernière fois et c'est sous un tonnerre d'applaudissements que le groupe salue son public et vient même lui taper dans les mains. Signe que ça aurait pu durer toute la nuit et plus encore. Peut-être bien le meilleur concert du festival. À très vite, Envy!
Temple - 22h55 - 23h55 : CRADLE OF FILTH
N'y allons pas par quatre chemins,
Cradle of Filth s'est longtemps traîné la réputation de
très mauvais groupe en live. Mais le bruit court, depuis quelques années maintenant, que les choses ont changé et leur avant dernier passage parisien aux côtés des excellents
Ne Obliviscaris a de quoi nous conforter dans ce jugement. Ce set, votre serviteur n'a pu y assister malgré une promesse plutôt alléchante, à savoir l'album culte
Cruelty and The Beast interprété dans son intégralité pour son vingtième anniversaire. Et patratras, alors qu'aucune annonce particulière n'était faite pour cette venue au Hellfest, c'est tout logiquement que la même formule sera déroulée en version abrégée pendant la première moitié du set. La performance est toutefois assez lourdement entachée par un son loin d'être à la hauteur, avec tout particulièrement une batterie immonde (tout comme sur l'album me direz-vous, oui, sauf qu’a priori sur scène c’est rarement volontaire). Quant aux guitares, ça va ça vient, parfois noyées, parfois bien distinctes... Celui qui ne passe pas inaperçu, c'est évidemment ce bon vieux Dani, aux cris perçants qui font facilement perdre un dixième d'audition à chaque occurrence. Le bougre sature le spectre sonore à chacune de ses éructations, ce qui est là encore bien dommage pour le rendu global. On redécouvre malgré tout la légende de la princesse Bathory, non sans nostalgie de son adolescence. Étape incontournable de la formation au metal extrême de votre reporter,
Cruelty and the Beast n'a pas su lui rester fidèle au fil des ans, la faute à des compos à rallonge, alambiquées au point de manquer bien souvent de cohérence et sans véritable tube accrocheur (hormis le bien connu "Beneath the Howling Stars"). Et c'est fou comme on se trouve à réitérer ce jugement dix ans plus tard, les mêmes critiques étant toujours de mise. Au final, si la bande à Dani Filth est devenue d’évidence moins ridicule sur les planches qu'elle ne le fut naguère, cette prestation ne sera pas non plus des plus marquantes.
Valley - 0h00 - 01h00 : CULT OF LUNA
Pour finir cette programmation de folie ce samedi à la Valley, il ne manquait plus qu'une des figures de proue du post-metal:
Cult of Luna. Les amateurs de sons lourds et lents ne s'y trompent pas et c'est sous une tente remplie à ras-bord et chauffée à blanc que les Suédois débarquent. La fumée envahit la salle tandis que le groupe démarre sur le single de leur nouvel album, "The Silent Man". Les guitares sont massives, le son est fort, lourd. Le morceau fonctionne à merveille et les festivaliers, déjà sous le charme du combo, se mettent à headbanguer lentement, hypnotisés par les puissants riffs des trois guitaristes et les coups de massue de Thomas Hedlund. S'ensuit la très écrasante "Owlwood", efficace, transcendée par les hurlements gutturaux de Johannes Persson qui survolent la Valley. Vient ensuite l'inratable "Finland". Le titre est plus long, plus mélodique et progressif avec un superbe solo de guitare qui enchante toute la salle de purs instants de violence. L'auditoire est conquis et headbangue plus fort, fasciné par les lumières bleues, oranges et rouges. Le groupe, lui, est presque invisible, caché par la fumée. Mais le concert n'est pas fini et les Scandinaves entament "Ghosts Trails". Symphonique par moment, toujours accompagnée par des gros riffs de guitares bien lents et d'autres moments plus calmes, une ambiance froide et sale s'incruste sous le hangar. Si à cela on ajoute un final cataclysmique d'une intensité rare, on ne peut que saluer une performance sans faille. Et Cult of Luna réserve encore une surprise aux fans venus ce soir-là, avec "Nightwalkers" issu lui aussi de
A Dawn of Fear (qui paraîtra le 20 septembre). La surprise est totale, le morceau d'une efficacité redoutable, mélodique, avec un final où claviers, mélodies de guitares et hurlements se mêlent. Les festivaliers commencent à avoir mal au cou devant tant de violence et de maîtrise. Et c'est sur la plus crade, "In Awe of" de
Vertikal que le combo nous quitte. Comme pour les autres titres, le morceau dépote dans une Valley subjuguée. Les Suédois ont ainsi livré une performance extrêmement solide ce soir, il ne reste plus qu'à guetter leurs prochains concerts pour replonger dans cet excellent trip, celui d'un des meilleurs groupes de post-metal actuel.
Mainstage 02 - 01h05 - 02h05 : ARCHITECTS
Architects est l'un des groupes les plus attendus pour une simple raison: l'annulation de sa dernière programmation au Hellfest peu avant l'échéance en 2016, pour raison de santé du guitariste compositeur Tom Searle. Pas le temps d'exprimer notre déception que le drame qui s'en est suivit a fait le tour de toutes les news metal: Tom Searle décédait à l'âge de vingt-huit ans d’un cancer de la peau. Sa disparition a plongé aussitôt ses compagnons de route et la communauté entière dans un terrible deuil. Comment se remettre de cette épreuve si rude émotionnellement ? Et techniquement, pas des plus aisées ? Mais les Britanniques ont fait le pari courageux de continuer à écrire l'Histoire. «
Show must go on ». Et peu après une tournée cathartique de
All Our Gods Have Abandoned Us, l'impossible a trouvé confirmation : le groupe composera à nouveau, aidé par le remplaçant débauché chez
Sylosis, Josh Middleton. On ne pouvait pas rêver mieux. Qui de meilleur que ce génie de la sept cordes pour reprendre le flambeau ? Dans cette horrible épreuve, le groupe en est évidemment sorti grandi, mûri et, ironie du sort, sa célébrité même a explosé. Trois ans plus tard et un nouvel album en poche,
Holy Hell, les Britanniques sont sous-tête d’affiche de la journée et clôturent ce samedi hellfestien. Brisons donc le suspense : ce set se révèle grandiose. Alors que leur show six mois plus tôt dans la capitale a été ruiné par un son déplorable et une mise en scène trop épileptique, tout est inversé ce soir. Dans la nuit noire clissonnaise, la scène scintille pendant une heure et les oreilles ne saignent pas une seconde. La setlist est efficace à souhait tandis que le frontman Sam Carter, en tenue de soirée, se montre aussi survolté qu'à son habitude. Avec son langage toujours aussi fleuri et ses harangues incessantes, il est plus que jamais le point focal de la formation. Un des concerts avec un grand C du festival, bravo Messieurs !