Cosmic Camel Clash : La dernière fois qu'on s'est eu au téléphone, c'était il y a trois ans déjà, à l'occasion de la sortie de The Undercurrent de Scarve. Qu'as-tu fait pendant cette période ?
Sylvain Coudret : Cela fait deux ans que je joue avec Soilwork, puisque cela remonte à l'été 2008. Entre les tournées et la composition de l'album, le planning a été assez chargé ces deux dernières années, et du coup Scarve est un peu en stand-by pour le moment. On devrait quand même se retrouver pour préparer un nouvel album, qu'on espère enregistrer l'année prochaine.
Cosmic Camel Clash : Comment s'est passé ton intégration dans Soilwork ? Est-ce Dirk (Verbeuren, batterie) qui t'a recommandé ?
Sylvain Coudret : J'ai eu un coup de fil de Dirk vers avril 2008, qui me demandait ce que j'avais de prévu pour l'été parce qu'il leur manquait un guitariste pour assurer la tournée des festivals européens. Comme j'étais disponible, je lui ai dit OK et j'ai donc assuré une vingtaine de festivals avec Soilwork en tant que guitariste de session. Ca s'est tellement bien passé, tant sur le plan humain que sur le plan musical, qu'à la rentrée, vers septembre ils m'ont proposé d'intégrer le groupe. Tout ça s'est fait sans forcer, de manière totalement naturelle. J'en étais le premier surpris, c'était complètement inattendu.
Cosmic Camel Clash : Ces dernières années, c'était un peu le bordel au niveau de guitaristes chez Soilwork. Peter Wichers est parti, Daniel Antonsson est arrivé, puis c'est Ola Frenning qui est parti et toi qui est arrivé… D'ailleurs quand tu as débarqué, Peter Wichers était encore là ?
Sylvain Coudret : Non, l'autre guitariste était déjà Daniel Antonsson. Avant mon arrivée, ils avaient été dépannés par un autre guitariste de session, un ami à eux nommé David Andersson, mais qui n'avait pu poursuivre pour des raisons familiales qui l'empêchaient de pouvoir intégrer durablement un groupe.
Cosmic Camel Clash : Le retour de Peter Wichers a ravi les fans, du fait de son statut de compositeur principal depuis les débuts du groupe, mais tout le monde a été surpris qu'il ne reprenne pas son oncle Ola Frenning avec lui. Est-ce que tu sais ce qui s'est passé ?
Sylvain Coudret : Oui, bien sûr je sais tout (sourire téléphonique)… Après, j'ai pas forcément envie de parler de ça, parce qu'il y a des choses qui font l'objet de communiqués officiels pour la presse et des choses qui doivent rester au sein du groupe. C'était avant tout un problème de rapports humains, ça ne se passait plus très bien entre lui et les autres membres du groupe depuis un moment et c'est pour ça qu'ils l'ont plus ou moins viré. | |
Cosmic Camel Clash : Tu as participé au travail de composition du nouvel album. Comment ça s'est passé avec Peter Wichers, a-t-il tendance à tout diriger ou est-il ouvert à toute suggestion ?
Sylvain Coudret : Aucun problème à ce niveau-là. Avec Soilwork, c'est très différent de la manière de fonctionner de Scarve. Dans Scarve, on compose principalement à trois avec Dirk
(Verbeuren, batterie) et Patrick
(Martin, guitare), on répète ensemble, on balance les idées… Avec Soilwork, chacun amène ses idées ou même carrément des morceaux finis, et si ça plaît au reste du groupe, on garde. Quand j'ai intégré le groupe et qu'on a commencé à travailler pour l'album, je ne savais pas trop comment m'y prendre parce que je n'avais pas tellement l'intention de changer ma manière de composer. J'ai donc écrit des morceaux complets, je les ai envoyés au reste du groupe et comme ils ont bien accroché, on les a conservés ainsi, sans discussion. C'est vraiment démocratique, il n'y a pas de dictateur musical au sein du groupe. Quant à Peter, on s'entend très bien humainement, et c'est pareil sur le plan musical, tout est parfait.
Cosmic Camel Clash : Et donc sur l'album, qu'est ce que tu as composé ?
Sylvain Coudret : J'ai écrit "Deliverance Is Mine", "King Of The Treshold", "Epitome" et "Enter Dog Of Pavlov".
Cosmic Camel Clash : 4 morceaux sur 10, tu as eu un sacré impact sur cet album…
Sylvain Coudret : Oui, j'en étais presque surpris, je ne m'y attendais pas non plus. Quand tu arrives dans un groupe qui existe depuis de nombreuses années, il y a souvent une base de composition bien établie, et quand un nouveau arrive, il n'a pas forcément le "droit" d'écrire des morceaux, parce que le groupe a un son et une manière de fonctionner bien à lui, et notamment à certaines personnes…
| Cosmic Camel Clash : …Et aussi une dynamique de compostion qui est en place et que tu dois respecter.
Sylvain Coudret : Exactement ! En tout cas, j'ai écrit des morceaux, et à priori ça leur a plu, pour eux ça sonnait comme du Soilwork avec un petit côté Scarve qu'ils attendaient. Ce sont des fans de Scarve, et quand j'ai intégré le groupe, ils m'ont dit qu'ils voulaient aussi que j'amène ce petit côté supplémentaire, cette espèce de sonorité, de patte…
Cosmic Camel Clash : Et justement, quand tu t'es mis à composer, est-ce que tu t'es imposé une sorte de cahier des charges pour coller à Soilwork ou tu as fait comme tu en avais l'habitude ?
Sylvain Coudret : Je connais et j'apprécie Soilwork depuis des années, c'est un groupe très axé guitares et on a pas mal d'influences en commun à la base. Du coup j'ai écrit des morceaux comme je l'aurais fait pour Scarve, juste en essayant d'être un peu moins extrême dans le délire sonore, mais je ne me suis imposé aucune barrière. Le seul truc, c'est que j'ai composé sans penser du tout au chant et aux lignes vocales. Je voulais laisser Bjorn (Strid, chant) libre à 100% de faire ce qu'il voulait, et quand il a reçu les morceaux, ça l'a tout de suite inspiré : il y a eu comme un déclic, le courant est tout de suite passé. |
Cosmic Camel Clash : Au niveau des lignes de chant justement, est-ce que Bjorn les prépare dans son coin et vous les présente une fois finies, ou est-ce que là aussi ça fait partie d'un processus de groupe ?
Sylvain Coudret : Bjorn avait déjà maquetté quelques idées avant qu'on parte enregistrer, mais la majeure partie du chant s'est faite en studio, au moment d'enregistrer. C'est là qu'il a vraiment posé ses idées comme il l'entendait, car encore une fois, dans le groupe, tout le monde est libre de faire à sa manière tant que ça reste de qualité et que ça colle à l'esprit des morceaux. Et justement, l'avantage, c'est que ça amène une part de surprise dans le résultat final : par exemple, sur les morceaux que j'ai écrit, je ne m'attendais pas du tout à des lignes de chant comme ça. Je trouve ça bien en fait, ça permet en quelque sorte de redécouvrir les morceaux.
Cosmic Camel Clash : Comme tu le disais, tu étais déjà fan de Soilwork à la base…
Sylvain Coudret : …Oui, j'adorais vraiment les vieux albums. Pour moi, le meilleur album de Soilwork, ça reste
A Predator's Portrait…
Cosmic Camel Clash : On est d'accord !
Sylvain Coudret : Oui, j'ai toujours aimé le groupe depuis pas mal de temps, sauf les dernières productions, c'était plus trop mon truc… Par contre, les premiers albums effectivement, il y avait du riff de gratte, du solo… Tout ce que j'aime dans le metal quoi !
Cosmic Camel Clash : Justement, les solos, j'allais y venir. Sur The Panic Broadcast, on retrouve le côté un peu furieux des leads qui s'était perdu en chemin. Est-ce que c'est quelque chose auquel tu tenais ou est-ce que là encore, c'est venu comme ça sur le tapis ?
Sylvain Coudret : Quand on a discuté de ce sujet avec Peter, c'est vrai qu'on s'est dit que c'était dommage, pour ne pas dire complètement débile, que sur les derniers albums il n'y ait pratiquement plus de solos chez Soilwork. On était donc d'accord pour se lâcher sur les solos, il y a pas mal de grands passages avec beaucoup de solos sur l'album. C'était donc voulu, mais pas forcé dans le sens où on ne s'est pas dit «
sur tel morceau, il faut absolument tant de solos de guitares»… En plus nos deux styles se complètent bien : Peter a un style plus mélodique, le mien est plus flashy, et les deux se marient très bien à mon avis.
Cosmic Camel Clash : Au gré des changements de line-up, Soilwork est devenu au fil des années un des groupes les plus techniques, il n'y a quasiment que des brutes dans le groupe. Est-ce que ça a une influence dans le processus de composition, dans le sens où vous vous dites : «là on peut en rajouter», ou au contraire «là il faut surtout ne pas en faire trop» ? Ou est-ce que vous n'y pensez tout simplement pas ?
Sylvain Coudret : Non, on n'y pense pas vraiment. C'est vrai que l'avantage d'avoir des musiciens qui ont un super niveau comme Dirk, Peter ou encore Sven (Karlsson, claviers), c'est qu'on peut se permettre tout ce qu'on veut au niveau musical, on sait que tout le monde pourra assurer derrière sur le plan technique. C'est un sacré plus de ne pas avoir à se freiner en se disant qu'on ne pas faire tel truc parce qu'après, on ne sera pas capable de le rejouer sur scène. A l'inverse, on ne s'est pas mis de barrière, on a écrit les morceaux naturellement. On était même assez content de revenir à des choses assez techniques au niveau des guitares, mais aussi niveau batterie : on trouve des parties que Soilwork n'avait jamais exploitées jusque là, des choses que Dirk n'avait jamais pu faire auparavant. On a su évoluer sur ce plan là, et à l'arrivée on a vraiment fait l'album qu'on voulait. | |
Cosmic Camel Clash : Concernant le back catalogue, quels sont les morceaux que tu préfères jouer sur scène, et y en a-t-il que tu n'aimes pas trop jouer ?
Sylvain Coudret : Ah, question difficile, il y a tellement de morceaux ! Comme ça je te dirais "Black Star Deceiver", c'est vraiment un morceau que j'adore. Les morceaux les plus anciens sont plus intéressants à jouer parce que le boulot au niveau des guitares est plus technique, avec des parties en twin par exemple, alors que les morceaux des albums plus récents sont assez simples, où on reste sur un ou deux riffs plus basiques…
Cosmic Camel Clash : …Par exemple, vu tes goûts en tant que guitariste, j'imagine qu'un morceau comme "Nerve" de Stabbing The Drama, qui est uniquement basé sur le groove avec du ramonage de la corde à vide, ça ne doit pas être très intéressant à jouer en tant que musicien…
Sylvain Coudret : Disons que quand tu joues ce morceau sur scène, tu ne peux pas vraiment t'emmerder parce que le public est carrément à fond. Maintenant, c'est vrai que ce n'est pas un morceau que je vais jouer tout seul dans ma chambre, parce qu'il y a vraiment très peu de parties à jouer. Ceci dit, il y a quand même des choses très intéressantes à jouer dedans, comme le riff principal. C'est le genre de riffs qui te procure une sensation de puissance, c'est très agréable à jouer même s'il y a beaucoup de cordes à vide. Il n'y a pas non plus que la technique qui m'intéresse dans la guitare : parfois la puissance qui se dégage d'un riff peut procurer beaucoup de plaisir, même s'il est simple. Non, vraiment, j'adore jouer ce morceau. A la limite, un morceau comme "Stabbing The Drama" est un peu chiant à jouer, mais ce n'est pas quelque chose à laquelle on pense quand on est sur scène parce qu'on s'éclate.
Cosmic Camel Clash : Petite parenthèse Scarve : le groupe est en stand by, ce qui est assez logique vu vos emplois du temps, mais tu as dit que vous aviez des projets…
Sylvain Coudret : Oui, on commence à écrire des morceaux, et on espère pouvoir enregistrer l'année prochaine si on a suffisamment de matière. Maintenant, on ne se met pas non plus la pression par rapport à ça parce qu'on en reste au stade du projet studio, à moins qu'on nous propose des tournées intéressantes. Donc on va prendre le temps qu'il faut pour faire un album béton, on ne s'est pas donné de date butoir pour cela, même si 2011 serait l'idéal.
Cosmic Camel Clash : Ce qui paradoxal, c'est que Scarve a beau avoir toujours été votre groupe principal avec Dirk, il y a d'autres fortes chances pour que votre future label axe sa promo sur l'autre projet de Dirk et Sylvain de Soilwork. C'est un truc auquel vous avez déjà pensé ?
Sylvain Coudret : Oui, c'est évident. C'était déjà le cas dès la sortie de
The Undercurrent, dessus il y avait marqué «
avec le batteur de Soilwork». C'est le jeu des labels pour vendre un peu plus d'albums, mais ce n'est pas forcément plus mal puisque ça permet d'attirer des gens qui connaissent Soilwork mais pas Scarve, et ça ne change rien pour les fans de Scarve qui savent que le groupe existait bien avant. En tout cas ça ne me pose pas de problème, ça reste dans la même sphère metal. C'est logique que les labels profitent au maximum de tout ce peut qui leur permettre de vendre plus d'albums, c'est leur boulot.
Cosmic Camel Clash : Tout à fait. Et pour le poste de chanteur, vous en êtes où ?
Sylvain Coudret : C'est toujours Lawrence Mackrory, qui avait enregistré le chant clair sur
The Undercurrent. A priori, c'est lui qui va enregistrer toutes les voix sur le prochain Scarve, même si tout n'est pas encore définitif. Pour le chant clair, c'est sûr et certain puisque sa voix correspond parfaitement à ce qu'on fait. Après, au niveau des growls, il sait faire ce type de voix mais peut-être pas exactement dans le style qu'on avait. Donc pour l'instant, notre choix s'est arrêté sur lui, et si les morceaux nécessitent des growls plus puissants, plus profonds, on avisera à ce moment-là. Mais ce qui est sûr, c'est que Lawrence en sera.
Cosmic Camel Clash : Je te posais la question car la dernière fois qu'on s'était telephone, c'était juste après le concert du Hellfest où Bob de Watcha avait assuré tous les vocaux. A l'époque, tu m'avais dit que vu ses capacités vocales, l'idée de faire un album avec lui te tentait…
Sylvain Coudret : Disons que depuis, on n'est pas vraiment restés en contact avec Bob, contrairement à Lawrence qu'on connaît depuis beaucoup plus longtemps, on sait que c'est un fan de Scarve de longue date et il nous a toujours montré qu'il était hyper motivé. En plus, l'avantage de Lawrence, c'est qu'il n'a absolument aucun accent quand il chante, alors que quand Bob chante en anglais, on sent ce petit accent français derrière qui me dérange un peu, même si ça ne remet absolument pas en cause ses énormes qualités de chanteur. En plus, le truc qui a fait pencher la balance, c'est la qualité du travail de Lawrence sur
The Undercurrent compte tenu des circonstances. Quand on voit ce qu'il a sorti en arrivant à la dernière minute, avec tout le stress qui va avec, on se dit qu'il assure dans n'importe quelles conditions et qu'en travaillant un peu plus longtemps ensemble, on devrait pouvoir réussir à sortir un truc énorme.
Cosmic Camel Clash : On approche de la fin de l'interview, et je finis toujours de la même façon : si tu n'as plus rien à dire, on s'arrête là, mais si tu veux rajouter quelque chose, tu peux, sachant que tu n'es pas obligé.
Sylvain Coudret : Ah, c'est toujours la petite dernière question qui tue, où on sait jamais trop quoi dire…
Cosmic Camel Clash : … Justement, tu n'es même pas oblige de dire quelque chose, c'est toi qui vois !
Sylvain Coudret : Ce que je dirais, c'est que pour ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'écouter le nouveau Soilwork, je leur conseille d'aller l'acheter évidemment ! Je ne dis pas ça parce que je joue dessus, mais à mon avis, c'est le meilleur album de Soilwork. C'est le plus varié, on y retrouve tous les styles que Soilwork a pu aborder dans sa carrière, et c'est celui où Bjorn démontre le plus toutes ses capacités. Et puis ne pas oublier que Scarve existe toujours, même s'il est en stand by, Scarve n'est pas mort. Je n'ai pas quitté Scarve, Dirk n'a pas quitté Scarve, Patrick n'a pas quitté Scarve, Loïc n'a pas quitté Scarve, et puis il y a Lawrence au chant. Il fallait que ce soit dit !
Crédit photos : www.myspace.com/soilwork (Hannah Verbeuren)
Questions : CCC
Transcription : Kroboy