Eudus :Bonjour Emmanuelle, peux-tu présenter ? Comment vas tu depuis notre dernier entretien ?
Emmanuelle : Je suis Emmanuelle Zoldan, chanteuse française du groupe Norvégien Sirenia. Je vais bien. C'est une période un peu particulière pour tout le monde. J’essaie de rester optimiste. Il y a plein de projets qui arrivent, j’essaie de rester positive.
Eudus : Nous nous étions entretenus avant votre concert parisien, pour la promo d'Arcane Astral Aeons (AAA). Que retiens tu de cet album, des retours, de votre tournée en tête d'affiche ?
Emmanuelle : On a beaucoup tourné suite à cet album, avant que tout s'arrête à cause du Covid. On a eu des supers retours sur l'album. Très bonnes réactions du public sur les nouvelles chansons. Nous même on s'est beaucoup éclaté à jouer les nouvelles chansons en live, qui s'y prêtent. Très bon retour sur cet album.
Eudus : Vous avez ensuite embrayé avec une tournée en compagnie de Leave's Eyes et Lost In Grey. Comment cette tournée c'est elle passée ?
Emmanuelle : Très bons moments de musique, d'amitié de chouettes rencontres humaines, tout s'est très bien passé.
Eudus: Riddles, Ruins & Revelations (RR&R) est le dixième album de Sirenia. Peux-tu nous en dire plus sur les thèmes abordés ?
Emmanuelle : C'est un album assez varié, comme souvent chez Sirenia. Les thèmes restent toujours ceux de prédilections du groupe : quête, questions sur l'existence. C'est un album sur lequel on s'est beaucoup concentré pour donner une nouvelle direction artistique, sans perdre l'essence de Sirenia. On a voulu quelque chose de plus moderne, sortir de notre zone de confort pour proposer de nouvelles choses mais jamais s'éloigner du style Sirenia.
Eudus : Le metal symphonique/ mélodique a, semble-t- il, atteint un plafond ces derniers temps et les jeunes groupes ont tendance soit à intégrer plus de screams dans leur compo (de plus en plus souvent exercés par la vocaliste) soit à intégrer des éléments électro voir eurodance. Quand on est un groupe comme Sirenia qui a traversé toutes les époques depuis l'avènement du metal symphonique, n'est ce pas compliqué de garder sa place ?
Emmanuelle : Ça fait partie de l'évolution d'un groupe. S'il veut continuer à se démarquer et à exister dans le paysage musical, il faut s'adapter et évoluer. C'est aussi une motivation générale dans le groupe. Je pense qu'au bout de tant d'années, faire les choses qu'on sait faire, tourner autour des mêmes sonorités, ça devient ennuyeux pour les fans et nous les musiciens. Il faut savoir évoluer avec le temps, s'adapter, essayer de nouvelles choses, prendre des risques. Concernant les grunts, ça me fascine assez d'un point de vue technique, j'essaye de comprendre. Avec ma technique classique et lyrique j'ai peur d'aller dans ce registre. C'est une technique pour le maîtriser. Je pense qu'il fait se casser la gueule et c'est possible de se faire mal donc je n'ai pas testé, et personnellement ce n'est pas le type de chant qui me parle.
Eudus : D'ailleurs Morten l'utilise de moins en moins, sais-tu pourquoi ?
Emmanuelle : je pense que c'est toujours d'actualité, il en a remis un peu plus dans cet album mais je pense qu'il ne veut pas systématiquement proposer la même chose.
Eudus : Cette fois ci, Morten s'est occupé de tout, jusqu'au mixage, mastering, etc. Est-ce un choix de sa part, est-ce dû à la crise actuelle ?
Emmanuelle : On a beaucoup travaillé à distance, on est resté connecté tous les jours pour échanger sur les morceaux, les arrangements il nous consultait régulièrement. Il n'était pas prévu que Morten enregistre seul en Norvège. Tout ça, c'est lié au Covid. D'habitude, Sirenia a toujours enregistré en France, à Marseille, pareil pour les fameux chœurs sireniens. Cette année tout était compliqué. Je pense que très honnêtement et très humblement, étant données les circonstances, on peut être fier du résultat.
Eudus : Le line up actuel semble le plus stable depuis la création de Sirenia, comment expliquer cela ?
Emmanuelle :Je ne sais pas, c'est un line up très soudé, très proche, on communique quasi tous les jours. Il y a un lien assez fort entre nous. C'est quelque chose d'évident dans notre relation, il y a une transparence entre nous qui fait que tout fonctionne parfaitement.
Eudus : Morten est un compositeur précurseur avec un long parcours, quel place vous a-t-il laissé dans le processus de créations de RR&R?
Emmanuelle : Sirenia c'est son projet, il a vraiment son idée. C'est quelque chose chose qu'on accepte et qu'on comprend. Il se tourne vers nous sur tout ce qui est interprétation, il va être très ouvert dans nos propositions concernant ces interprétation, mais ça reste son bébé.
Eudus : Parlons de la reprise de "Voyage Voyage", qui a eu l'idée ?
Emmanuelle : Cette chanson a eu énormément de succès en Norvège dans les années quatre-vingts et Morten l'affectionne. C'était un rituel pendant les tournées de la mettre dans le tour bus, et un jour il est arrivé avec ses arrangements sur la chanson pour en faire une reprise, et ce n'était pas une blague. On a été convaincu par le résultat. Au départ ça devait être une bonus track ou un titre privé, mais vu que ça sonnait super bien, on a décidé de la garder.
Eudus : Je dois avouer, que si j'ai eu peur au début, la version s'avère particulièrement réussie, et fait partie de mes titres préférés (avec "Into Infinity" et "Passing Seasons"). As-tu des préférences pour ta part ?
Emmanuelle : ils sont tous différents des uns des autres, des atmosphères différentes. J'ai le même sentiment que sur
AAA, ça évolue tous les jours. Mais j'ai une préférence pour "We Come to Ruins", le second single qui est plus dark et me correspond plus. S'il faut en choisir un, aujourd'hui ça serait celui-là.
Eudus : Encore plus que sur AAA, on sent cette volonté de ne pas « abuser » de ton chant lyrique, pour un chant plus varié, alternant notes hautes et chant pop. Comment le vis-tu ? Arrives-tu à être à l'aise dans chaque exercice ?
Emmanuelle : Complémentent. L’utilisation de la voix lyrique quand elle est justifiée c'est très bien. Mais dans cet album, oui la voix lyrique est utilisée plus à dose homéopathique et ça me va car ça n'aurait pas forcément collé avec l’esprit de cet album, on a trouvé le juste dosage, et j'avais envie d'explorer ce coté pop.
Eudus : AAA avait un artwork coloré, celui de RR&R est bien plus sombre, un des plus sombres du groupe (et rappelle celui de The Seventh Life Path). Est-ce dû au contexte actuel ?
Emmanuelle : Je pense que c'est vraiment l'inspiration de l'artiste (ndlr :
Gyula Havancsák). Je pense qu'il s'inspire de l'album pour sortir l'artwork, ce qu'il lui évoque. Il a une grande part de liberté dans son interprétation.
Eudus : Comment toi, personnellement, et le groupe avez vous vécu cette dernière année, comment vous projetez-vous dans un avenir proche, notamment pour prévoir une tournée ?
Emmanuelle : C'est compliqué, car ça fait plus d'un an qu'on a fait notre dernier show ensemble. C'est beaucoup de temps sans monter sur scène, c'est dur d'un point de vue artistique car on est privé de ce qu'on aime, c'est frustrant. Et d'un point de vue humain aussi, on ne se voit plus. Mais ça ne nous empêche pas de faire des projets. On sait pas ce qui sera possible de faire, mais si ça se confirme il y a des choses très sympa de prévues. On essaye de trouver des solutions pour être actifs.
Eudus : De plus en plus de groupes, petits ou gros, proposent des lives stream, avec soit un participation libre ou un prix fixé à l'avance. Avez-vous réfléchi à cette solution, où le fait de vivre dans deux pays différents (Ndlr : France et Norvège) vous empêche de mettre cela en place ?
Emmanuelle : C'est quelque chose qu'on évoque, à un moment faut s'adapter, on ne sait pas comment les choses vont évoluer. Il faut qu'on puisse donner quelques chose à nos fans.
Eudus : Le monde du metal est souvent considéré comme une communauté à part et qui se soutient, penses-tu que cela va permettre au style de s'en sortir sans conséquences (via notamment le merch, les précommandes, etc) ?
Emmanuelle : Oui bien sûr il va falloir compter sur ces réseaux-là.
Eudus : Comment vis-tu la situation actuelle ? Penses-tu que cette pandémie va changer des choses pour le monde de la culture, le rapport des gens à la musique ?
Emmanuelle : J'ose espérer que quelque chose d'autre va se créer. Les gens ont de plus en plus conscience de la fragilité de nos métiers. On reçoit beaucoup de messages des fans, de soutien, j'ai l'impression que les gens se sentent plus impliqués. Ça va créer de nouvelles relations entre les groupes et les fans, tout cela crée de nouvelles choses, je l'espère en tout cas.
Eudus : À la fin de notre interview de 2018, vous nous disiez avoir comme projet de sortir un DVD : qu'en est il ?
Emmanuelle :Ce n'est pas encore pour de suite mais c'est dans les projets.
Eudus : Avez-vous d'autre projet en tête ?
Emmanuelle : Il y en a pas mal. Un autre album est en cours de travail, ça avance, avec le covid ça favorise l'aspect créatif. En terme de tournées aussi, ce projet de DVD live, avec des concerts qui peuvent apporter des images sympas. Des projets d'albums acoustiques. On doit se mettre d'accord sur le choix des morceaux, il y en a beaucoup qui conviendrait dans la discographie de Sirenia.
Eudus : Merci Emmanuelle pour le temps que tu as consacré à cette interview. Je te laisse le mot de la fin.
Emmanuelle : J'espère que l'album surprendra dans le bon sens et que notre fan base sera ravie de cet album, comme nous, car compte tenu des circonstances, on a réussi un challenge.