Enfin, ça y est ! A la force du poignet, Iced Earth est parvenu à se hisser au rang des leaders du heavy metal grâce à un album impeccable (Something Wicked This Way Comes) et un triple live mythique (Alive in Athens). Même en France, Schaffer a droit à la couverture dans la presse spécialisée, juste récompense pour ces années de labeur au cours desquelles les locomotives du genre n'étaient pas à la fête. Malgré tout, le plus dur reste à faire : confirmer ce nouveau et prestigieux statut.
Fidèle à son habitude, Schaffer a une nouvelle fois remanié en profondeur le line-up d'Iced Earth, dans lequel il accueille deux musiciens de prestige : le bassiste Steve DiGiorgio et le batteur Richard Christy, qui formèrent un moment une des nombreuses sections rythmiques de Death (autre entité pour laquelle la notion de stabilité était toute relative). À noter que DiGiorgio réussira le tour de force de se faire virer avant même la sortie de l'album, sur lequel il n'apparaît qu'en tant que guest ! Evidemment, leur talent est très loin de passer inaperçu. Malgré un son de batterie famélique, Christy sort un pattern hallucinant dès le premier morceau, le formidable "Wolf". Ce titre est de loin le meilleur de Horror Show : intro ambiancée, rythmique de folie, accélérations furieuses, refrain puissant et en prime, une excellente performance de Barlow dans un registre agressif. 5 minutes explosives pour un groupe qu'on croit au sommet de son art. DiGiorgio n'est pas en reste et son jeu fait merveille sur le morceau suivant, "Damien". Outre l'intro à la basse, il nous gratifie des lignes funambulesques tout au long de cette pièce grandiose de 9 minutes, dont la lente montée en puissance se termine en apothéose avec ces chœurs tout droit sortis des ténèbres.
Malheureusement, la suite n'est pas au niveau de ce départ en fanfare. En effet, il y a très peu de titres vraiment aboutis sur Horror Show, car de nombreux grains de sable viennent régulièrement gripper la machine. Quand ce n'est pas un refrain peu inspiré qui vient plomber "Jack", c'est un break insipide qui gâche la dynamique de "Jekyll & Hide". Plus étonnant encore, il y a des titres vraiment ratés auxquels Schaffer ne nous avait pas habitués jusque là, comme "Im-Ho-Tep" ou "Frankenstein". On atteint même le comble de l'absurde avec la reprise de "Transylvania" de Maiden : le chant étant une des seules différences avec l'institution britannique, quel est l'intérêt de reprendre un instrumental, surtout si c'est pour en faire une copie carbone ? Face à ces nombreuses approximations, on est presque surpris d'avoir affaire à une ballade aussi réussie que "Ghost of Freedom". Le chant de Barlow fait merveille, le solo simple mais bien senti du producteur Jim Morris aussi (comme sur "Watching Over Me"), et une fois de plus les chœurs en fin de morceau viennent renforcer l'intensité émotionnelle.
Il faut vraiment attendre la fin de l'album pour voir le capitaine redresser la barre. Les arpèges au début de "Dracula" permettent à Barlow de jouer sur la corde sensible, assurément son meilleur registre. Après cette longue intro tout en douceur, l'arrivée du screaming vient clouer l'auditeur sur place, avant de l'emmener dans une folle chevauchée estampillée Iced Earth. Le refrain est également d'une efficacité redoutable, ce qui n'est malheureusement pas si fréquent sur cet album. Quant à "The Phantom Opera Ghost", il permet à Iced Earth d'aborder un genre plus théâtral. Le groupe avait déjà eu recours aux voix féminines sur la magnifique "A Question of Heaven", mais cette fois il s'agit d'un véritable duo entre une certaine Yunhui Percifield et Barlow, dont on regrettera cette fois le chant un peu trop ampoulé. Le travail sur la structure du morceau est remarquable : le dialogue entre les deux protagonistes est parfaitement équilibré, et les enchaînements entre les différents thèmes (intro/outro, passages lents, accélérations) sont d'une fluidité remarquable. Dommage que tout l'album ne soit pas de ce calibre.
Au final, Horror Show est de cette race d'albums qui font forte impression à la première écoute mais qui montrent très rapidement leurs limites. Un début sur les chapeaux de roues, une fin en boulet de canon mais un grand vide entre les deux : telle est la triste vérité de cet album, à propos duquel Schaffer avouera plus tard son manque d'inspiration. Malgré des chiffres de vente très corrects, Horror Show marque un vrai recul en terme qualitatif, et c'est donc sur un album en demi-teinte (mais une performance individuelle impeccable) que Barlow décidera de quitter le navire.