CHRONIQUE PAR ...
Lucificum
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Luca Minieri
(guitare+chant)
-Diego Ambrosi
(guitare)
-Emilio Dattolo
(basse)
-Marco Minnemann
(batterie)
TRACKLIST
1)The Insight Eye
2)Brain Collapse
3)Rooms Of Emptiness
4)The Absolute Or Nothing
5)Soundless Pain
6)Core
7)Be My Guide
8)Secrets Of Human Hate
DISCOGRAPHIE
Chuck Schuldiner et ses petits copains avaient frappé très fort avec leur 5e album Individual Thought Patterns. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cet album a marqué d’une nouvelle pierre l’édifice du death-metal. Très technique, à la limite parfois de la compréhension, avec une basse très en avant qui jouera tout au long de l’album un rôle décisif, cet opus a confirmé en ce temps-là que Death était et resterait en avance sur son temps. Alors bien sûr, Individual ne fût pas l’album le plus populaire du groupe mais… pardon ? Ah, je ne chronique pas le bon album ?
Bon, il faut dire que c’est trompeur. Car Illogicist pratique un genre qui reprend toutes les grandes lignes de ce mythique album. Que ça soit le son des guitares qui s’en inspire largement, la voix éraillée qui pourrait par endroit nous faire croire que Chuck Schuldiner est encore en vie (si seulement…) et cette basse très présente à l’image de celle de Steve Di Giorgio brodant ses mélodies alambiquées derrière le mur de guitare, c’est parfois à s’y tromper. Cette approche particulière du style, introduite ou reprise par des groupes comme Cynic ou Atheist dans le milieu des années 90 n’a pas connu une énorme popularité, celle-ci étant souvent jugée trop technique et trop froide - la plupart du temps à raison.
Difficile d’accès, The Insight Eye l’est tout autant que son grand frère Individual Thought Pattern, son influence principale - mais pas unique. Une fois passée la barrière de la technique et de la complexité qui en rebutera sans aucun doute un certain nombre, on découvre mine de rien une œuvre puissante et racée qui, bien qu’elle n’arrive pas à faire oublier d’où elle tire sa force, sait affirmer son caractère. Les mots d’ordre des Italiens (car oui, Illogicist nous vient d’Italie) ont du être, lors de la création de l’album : complexité, structures tortueuses et alambiquées. A un tel point que l’album perd une grosse partie de la spontanéité du death-metal pour devenir un produit plus cérébral. Les amateurs de death basique, puissant et viscéral peuvent passer leur chemin.
Rien que l’intro de l’album donne le ton : rythmique improbable, dissonances marquées (mais pas agressives pour l’oreille), on imagine sans peine le sourire narquois des compositeurs s’amusant à rajouter une double croche ici et un triolet là pour rendre la mesure bancale. Abondent alors les 7/8, les 13/6 ou les 19/16 (pour ceux qui ont des notions de solfège) rendant totalement imprévisible et un poil déstabilisant leur musique. L’autre élément sortant du lot est la basse et indubitablement : ça fait plaisir. Trop souvent reléguée en fond de mix, elle fait ici jeu égal avec les guitares et suit la plupart du temps sa propre ligne mélodique. Elle n’en ressort que plus, à l’image une fois de plus de Di Giorgio sur ce fameux album… mais vous savez de quoi je parle.
Huit titres tous aussi complexes et tordus, Illogicist ne semblant pas prêt à procurer un instant de repos à l’auditeur. Et c’est à la fois sa force et son défaut : sa force, car n’importe qui ne peut que s’incliner devant l’audace et l’ambition affichée du groupe de reprendre les choses là ou Schuldiner les avait laissé pour de fallacieuses raisons (parait-il qu’il serait mort, vous parlez d’une excuse). Et son défaut, car ce croisement entre death metal et metal progressif ne possède ni la force du premier ni la mélodie du second. Restent donc une production clinique, froide et aseptisée, une indéniable technique et une basse qui en fait parfois trop, mais dont l’omniprésence contrebalance son absence quasi généralisée dans le death-metal en général…
Restons-en là pour aujourd’hui : il faut poser une oreille attentive sur The Insight Eye pour savoir si l’on fait partie de ces auditeurs qui vibrent plus en écoutant les mesures illogiques (!) de Illogicist ou si l’on préfère un bon gros blast-beat : dans ce dernier cas, passez votre chemin. Tordu, cérébral et élitiste, cet album est à réserver à une frange assez particulière des amateurs de death. Nul doute que les autres s’y ennuieront à mourir.